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Culture - Rencontre virtuelle

Ziad Doueiri, la liberté dans le confinement

Après « Le Baron noir », le réalisateur libanais installé à Paris parle de sa nouvelle série, « Dérapages », qui sera diffusée les 23 et 30 avril sur Arte et est déjà entièrement disponible sur arte.tv. Ce thriller social qui brosse un portrait froid et noir du libéralisme actuel sera également sur Netflix à partir du 15 mai.

Ziad Doueiri et Éric Cantona sur le tournage de la série « Dérapages ». Photo Stéphanie Branchu

D’une part, « West Beirut », « Lilas dit ça », « L’Attentat » et « L’Insulte » comme longs-métrages et, de l’autre, « Le Baron noir » et « Dérapages » comme séries, traitez-vous de la même façon une série et un film ?

Je traite les séries exactement comme un long-métrage. Tout comme Le Baron noir, je me suis mis d’accord avec les producteurs que je ne serais à l’aise que si j’étais en liberté d’expression totale. Ils étaient partants, parce qu’ils s’adressaient à moi pour cette raison. Certes, il y a toujours de petites contraintes de budget, puisqu’il y a en général moins d’argent sur une série, mais celles-ci sont de plus en plus en ascension et rivalisent de qualité. Et même si les chaînes de télévision exigent un niveau plus élevé, elles n’augmentent pas pour autant le budget de ces séries. Il y a également beaucoup de films actuellement et moins de budget. Mais on parvient à s’y adapter et à travailler dans l’économie. La contrainte dans les séries n’est pas particulièrement négative, mais frustrante. Je fais avec en filmant moins d’épisodes.

Qu’est-ce qui vous a séduit dans l’histoire de « Dérapages » et pourquoi avez-vous voulu la tourner ?

La série Dérapages a été commandée par Arte à travers le producteur Gilles de Verdière. On m’a proposé la série il y a deux ans. J’avais trouvé les textes, écrits par ce grand auteur français, Pierre Lemaître, magnifiques. C’est une série de six épisodes qui suit le parcours d’un personnage interprété par Éric Cantona. Ce dernier se trouve au chômage depuis une longue période et tombe en pauvreté petit à petit. Lorsqu’il obtient une offre de travail, il la saisit, mais réalise aussitôt qu’elle cache d’autres objectifs. Désespéré, il va quand même jouer le jeu. Le thème du film porte en fait sur le capitalisme, voire le néolibéralisme qui sévit aujourd’hui dans le monde et la lutte des classes. Si j’ai voulu en faire un film, ce n’est certainement pas dans un objectif politique, car je ne me considère pas comme un cinéaste engagé, mais c’est parce que j’ai été séduit par le profil de ce personnage plein de failles et de bosses.

Éric Cantona est donc l’acteur principal de ce drame. Était-ce un choix imposé par la production ou le vôtre ?

C’était le mien et Arte m’a suivi, bien qu’au départ, certains de la chaîne, dont la présidente, avaient quelques réticences parce que Cantona n’avait pas le profil des acteurs Arte jouant dans des films d’art et d’essai. Mais c’était ma condition et je n’allais pas revenir là-dessus. Je tiens à dire que c’était la première fois que je le rencontrais, je ne savais pas qui il était et quel passé il avait. D’abord parce que le football ne m’intéresse pas et deuxièmement parce que je ne regarde pas beaucoup les chaînes françaises. J’étais donc tombé par hasard sur sa photo et je me suis renseigné sur lui. On m’a dit que c’était un footballeur célèbre avec un tempérament particulier. Je suis allé le rencontrer à Marseille. J’avais deux, trois heures à passer avec lui avant de rentrer à Paris. Ça s’est très bien passé et je ne l’ai pas regretté par la suite. Travailler avec lui était une expérience incroyable, il était à la fois très modeste et très discipliné. D’un professionnalisme sans égal.

Le confinement pour un artiste est-il créateur, destructeur ou détracteur ? Comment le vivez-vous ?

Le confinement est certainement difficile, parce que c’est une solitude imposée, mais chaque artiste le vit différemment. Pour ma part, cela n’a pas beaucoup changé mes habitudes. Joëlle (Touma) et moi sommes en train de plancher sur l’écriture d’un long-métrage que je vais tourner l’année prochaine aux États-Unis. Nous avons donc un contrat à honorer. L’écriture avait d’ailleurs commencé deux mois avant l’expansion du virus. Ainsi, nous sommes isolés naturellement dans un espace et cela n’a pas altéré le cycle de notre vie. Nous continuons à travailler d’une manière très disciplinée et rigoureuse. Je ne vis pas un stress de plus. En revanche, je pense beaucoup à mes parents et à mes amis au Liban. Mes parents sont seuls, mes frères et moi étant tous les trois en dehors du pays. Je m’inquiète donc pour eux, mais je sais pertinemment que le Liban a traversé d’autres crises et celle actuelle – plus grave à mon avis que le virus – est la crise économique qui touche la moitié de la population. Je suis convaincu que nous parviendrons à lui survivre.


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