Après un temps de réflexion imposé par le confinement, les révolutionnaires du 17 octobre semblent décidés à réinvestir les rues. Face à la dégradation de la situation économique aggravée par la propagation du Covid-19 et la suspension imposée de l’activité économique, la contestation contre la classe politique au pouvoir se justifie aujourd’hui plus que jamais pour une large partie des Libanais qui se sont appauvris un peu plus encore ces deux derniers mois.
« Ne croyez surtout pas que le mouvement de contestation s’est éteint. » C’est avec ce mot d’ordre général lancé dimanche que les protestataires ont décidé de faire à nouveau entendre la grogne populaire face à la gestion de la crise économique et à la pauvreté, voire la misère extrême qui gangrènent le pays. Du Nord au Sud en passant par la Békaa, Beyrouth et ses environs, les manifestants descendront dans les rues, aujourd’hui et demain, comme aux premiers jours de la révolution. Les contestataires ont décidé que les rassemblements se feront en voiture, avec un maximum de deux passagers à bord, équipés de masques et de gants, afin de « battre le pavé » sans prendre trop de risques face au Covid-19. De Tripoli à Nabatiyé, en passant par Tyr, Saïda, Beyrouth et Jal el-Dib, mais aussi Zahlé, Taalabaya, Baalbeck et les principales localités du Chouf, les protestataires se sont donné le mot pour relancer la dynamique d’un mouvement en sommeil depuis la mise en œuvre des consignes de mobilisation générale. Des directives ont d’ailleurs été données aux manifestants de ne pas sortir de leurs véhicules et de respecter à la lettre les mesures sanitaires de protection face au coronavirus. Le mouvement se mettra en ordre de marche dès 11 heures aujourd’hui pour les automobiles dotées de plaques d’immatriculation se terminant par un nombre pair, celles s’achevant avec un nombre impair prenant le relais demain mercredi. Une manière d’apposer une signature civique à ce rassemblement qui se veut respectueux des lois et pacifique, comme l’ont proclamé plusieurs membres influents du soulèvement populaire. Chaque région dispose de points de départ pour les cortèges, les véhicules devant converger aux alentours de midi sur les grandes places des villes, reliées entre elles par un même cri de colère.
Union dans la souffrance
Baptisé «Thawra II», le mouvement inauguré aujourd’hui tablera sur des revendications principalement sociales, à savoir une dénonciation de la baisse vertigineuse du pouvoir d’achat, en raison notamment de la chute de la valeur de la livre et de l’inflation, et de la hausse alarmante du chômage qui aurait dépassé les 50 % selon plusieurs économistes. « Parce que la souffrance est la même et que la faim n’a pas de religion, le mouvement repart de plus belle », affirme Samir Skaff, activiste, dans un communiqué posté sur les réseaux sociaux. « Ceux qui ont volé et humilié le peuple pendant trente ans ne sont certainement pas capables de le sauver aujourd’hui », ajoute-t-il, dans une accusation qui semble éclabousser le gouvernement dont la majorité des membres ont été désignés par les pôles politiques traditionnels mis en cause par la révolution du 17 octobre. « Nous sommes de retour et la révolution reprendra de plus belle. Bientôt vous serez amenés à déguerpir », peut-on lire dans un autre communiqué envoyé par le Comité des syndicalistes libres.
Pour d’autres groupes contestataires, c’est la lutte contre la corruption qui doit se poursuivre « afin que nous n’en arrivions pas aux décapitations » ou « Headcut », un jeu de mots avec la menace du haircut, ou ponctions sur les dépôts, qui avait plané ces derniers jours.
(Lire aussi : Et les réformes, ça vient ?, l’édito de Michel TOUMA)
Récupération politique ?
Dans certaines régions périphériques, la contestation n’a pas attendu l’appel coordonné des comités révolutionnaires pour redonner de la voix. Ces derniers jours, des manifestations spontanées se sont tenues de manière éparse et désorganisée, motivées par la faim et l’insécurité alimentaire. À Tripoli, mais aussi à Saadnayel, Taalabaya, à Saïda, et dans certains quartiers de Beyrouth, les habitants se sont aventurés dans les rues, faisant fi des précautions sanitaires, pour crier leur rage et dénoncer l’apathie de l’État, qui n’a toujours pas commencé à distribuer les aides promises à grande échelle en raison d’erreurs grossières relevant de l’incompétence et du clientélisme politique dans l’établissement des listes des bénéficiaires.Face à la grogne qui monte, l’ancien chef de gouvernement Nagib Mikati a pris hier l’initiative d’appeler le ministre de l’Intérieur, Mohammad Fahmi, pour l’exhorter à autoriser l’ouverture des commerces à Tripoli, ne serait-ce que quelques heures, à l’approche du mois de ramadan.
Les premiers soulèvements qui se sont produits en amont se sont déroulés dans des régions à dominante sunnite, une particularité que certains ont mis sur le compte d’une tentative de récupération politique, devenue, selon certains observateurs, plus manifeste depuis le retour de Paris du chef du courant du Futur Saad Hariri. Bien qu’amplement justifiée dans ces régions réputées pour leur extrême pauvreté, une « incitation » politique ne serait pas complètement à écarter, fait remarquer un analyste. Une interprétation démentie par le courant du Futur hier en réaction notamment à une mobilisation de manifestants à moto qui ont relié la Cité sportive au domicile du Premier ministre Hassane Diab à Tallet el-Khayat, où ils se sont arrêtés pour dénoncer la gestion économique et financière de l’actuel gouvernement. « Le courant du Futur n’a rien à voir, ni de près ni de loin, avec quelque mouvement de protestation que ce soit », précise un communiqué issu par la formation haririenne. Pour certains analystes, si récupération il y a eu, elle ne saurait occulter la spontanéité de plusieurs de ces rassemblements ni les motifs réels qui mobilisent les gens.
Une chose est sûre : la relance du mouvement de contestation opérée au cours du week-end et la généralisation de l’appel à mobilisation sont apparues comme un moyen de resserrer les rangs autour de revendications communes, face à l’ensemble des formations politiques. Il s’agit d’une tentative destinée à extirper une fois de plus le mouvement des griffes des politiques qui avaient auparavant essayé de surfer la vague contestataire.
Pour l’ancien député Farès Souhaid, qui mettait en garde depuis un certain temps contre la résurgence d’un « malaise sunnite », il reste à savoir aujourd’hui si « la reprise de la révolution va réussir à l’absorber et à faire office d’effet tampon ».
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Une série de gouvernements depuis au moins 15 ans n'ont même pas amener l'électricité, n'ont même pas trouver une solution aux déchets, n'ont même pas traiter les eaux usées au point où les eaux du Araoun sont non seulement inutilisables mais toxiques, n'ont même pas su protéger l'état du mini état qui lui usurpe son pouvoir et sa légitimité, n'ont pas su rendre la confiance à une jeunesse qui s'en va à contre coeur vers d'autres horizons laissant le pays à des vieillards insatiables! Si dans un soubresaut ultime le peuple exige des droits on ne va plus le vexer en lui demandant de donner encore une chance à un gouvernement qui n'est même pas maître de ses décisions. On a le droit de fermer les yeux parfois mais pas de s'aveugler et de demander aux autres de s'aveugler de même! Bon courage à Haque vrai libanais.
18 h 56, le 21 avril 2020