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Et les réformes, ça vient ?

Par une petite phrase lapidaire, le métropolite de Beyrouth, Mgr Élias Audi, a mis le doigt sur la plaie. Dans son homélie de la messe pascale, il a souligné que les citoyens ne devraient pas payer le prix des erreurs commises par leurs dirigeants dans la gestion des deniers publics. La tentation est en effet grande en haut lieu, tout comme dans certains milieux, de se laisser entraîner dans la solution de facilité qui consiste à puiser dans la poche des déposants pour combler la dette publique accumulée au fil des ans sous le poids des débordements clientélistes de certains pôles du pouvoir.

Le Premier ministre Hassane Diab a certes tenté dans son discours télévisé de jeudi dernier – dont personne n’a vraiment compris le timing – de rassurer les Libanais en affirmant que le projet de « haircut » épargnera « 98 pour cent » des déposants, et non plus 90 pour cent, comme il l’avait annoncé quelques jours plus tôt. À la bonne heure… Sauf que le chef du gouvernement n’a pas précisé quelles catégories de citoyens étaient englobées dans les 10 pour cent prévus au départ et sur quelles bases comptables il n’est question désormais que de 2 pour cent qui seraient touchés par la proposition de ponction sur les dépôts. Sur une telle question aussi cruciale, c’est le flou le plus total. Mais ne sommes-nous pas au Liban, le pays où les chiffres – comme d’ailleurs l’application des lois – sont souvent un « point de vue », modulable en fonction de la conjoncture du moment ?

Il convient de l’admettre : une telle observation reflète bel et bien une sérieuse crise de confiance. Comment pourrait-il en être autrement lorsque l’on constate qu’en dépit de l’effondrement généralisé dont pâtit le pays, la notion d’intérêt public (loin de tout angélisme primaire) ne semble toujours pas être convenablement intégrée dans la structure mentale de maints acteurs de la vie nationale, aussi bien au niveau du pouvoir que parmi certains pôles politiques et économiques.

Faudrait-il rappeler aux hautes sphères de l’exécutif que si les Libanais ont été amenés à se constituer une épargne tout au long de leurs longues années de labeur, c’est parce que l’État n’a jamais été capable de leur assurer une allocation chômage et une assurance vieillesse, ou aussi parce que les divers services publics sont désespérément inefficients et que le recours à une assurance médicale privée a sans cesse été incontournable ? Pour le citoyen libanais, l’épargne sert à combler de telles lacunes et il est de ce fait totalement irrecevable que l’État songe même à envisager de rogner cette épargne pour couvrir une dette publique accumulée au fil du temps sous le poids d’une non-gouvernance chronique et du comportement irresponsable de certains chefs de file politiques.

Le déficit du Trésor, c’est donc à l’État d’en assumer les conséquences en monnayant d’une façon ou d’une autre ses biens et les sociétés fonctionnelles et rentables qu’il détient, et en mettant un terme aux sources de dilapidation galopante au sein de ses administrations. La dette, ce sont ceux qui détenaient les rênes du pouvoir et qui exploitaient au gré de leurs intérêts l’appareil étatique qui doivent en assumer la responsabilité car pendant de très longues années ils ont largement tiré profit du laxisme de l’État, pour ne pas dire qu’ils l’ont carrément induit. Aujourd’hui, il est grand temps qu’ils compensent ne fût-ce qu’une partie de leurs méfaits.

Au chapitre du partage des responsabilités, une petite phrase glissée dans le dernier communiqué-réquisitoire de l’Association des banques du Liban (ABL) laisse perplexe : « L’affranchissement des dépôts de toute contrainte ou restriction est conditionné au fondement du problème, à savoir que le pouvoir politique doit se porter garant des dettes de l’État et tenir ses engagements en entamant le processus de réformes » (…). Cela signifie-t-il que l’argent des déposants est en quelque sorte pris « en otage » dans le bras de fer engagé entre l’État et l’ABL ? Est-il concevable, et acceptable, que l’affranchissement des dépôts soit conditionné à la restructuration de la dette publique et à l’application d’un vaste (et hypothétique) programme gouvernemental de réformes ?

