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À La Une - contestation

Au Liban, les contestataires investissent les rues en convois : "Nous n'avons pas peur du coronavirus"

Les protestataires s'opposent à la tenue de la séance parlementaire mais dénoncent aussi la dégradation de la situation économique.

Un convoi de manifestants libanais hostiles au gouvernement, le 21 avril 2020, à Tripoli, au Liban-Nord. REUTERS/Omar Ibrahim

Malgré les mesures de confinement imposées pour lutter contre le coronavirus, et pour protester contre la séance parlementaire tenue exceptionnellement au palais de l'Unesco à Beyrouth, des dizaines de voitures ont formé mardi un convoi de contestataires à travers le pays pour fustiger la classe politique, sous le feu de la rue depuis le 17 octobre dernier, date du début de la révolte populaire au Liban. Les protestataires ont également dénoncé la dégradation de la situation économique, dans un contexte de crise financière sans précédent depuis 30 ans, aggravée par la pandémie.

Dès 9h30 ce matin, une trentaine de voitures se sont rassemblées sur la voie-express du Ring, l'une des places fortes de la contestation à Beyrouth, rapporte notre journaliste sur place Tilda Abou Rizk. 

Un convoi de manifestants sur la voie-express du Ring à Beyrouth, le 21 avril 2020. Photo Tilda Abou Rizk


Le Parlement, réuni exceptionnellement au palais de l'Unesco et non à l'Hémicycle, place de l'Etoile, pour respecter des mesures de distanciation sociale contre le coronavirus, planche sur un ordre du jour composé de 66 points, et qui fera vraisemblablement l'objet de discussions mouvementées entre parlementaires proches du pouvoir en place, et ceux se réclamant de l'opposition. L'un des principaux sujets controversés débattus est un projet de loi sur une amnistie générale. Cette question est revenue sur le devant de la scène récemment, avec la crainte de contaminations par le coronavirus dans les prisons. Elle provoquait clairement la colère des protestataires dans la rue.



(Lire aussi : La révolution semble de retour malgré le Covid-19)



"Comment vivre, manger et boire ?"
"Contre la loi d'amnistie", pouvait-on lire sur certaines pancartes brandies par les manifestants sur le Ring. D'autres criaient "Thawra, Thawra" (Révolution, ndlr).

"Cela fait six mois que je suis sans emploi. Comment vivre, manger et boire dans ces conditions ?", s'interroge Roula Kanaan, une militante de la première heure. "Tant que nous prenons nos précautions en manifestant, nous n'avons pas peur du coronavirus", affirme-t-elle à notre journaliste.
"Nous avons des objections sur l'ordre du jour qui comporte 66 points qui ne sont pas en lien avec la situation actuelle du pays", explique Rania, une autre manifestante.

Un peu plus tard, le convoi, qui dit vouloir se rendre dans le périmètre du palais de l'Unesco malgré les routes fermées à proximité par les forces de l'ordre, s'est dirigé vers la place des Martyrs, a constaté notre journaliste sur place Anne-Marie el-Hage. Là-bas, des hauts-parleurs crachaient des chants révolutionnaires, alors que certains manifestants se sont assis à même le sol afin de bloquer la circulation. Dans les rangs des contestataires, des militaires à la retraite sont venus crier leur colère contre la classe politique et alerter sur leur situation précaire. Les mesures de distanciation sociale et de protection contre le coronavirus n'étaient pas respectées par les manifestants, malgré les appels des organisateurs en ce sens.

Un convoi de manifestants rassemblés sur la place des Martyrs, à Beyrouth, le 21 avril 2020. Photo Anne-Marie el-Hage

A Tripoli, au Liban-Nord, autre haut-lieu de la contestation populaire, des convois automobiles se sont formés également, selon notre correspondante Ornella Antar. Les manifestants ont ainsi paradé, munis de drapeaux libanais et de pancartes. Ils ont sillonné, entre autres, la place al-Nour, place forte de la contestation dans la capitale du Liban-Nord. Alors que certains manifestants respectaient les directives de précaution relatives à la lutte contre la prorogation du coronavirus, notamment le port de masques et la distanciation sociale, d’autres n’ont pas fait preuve du même engagement. Au moment du rassemblement, plusieurs manifestants sont brièvement sortis des voitures sur la place al-Nour. La foule était hétéroclite, hommes, femmes, de tous les âges.

