Les rues vides de Riyad, hier. Ahmad Yosri/Reuters
Alors que le coronavirus (Covid-19) a déjà fait plus de 56 000 morts en Europe et que les États-Unis viennent de franchir la barre des 10 000 décès, le Moyen-Orient, à l’exception de l’Iran où le virus a déjà fait officiellement près de 4 000 morts, semble moins touché que d’autres zones. Réactions rapides de la part de certains gouvernements, démographie ou encore conditions météorologiques... Différents facteurs pourraient permettre de l’expliquer. Au total, la région compterait 298 morts et près de 22 000 personnes auraient été testées positives au virus, si l’on s’en tient aux données officielles. Avec quelque 8 500 cas de contamination, la péninsule Arabique est l’une des zones les plus touchées. Mais ces chiffres sont à relativiser puisqu’ils mettent en relief les disparités entre le Golfe et le reste de la région. « En réalité, les pays arabes peuvent être divisés en trois catégories dans leur manière de répondre à la propagation du virus. La première est composée des pays qui ont effectué beaucoup de tests pour le traçage et le suivi du virus », explique le Dr Shadi Saleh, fondateur et directeur du Global Health Institute, interrogé par L’Orient-Le Jour.
Les pays du Golfe se sont donc démarqués en optant pour une stratégie de dépistage intensif de la population, pouvant tabler sur plus de ressources financières et médicales. Des mesures efficaces puisque « par exemple, le Koweït a effectué 28 000 tests en l’espace d’une semaine à dix jours, les Émirats arabes unis en ont fait 200 000 jusqu’à maintenant, et Bahreïn est l’un des meilleurs pays en termes de dépistage de sa population », précise-t-il. Suivant le modèle sud-coréen, Dubaï et Abou Dhabi ont mis en place des centres de dépistage au volant. L’Arabie saoudite a, entre autres, a mis en quarantaine les villes de Riyad, Médine et La Mecque et fermé les sites religieux. Le royaume a également demandé aux pèlerins comptant effectuer le hajj en juillet prochain de reporter leur voyage. Selon l’agence saoudienne SPA, le ministre saoudien de la Santé, Tawfiq al-Rabiah, a déclaré hier que « le nombre de cas va se situer entre un minimum de 10 000 à un maximum de 200 000 », selon des études réalisées par des experts saoudiens et internationaux.
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Plus que sur le papier
« Dans la deuxième catégorie, on trouve le Liban, la Jordanie et la Palestine où le gouvernement a imposé des mesures restrictives comme le confinement et la fermeture des magasins, auxquelles s’ajoutent la prise de conscience collective et la couverture médiatique », estime Shadi Saleh. Fermeture des frontières, suspension des vols, mise en place de délai de quelques jours pour ceux souhaitant rentrer dans leur pays d’origine, couvre-feu... La plupart des pays du Moyen-Orient ont décidé la fermeture de leurs aéroports dès le début du mois de mars, alors que le virus est notamment arrivé dans la région par le biais de deux des épicentres de l’épidémie : l’Italie et l’Iran. Le Caire a pris des mesures drastiques en imposant de lourdes amendes, voire des peines de prison, dans le cas où le couvre-feu nocturne n’était pas respecté. En Jordanie, les déplacements entre les provinces du pays ont été interdits dès le mois dernier, tandis que le Liban a imposé une circulation alternée pour les voitures selon les numéros de plaques d’immatriculation à partir de cette semaine.
Avec quelque 9 000 cas, Israël reste le pays le plus affecté dans la région. Lundi, l’État hébreu a haussé d’un cran sa réponse à la propagation du virus en annonçant le bouclage entre les villes du pays depuis hier jusqu’à vendredi, pour empêcher les déplacements à l’occasion des fêtes de la Pâque juive. L’armée a également été déployée à Bnei Brak, ville près de Tel-Aviv à majorité ultraorthodoxe, où un confinement a été imposé suite à des taux record de contamination. À Gaza, seuls 13 cas ont été recensés.
« La troisième catégorie de pays est constituée par des zones de conflit où les résultats sont sujets à question. Nous ne pouvons donc pas connaître le pourcentage réel et le nombre de contaminés, c’est peut-être plus que sur le papier », note Shadi Saleh. La Libye ou la Syrie ont notamment enregistré des chiffres particulièrement bas par rapport au reste de la région en faisant chacun état de 19 cas et, respectivement, un et deux morts. Des données qui sont décriées par les observateurs, qui rappellent d’une part le peu de tests de dépistage effectués sur la population et dénoncent d’autre part le manque de transparence des autorités locales à ce sujet. Enfin, seul le Yémen fait figure d’exception en n’ayant enregistré aucun cas positif au virus. Une situation qui s’explique notamment par des capacités de dépistage insuffisantes et, plus généralement, un manque d’équipement médical et de personnel alors que le pays en guerre fait déjà face à une crise humanitaire sans précédent.
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Seconde vague
Alors qu’une large partie des populations de la région est âgée de moins de 30 ans, le tissu démographique du Moyen-Orient peut être un facteur explicatif du fait que la région s’en sort plutôt bien pour le moment. En Europe, la majorité des personnes décédées des suites du virus étaient âgées de 60 ans ou plus. « Il est clair que dans le cas du nord de l’Italie par exemple, l’une des raisons principales pour expliquer le nombre de décès est le nombre élevé de personnes âgées contaminées. Le fait que la population soit composée de jeunes générations dans les pays arabes peut nous permettre de prédire que le nombre de morts sera inférieur à celui de l’Europe », indique Shadi Saleh. Les températures chaudes de la région pourraient également expliquer les chiffres alors que certains experts estiment que le virus serait moins résistant à la chaleur, se basant sur les chiffres en Afrique et en Amérique du Sud où la propagation du virus est plus lente. « Il ne s’agit toutefois que d’une théorie pour le moment. Il se peut qu’elle soit vraie et il se peut que la raison soit un manque de tests en Afrique. Nous découvrirons s’il y a une relation entre les températures et la propagation du virus dans un mois environ, quand l’été arrivera dans la plupart des régions du monde », nuance Shadi Saleh. Si elle est avérée, les pays du Moyen-Orient pourraient tirer avantage des différents climats de la région – tropical aride, désertique ou semi-désertique – pour aplanir la courbe dans les prochains mois. « Mais cela fait peur car cela signifierait qu’une seconde vague commencerait à l’automne prochain. Il est très important pour les pays arabes de ne pas prendre cela à la légère et de mettre à profit les trois prochains mois pour préparer la prochaine vague autant que possible », conclut-il.
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commentaires (8)
Parce que les statistiques sont foireuses !
LeRougeEtLeNoir
17 h 57, le 08 avril 2020