Indépendamment de sa portée et de son caractère inique ou pas, cette petite phrase litigieuse pose effectivement LE problème de fond qui ne cesse d’être remis sur le tapis de manière récurrente : restructurer et absorber la dette publique au stade actuel ne serait qu’un faux-fuyant tant qu’un plan de réformes sérieux et solide ne sera pas mis en place, prévoyant une solution définitive au déficit d’Électricité du Liban, une restructuration fondamentale du secteur public et l’arrêt du gaspillage sans bornes des fonds étatiques.

L’effondrement au Liban est aujourd’hui généralisé et une forte récession pointe à l’horizon à l’échelle internationale. Dans un tel contexte, le processus de réformes ne peut plus se faire attendre. Et, surtout, il ne saurait être tributaire désormais des caprices politiciens de certains chefs de file ou de l’aventurisme de ceux qui veulent combattre le monde en oubliant que le pays, après tout, ne leur appartient pas…

Par une petite phrase lapidaire, le métropolite de Beyrouth, Mgr Élias Audi, a mis le doigt sur la plaie. Dans son homélie de la messe pascale, il a souligné que les citoyens ne devraient pas payer le prix des erreurs commises par leurs dirigeants dans la gestion des deniers publics. La tentation est en effet grande en haut lieu, tout comme dans certains milieux, de se laisser entraîner dans...

commentaires (12)

Le pays n'appartient pas à Hassan Nastrallah, ni à Gebran Bassil, ni à Nabih Berry ni à ceux qui sont derrière eux. Que la tuerie de Baakline vous soit un exemple. Les Libanais en ont marre de votre comportant du fond des âges. Le monde avance et vous avancez à reculons vers les abysses.

Un Libanais

18 h 54, le 21 avril 2020

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Commentaires (12)

  • Le pays n'appartient pas à Hassan Nastrallah, ni à Gebran Bassil, ni à Nabih Berry ni à ceux qui sont derrière eux. Que la tuerie de Baakline vous soit un exemple. Les Libanais en ont marre de votre comportant du fond des âges. Le monde avance et vous avancez à reculons vers les abysses.

    Un Libanais

    18 h 54, le 21 avril 2020

  • LA VERITE LA SOLUTION A TOUS NOS PROBLEMES FINANCIERS SANS VOTER AUCUNE LOI EST TRES FACILE ET POURRAIT SE FAIRE DES DEMAIN MATIN , MALGRE LE CORONA: VERIFIER TOUS LES COMPTES DES ENTRPRISES QUI ONT FAIT UN CONTRAT AVEC L'ETAT OU UNE DE CES COMPOSANTES ET VERIFIER LEURS LIVRES AINSI QUE LEURS DEPENSES ENREGISTREES ET LE SIMPOTS QU'ILS ONT PAYE A A L'ETAT COMME UN EPARTIE DE LEUR BENEFICE EST PARIE EN CORRUPTION, IL LEUR A BIEN FALLU JOUER AVEC LES COMPTES AUSSITOT TROUVE , C'EST LA PRISON OU LA DENONCIATION IMMEDIATE DE LA PERSONNE POLITIQUE OU ASSIMILEE QUI A RECU LES POTS DE VIN ET LA FACON DONT CE POT DE VIN A ETE REMIS QUITTE A UNIQUEMENT AVOIR UNE AMENDE AU LIEU DE LA PRISON DANS CE CS TOUS NOS FAMEUX RICHISSISME " COMMERCANTS " SE FERONT UN PLAISIR DE DENONCER CES PERSONNES AU LIEU D'ALLER EN PRISON COMMENCONS PAR EXAMPLE AVEC LES IMPORTATEURS DU PETROLE POUR LES BATEAUX OU L'AGENT DU KARADENIZ QUI A SIGNE LE CONTRAT AVEC L'ETAT OU MEME AVEC N'IMPORTE QUEL CONTRAT DE GRE A GRE OU MEME EN ADJUDICATION GAGNE PAR TOUTE PERSONNE DEPUIS 15 ANS , INUTILE MEME D'ALLER PLUS LOIN CAR LE PAYS ETAIT DIRIGE PAR KHADDAM A L'EPOQUE PAS DE LOI A CHANGER , JUSTE UN CONTROLE FINANCIER ET TOUT LE MONDE VERRA UNE AVALANCHE DE DENONCIATION DE POLITICIENS EN PUBLIC CQFD

    LA VERITE

    14 h 24, le 21 avril 2020

  • Une seule solution à nos problèmes. RENDEZ L’ARGENT QUE VOUS AVEZ ALLÈGREMENT VOLÉ ET DÉGUERPISSEZ. C’EST UN ORDRE NON NÉGOCIABLE DU PEUPLE ENFIN RÉUNI.