Un convoi de manifestants à Tripoli, le 21 avril 2020. Photo Ornella Antar


"Un message au gouvernement et à l’opposition"
Dans le sud du pays, à Saïda et Tyr, des convois ont aussi sillonné les rues des deux villes. A Saïda, le convoi de voitures était moins important que prévu, selon notre correspondant au Liban-Sud Mountasser Abdallah, qui a constaté la présence d’une quinzaine de véhicules en tout. Toutefois, beaucoup de citoyens se sont solidarisés avec les convois en agitant des drapeaux à partir de leur balcon au passage des voitures. Les manifestants dans les voitures ont parfaitement respecté les gestes barrières, portant masques et gants et se limitant à deux passagers par véhicule. Ils ont sillonné les rues de la ville durant une heure environ, avec pour points de départ et d’arrivée la place Elia, connue pour avoir accueilli les tentes des manifestants tout au long de l’insurrection populaire.

Des convois de manifestants dans une rue de Saïda, au Liban-Sud, le 21 avril 2020. Photo Mountasser Abdallah

Ahed Madi, l'un des organisateurs du mouvement, confie à notre correspondant que ce mouvement est une reprise de l’intifada populaire après une interruption imposée par les restrictions sanitaires, et qu’il exprime un refus des politiques économiques du gouvernement, notamment son inaction face à la flambée injustifiée des prix et à la dévaluation de la livre. Le militant affirme que "ce rassemblement est autant un message au gouvernement qu’à la nouvelle opposition politique (le courant du Futur, les Forces libanaises et le Parti socialiste progressiste, ndlr), qui tente de profiter de la révolution populaire pour servir ses propres intérêts". Il ajoute enfin que les contestataires préparent des mesures d’escalade qui resteront, néanmoins, respectueuses des règles de protection sanitaire. À Tyr, c'est un convoi d’une vingtaine de voitures qui a pris la route à midi, arborant des drapeaux libanais et sillonnant les rues de la ville. Amal Wazni, une militante de la ville, a indiqué à notre correspondant que les manifestations vont reprendre graduellement, tout en tenant compte des circonstances par lesquelles passe le pays. Des convois de manifestants ont également sillonné les rues à Nabatiyé.


A Baalbeck, "la révolution est bien vivante"
Dans la Békaa, des dizaines de voitures venues de Taalabaya, Bar Elias et Marj ont déambulé dans les rues de Qab Elias, portant le drapeau libanais et au son des chants patriotiques. Les manifestants des différentes régions se sont retrouvés à Chtaura, puis Zahlé et enfin Masnaa. Les organisateurs du mouvement ont indiqué à notre correspondante Sarah Abdallah que leurs principales revendications portent sur des solutions à la crise économique qui frappe de plein fouet la région, notamment en raison de la flambée des prix sur le marché et de la hausse du prix de change du dollar, rappelant que le mois du Ramadan va bientôt commencer. Il faut noter que des rassemblements de voitures ont eu lieu ces derniers jours à Taalabaya mais aussi à Bar Elias et Marj. Toutefois, certaines voix parmi les contestataires de la Békaa ont rejeté ce type de rassemblements, estimant que les conditions socio-économiques difficiles ne justifient pas des dépenses supplémentaires sur l’essence.

Dans la région de Jlala, dans la Békaa-Ouest, une rixe entre des jeunes de la famille Zeaïter et d'autres de la famille Abou Jabal a fait deux blessés de la famille Zeaïter, selon notre correspondante sur place. En colère, des jeunes de la famille Zeaïter ont alors tiré en direction d'une salle d'exposition de voitures appartenant à la famille Abou Jabal dans la région.


