Le mois de mars a été le moins sanglant depuis le début du conflit en Syrie en 2011, avec un bilan de 103 civils tués, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Avec le confinement imposé à la population sous contrôle du régime pour lutter contre l’épidémie de coronavirus et l’arrêt des combats entre les forces loyalistes et l’opposition, la vie en Syrie semble comme suspendue dans le temps. Le gouvernement a stoppé la conscription militaire, alors qu’un cessez-le-feu décidé début mars entre Moscou, allié du régime, et Ankara, parrain des rebelles, semble toujours tenir. Les craintes de part et d’autre face à l’épidémie semblent contribuer à préserver cette trêve.
Le pays est exsangue après dix années de guerre, et la crise du coronavirus vient brandir le spectre d’une possible catastrophe à venir. Avant même d’annoncer ses premiers cas de Covid-19 sur son territoire, le régime syrien a communiqué tous azimuts et lancé une série de mesures préventives afin de parer à la menace. Une bonne gestion de l’épidémie permettrait à Damas de reprendre du poil de la bête à l’intérieur comme à l’extérieur. La semaine dernière, le prince héritier d’Abou Dhabi Mohammad ben Zayed avait assuré son soutien au régime, lors d’un entretien avec Bachar el-Assad, laissant entrevoir un réchauffement entre les deux pays. Par ailleurs, le pouvoir est le seul aujourd’hui à avoir la capacité de tester et détecter les personnes atteintes du virus, à travers un laboratoire situé à Damas. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a assuré son soutien au gouvernement en lui fournissant des kits de test. Mais après neuf ans de guerre et alors que le pays est encore sous sanctions internationales, la crise sanitaire pourrait au contraire fragiliser un peu plus le pouvoir et susciter la colère au sein de la population. « On ne comprend pas vraiment le comportement excessif du régime, le couvre-feu, les amendes, voire le tabassage par la police en cas de violation du confinement. Beaucoup se disent que cela cache le fait qu’il y a sûrement beaucoup plus de cas que ce que les autorités veulent bien nous faire croire », raconte Amer, un retraité à Alep. Après avoir nié pendant plusieurs semaines l’apparition de cas de Covid-19 sur son territoire, le gouvernement syrien n’a finalement reconnu traiter ses premiers patients malades dans ses hôpitaux que le 23 mars dernier. Entre-temps, toute une série de mesures drastiques avaient été décidées par les autorités afin d’éviter la propagation du virus. Selon les chiffres officiels, la Syrie ne compterait à ce jour que 19 cas positifs et uniquement deux morts. Des chiffres difficiles à croire étant donné le peu de transparence dont a toujours fait preuve Damas, mais aussi parce que tous les pays voisins ont beaucoup plus de cas et que des troupes iraniennes sont toujours présentes sur le territoire syrien. La Syrie a rapidement suspendu les vols à destination et en provenance de plusieurs pays touchés par le virus, dont l’Iran, principal foyer de l’épidémie dans la région et avec lequel elle entretient des liens étroits.
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40 dollars par mois
Depuis le 15 mars, les universités, les écoles, les administrations gouvernementales, les restaurants et les marchés sont fermés, ainsi que tous les transports publics. « Déjà que le pays allait très mal, ce confinement va pousser davantage la population au bord du gouffre », estime Sami*, un universitaire résidant à Alep. « Un salarié détenteur d’une maîtrise ne gagne que 40 dollars par mois, une misère. Entre ceux qui vont perdre leur emploi et ceux qui n’ont aucun sou de côté, cette période va être extrêmement difficile », dit-il. Selon l’ONU, 83 % de la population syrienne vit sous le seuil de pauvreté. Selon un rapport datant de 2019, 33 % de la population souffre d’insécurité alimentaire et environ 11,7 millions de Syriens ont besoin d’une des différentes formes d’aide humanitaire, comme de la nourriture, de l’eau potable, un logement, ou de services de santé et d’éducation. Sami, un employé de banque de 28 ans, est à la maison depuis plusieurs semaines. « Beaucoup respectent les mesures et ne sortent que pour faire quelques courses. Il y a des gens qui entassent des réserves dans leurs placards de peur que la situation ne perdure. Mais vous savez, après dix ans de guerre, nous sommes rodés », dit-il.
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Les associations caritatives et religieuses viendraient en aide aux plus démunis et aux personnes isolées qui ne peuvent pas recevoir de visites. Déjà extrêmement appauvrie, la population risque de ne pas pouvoir supporter plusieurs semaines de confinement strict sans pouvoir sortir travailler. Les magasins, les bureaux, les banques sont fermés, et seuls les enseignes alimentaires et les pharmacies ont le droit d’ouvrir à certaines heures de la journée. Toni*, un industriel alépin, s’inquiète pour son usine qui tourne au ralenti. « Si ça continue, on sera nombreux à mettre la clef sous la porte parce que nous n’avons plus de commandes », déplore-t-il.Le ministère syrien des Finances a récemment annoncé une enveloppe de 77 millions de dollars pour combattre l’épidémie de coronavirus. Les alliés de Damas ont laissé entendre qu’ils seront à ses côtés dans la gestion de la crise. Or, Téhéran croule sous les problèmes avec une épidémie qui a déjà fait officiellement 3 872 morts, et Moscou doit gérer la situation sanitaire sur son sol. La Chine, qui a envoyé à Damas des kits de test, pourrait profiter de l’occasion pour renforcer son rôle dans la région. Son ambassadeur à l’ONU a appelé la semaine dernière à une levée des sanctions internationales contre Damas.
Un autre acteur pourrait profiter de la crise sanitaire pour asseoir son autonomie. Dans le nord-est de la Syrie, l’administration dirigée par les Kurdes a également instauré un couvre-feu ordonnant la fermeture des entreprises, des restaurants et des lieux de culte. Les points de passage avec les zones du régime sont désormais fermés, sauf pour les livraisons d’aide transfrontalière de Damas. « Les personnes qui arrivent dans notre région sont directement placées en quarantaine », raconte Faya, une habitante d'al-Qahtaniyeh, confinée chez elle depuis vingt jours. « Dans les rues, on ne voit plus que des soldats chargés de faire respecter les mesures. Beaucoup de gens se plaignent du confinement et se demandent comment ils vont pouvoir survivre sans travailler », raconte-t-elle. Les autorités locales auraient promis aux habitants de la région de couvrir les frais en eau et en électricité, et d’assurer une aide alimentaire aux plus démunis.
*Les prénoms ont été changés.
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Si en plus de ce qui est arrivé à la Syrie du heros BASHAR EL ASSAD a la suite de cet odieux complot occidentalo wahabo sioniste, on se mettait à tirer sur l'ambulance .........
12 h 51, le 08 avril 2020