    Sissi zayyat

    13 h 07, le 21 avril 2020

  • the more painful the solutions on ordinary people the less painful the price to pay for those in power.This administration and this gorvernment have done absolutely nothing but talk in way of reforms and they are beholden to Hezbollah which while standing by ,hold both the key and the solutions to our misery.

    EL KHALIL ABDALLAH

    11 h 20, le 21 avril 2020

  • Et de plus, qui votent comme des moutons, les bénéficiaires des largesses de la corruption, et les centaines de milliers de fonctionnaires factices. Que leurs dépôts soient prélevés n’est que conséquence logique.

    Bachir Karim

    10 h 08, le 21 avril 2020

  • Je suis désolé, je sais que ce n’est pas populaire, mais qui a mis ces gens au pouvoir? Nous sommes tous responsables.

    Bachir Karim

    10 h 04, le 21 avril 2020

  • ELLES SONT ECRITES SUR UNE FEUILLE SUSPENDUE AU COU D,UNE TORTUE ET QUI SE DECHIRE AVEC LE MOUVEMENT DE CETTE DERNIERE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 23, le 21 avril 2020

  • Avec Diab,oubliez les réformes. Même avec quiconque, il est interdit de faire des réformes, qui doivent nécessairement débarrasser la fonction publique,et sous tous ses aspects en premier, et pour être réelles, de la surcharge inutile qu'on lui a fait subir au fil des années longues de corruption. Au moins, commencer par les derniers venus après aout 2017, et puis continuer progressivement au fil du temps, à écarter les sans-fonction, les corrompus, et annuler ces caisses d'abus nombreuses. Rien qu'avec ces préliminaires, on ne peut qu'être pessimiste, tellement l'autorité réelle, est ailleurs que dans les bonnes intentions.

    Esber

    07 h 05, le 21 avril 2020

  • Pour l'assurance vieillesse, il faut cotiser. Je ne sache pas que ça tombe du ciel ailleurs

    M.E

    06 h 15, le 21 avril 2020

  • Avec toutes mes excuses qui se doivent au premier ministre qui proclame: "que le projet de « haircut » épargnera « 98 pour cent » des déposants" ceci laisse 2 % des déposants estimés à 0,02 x 2millions de déposants= 40,000 libanais. Alors que le vrai calcul devrait être : 128 députés + 22 ministres + 1 president + 500 autres politiciens et et anciens en vrac = 651. 651 divisé par 2 millions de comptes= 0.03255% des comptes qui doivent recevoir un haïrcut massif pour ramener l'argent du peuple dilapider consciemment ou inconsciemment.

    Wlek Sanferlou

    01 h 18, le 21 avril 2020

  • Pour l’ABL les autres c’est l’enfer. Ils doivent rembourser les déposants. Si, dans leur grande sagesse, il avaient bien investit, ils n’auraient aucun problème à s’exécuter. Ils ont foiré. Ils doivent payer. Quitte à brader leurs sièges sociaux grandiloquents et leurs investissements d’outre-mer. Aussi, devront-ils rendre compte des transferts exécutés en 2018 et 2019, en prévision de leurs chinoiseries. Secret bancaire nonobstant, un petit appel aux transfers SWIFT du type MT200 et dérivés, total svp, nous donnera le total. Secret préservé, tout le monde est satisfait. A force de prendre les gens pour des c... on fini par le devenir..

    Evariste

    01 h 06, le 21 avril 2020

  • Le gaspilleur, le voleur, le corrupteur et le corrompu, telles sont les personnes qui doivent payer, et non pas le déposant innocent qui a fait confiance - à tort certainement- à son gouvernement et à sa Banque. Ce serait un vol caractérisé que de toucher aux dépôts de ceux qui ont gagné leur capital au fil des ans, honnêtement et à la sueur de leurs fronts. Cela devrait aller de soi, et pourtant ce gouvernement, malgré certaines grosses têtes qui le composent, ne semble pas l'avoir compris. "Les voleurs doivent être les payeurs", tel devrait être le leitmotiv, le mot d'ordre et la première revendication de la prochaine phase de la Révolution.

    Georges Airut

    00 h 35, le 21 avril 2020

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