Des convois de manifestants dans la Békaa. Photo Sarah Abdallah.


Dans ce renouveau de l’intifada populaire constaté sur l’ensemble du territoire, la ville de Baalbeck, dans la Békaa-Nord, n’a pas fait exception. Les contestataires de cette ville, actifs depuis le début du mouvement de contestation du 17 octobre, ont pris part à des convois de voitures dans les rues. Ils se sont retrouvés sur la place Khalil Moutran, où ils manifestent habituellement, se dirigeant par la suite vers le site archéologique de Baalbeck, puis vers le souk. Selon notre correspondante Sarah Abdallah, ils ont appelé les citoyens à se joindre à eux, scandant des slogans de la révolution à l’aide de haut-parleurs. Une patrouille de l’armée a accompagné le convoi durant sa traversée de la ville. Tous les manifestants portaient le drapeau libanais, assurant que "la révolution est bien vivante, parce qu’il est plus digne de mourir dans la rue que de faim à la maison".



A Baalbeck. Photo Ahmad Naqqouche.


Ailleurs à Antélias, dans le Metn, et Sarba, dans le Kesrouan, des convois ont aussi circulé, selon la chaîne LBCI.



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Malgré les mesures de confinement imposées pour lutter contre le coronavirus, et pour protester contre la séance parlementaire tenue exceptionnellement au palais de l'Unesco à Beyrouth, des dizaines de voitures ont formé mardi un convoi de contestataires à travers le pays pour fustiger la classe politique, sous le feu de la rue depuis le 17 octobre dernier, date du début de la révolte...

commentaires (7)

Bonjour le confinement!

Marionet

22 h 57, le 21 avril 2020

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Commentaires (7)

  • Bonjour le confinement!

    Marionet

    22 h 57, le 21 avril 2020

  • Dans un pays ou le dialogue des sourds est devenu roi on ne peut qualifier ces manifestations que du pur folklore pour se défouler .

    Antoine Sabbagha

    17 h 48, le 21 avril 2020

  • Ce sont plutôt les banques qu'il faut montrer du doigt. Pas de dollars dans les agences ni les atm depuis le début du confinement... Pourquoi???? Sous quel prétexte???? Nous n'avons plus qu'à les retirer en LL au taux officiel afin de racheter nos propres $ au marché dit "parallèle"... à un taux plus de 2 fois supérieur. Est-ce logique? C'est pour cela que j'aimerais manifester. Pour cette raison là.

    Sybille S. Hneine

    14 h 53, le 21 avril 2020

  • Les libanais font face à 2 dangers immédiats : Le premier est de se faire voler de se faire duper et de se faire affamé par une clique dictatoriale qui dirige le pays pour des décennies : risque d'en périr: 100%, Solution potentielle: envoyé cette clique aussi loin que possible après l'avoir démuni de tout ses pouvoirs et reprit ses biens mals acquis. Le deuxième : corona virus. Risque d'en périr : 5%... Allez hop on embrasse le 2eme risque et on s'attaque au premier!! Bon courage à tout LIBANAIS!

    Wlek Sanferlou

    14 h 48, le 21 avril 2020

  • Ces pseudo-révolutionnaires qui n'ont ps peur d'une pandémie planétaire , sont des suicidaires masochistes ! UN VRAI DANGER PUBLIC ! CE N'EST VRAIMENT PAS LE MOMENT !

    Chucri Abboud

    14 h 12, le 21 avril 2020

  • ILS ONT PEUR DE L,INCERTITUDE, DU VOL DE LEURS ECONOMIES PAR LES PREDATEURS BANQUIERS ET LE GOUVERNEMENT FANTOCHE ET DE LA FAIM.

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 09, le 21 avril 2020

  • bon courage et vive le Liban libre en chassant les voleurs

    youssef barada

    12 h 50, le 21 avril 2020

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