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À La Une - Crise

Au Moyen-Orient, la pandémie plonge les prisonniers dans la détresse

Si certains gouvernements ont répondu aux appels à libérer les prisonniers lancés par les défenseurs des droits humains, d'autres continuent de faire la sourde oreille.

Des prisonniers dans une cellule de la prison de Borg el-Arab, près d'Alexandrie en Egypte, le 20 novembre 2019. Photo d'archives AFP / Mohamed el-Shahed

Au Moyen-Orient et au Maghreb, où un nombre croissant de pays adoptent des mesures de confinement pour contenir la pandémie de Covid-19, la situation sanitaire de centaines de milliers de détenus entassés dans les prisons devient source d'inquiétude.

Si certains gouvernements ont répondu aux appels à libérer les prisonniers lancés par les défenseurs des droits humains, d'autres continuent de faire la sourde oreille.

Depuis le mois dernier, l'Iran a remis en liberté temporairement 100.000 prisonniers. L'Algérie, le Maroc, la Tunisie ont relâché des milliers de détenus et Bahreïn des centaines. Néanmoins, les réticences à prendre en compte le sort des prisonniers dans la gestion de la crise sanitaire sont nombreuses. En Algérie, qui compte parmi les pays plus touchés d'Afrique avec 2.070 contaminations et 263 décès dus à la maladie de Covid-19, le président Abdelmajid Tebboune a gracié 5.000 détenus début avril. Toutefois, Alger, où un confinement partiel est appliqué, a suspendu les visites au parloir jusqu'à nouvel ordre, invoquant le risque de contamination.

Pour Kaddour Chouicha, militant des droits humains, "le confinement est une punition supplémentaire pour les détenus". M. Chouicha a lui-même été emprisonné en décembre pour avoir pris part aux manifestations du "Hirak", mouvement de contestation qui secoue l'Algérie depuis février 2019.


(Lire aussi : Le régime syrien face à la crise du Covid-19)


"Une catastrophe couve"

Depuis le début de la pandémie, les autorités égyptiennes ont obstinément refusé d'évacuer les prisons où s'entassent plus de 100.000 détenus, selon des ONG. Alors même que le nombre d'infections augmente dans le pays, de nouveaux dissidents politiques ont été arrêtés. Une véritable "catastrophe couve en prison", en raison de l'insalubrité et de la surpopulation carcérale, a indiqué à l'AFP un ancien détenu d'opinion, sous couvert d'anonymat. Libéré en 2015, cet écrivain a été incarcéré pendant deux ans à la prison de Borg al-Arab, près d'Alexandrie (nord), où il partageait une cellule avec 25 détenus. "Nous rêvions que la porte métallique de notre cellule s'ouvre, alors qu'elle ne menait qu'à un couloir où était posté un gardien (...) Cela signifiait déjà beaucoup pour nous", confie l'ex-prisonnier. Dénonçant ses conditions sordides de détention, il raconte qu'un simple trou creusé au sol faisait office de toilettes. "Une couverture en lambeaux servait de porte, pour offrir de l'intimité, et avec une bouilloire ou un seau, le peu d'eau courante qu'on avait nous permettait de chasser la crasse", explique-t-il. A l'heure du coucher, impossible de dormir sur le dos par manque d'espace, tous les occupants de la cellule devaient s'allonger sur le flanc, selon lui. "Vous ne pouvez pas prendre de nouvelles de votre famille ni savoir si le Real Madrid a marqué un but. C'est comme ça la vie de détenu", décrit-il. "Ca vous détruit psychologiquement", souligne l'écrivain.


(Lire aussi : Pourquoi le Moyen-Orient est-il moins touché par le coronavirus ?)




"Détresse des prisonniers"

En Syrie, plongée dans la guerre depuis neuf ans, la pandémie de Covid-19 a attiré l'attention sur le sort des prisonniers politiques détenus en isolement. Wafa Mustapha, une militante syrienne, qui a participé à une campagne auprès des Nations unies et de la Croix-Rouge afin de pousser le président Bachar el-Assad à évacuer les prisons, a fait part de ses inquiétudes quant à la santé de son père. "2.464 jours que mon père est dans les geôles d'#Assad. Quasiment sept ans que nous vivons dans la crainte, la tristesse, la colère et l'espoir. (...) Avec le désastre du #Covid_19 désormais, c'est plus difficile que jamais", dit un de ses messages sur Twitter, accompagné d'une photo d'elle avec son père.

A Téhéran, le parloir de la prison d'Evine, à Téhéran, est "l'endroit idéal pour que le virus se propage", selon Reza Khandan, époux de l'avocate Nasrin Sotoudeh, enfermée depuis mars 2019, qui a décrit les risques encourus par les détenus et leurs familles sur sa page Facebook. Tandis que les conversations téléphoniques avec les prisonniers sont limités en Iran, les familles des détenus continuent de se bousculer pour rendre visite à leurs proches incarcérés. Les visiteurs sont d'autant plus exposés à la prison d'Evine qu'il y a une pénurie de masques et de gants, selon M. Khandan. Avec plus de 4.800 morts, l'Iran est le pays le plus touché par la pandémie au Moyen-Orient.

Pessimiste, Laleh Khalili, professeur de Sciences politiques à l'université de Queen Mary à Londres, doute de la capacité des Etats autoritaires à protéger la santé publique. "La menace de la maladie peut même servir de moyen pour terroriser les prisonniers", affirme la chercheuse pour qui leur "détresse ne sera jamais prioritaire" aux yeux des pays de la région. Selon elle, plusieurs gouvernements considèrent la sécurité comme "plus importante que... la santé des citoyens" de leurs pays.


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