Décidément omniprésente dans l’actualité ces derniers temps, la Banque du Liban (BDL) a publié une nouvelle circulaire hier (intermédiaire n° 551), à travers laquelle elle impose à nouveau aux agences spécialisées dans les transferts d’argent de payer les montants envoyés à leurs clients au Liban en livres libanaises, peu importe la devise dans laquelle ils ont été initialement effectués.
Une décision qui rétablit une réglementation imposée en janvier 2019 (circulaire n° 514), laquelle avait été suspendue en décembre dernier au profit d’un autre texte (circulaire n° 537) permettant à ces institutions financières non bancaires de décaisser les montants transférés dans la devise dans laquelle ils avaient été effectués.
La nouvelle décision inclut néanmoins une nuance importante par rapport à celle prise début 2019 en précisant que les fonds devront être convertis au « taux du marché », sans plus de précision. Selon Antoni Lorfing, le PDG de CashUnited, l’un des cinq acteurs opérant au Liban, ce taux sera celui fixé par l’unité instituée par la BDL au début du mois dans le cadre du mécanisme récemment mis en place pour permettre aux « petits » déposants de retirer leurs dépôts des banques du pays à des conditions présentées comme avantageuses pour eux (circulaire n° 148 et n° 149).
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Difficultés d’approvisionnement
Si l’unité n’a pas encore été officiellement créée, la BDL a fixé au début du mois à 2 600 livres le « taux du marché » devant être appliqué par les banques pour les opérations prévues par ce mécanisme – et qui sera donc également appliqué par les agences spécialisées dans les transferts d’argent jusqu’à la prochaine actualisation.
Si ce taux est très élevé par rapport au taux officiel de 1 507,5 livres pour un dollar stabilisé par la BDL depuis 1997 mais qui n’est plus appliqué que pour les transactions bancaires, il se rapproche néanmoins de celui appliqué par les changeurs, lequel n’a cessé de grimper ces derniers mois sur fond de grave crise économique et financière qui a muté en crise de liquidités.
Lors de la réouverture des bureaux de change mardi, le billet vert a atteint pour la première fois la barre symbolique des 3 000 livres à la vente sur le marché noir, un niveau qui n’avait plus été atteint depuis les années qui sont suivi la fin de la guerre civile en 1990. Selon le site lebaneselira.org, les bureaux de change achetaient hier le dollar à 3 025 livres et le vendaient à 3 100 livres.
C’est d’ailleurs cette situation qui poussé 4 des 5 sociétés spécialisées dans les transferts d’argent au Liban (CashUnited et MME, qui représentent Moneygram, ainsi que OMT et OCI pour les agents de Western Union) à demander mercredi à la BDL de leur permettre de décaisser les montants des transferts en livres. Dans un courrier adressé cette semaine à la Banque centrale, elles ont notamment invoqué les difficultés à s’approvisionner en devises à des prix raisonnables, vu l’inflation du taux dollar/livre et le fait que les banques, prises en étau entre la dégradation de la situation financière du pays et une demande croissante sur le dollar, fournissent des dollars au compte-gouttes depuis des mois.
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Pilule moins amère ?
Pour rappel, le but de la circulaire de décembre dernier était d’encourager les agents économiques à ne plus contourner les circuits traditionnels de transferts d’argent, notamment à travers les agences spécialisées. Si cet objectif a été atteint, le volume de transfert de ces entreprises ayant effectivement augmenté après l’adoption de la précédente circulaire, selon Antoni Lorfing, il a également eu un effet pervers en poussant de nombreux clients à foncer pour échanger leurs devises reçues sur le marché secondaire en profitant de la dépréciation de la livre. « C’est la raison pour laquelle nous avons envoyé mercredi une lettre au gouverneur de la BDL Riad Salamé », conclut Antoni Lorfing, précisant au passage que seule la société BoB Finance a refusé de s’associer à cette requête. BoB Finance est détenue par Bank of Beirut, l’une des plus grandes banques du pays, qui est par ailleurs dirigée par l’actuel président de l’Association des banques du Liban (ABL), Salim Sfeir.
Les banques semblent, elles, accueillir la nouvelle circulaire de la BDL avec un certain soulagement. En effet, selon le directeur du département de recherche de Byblos Bank, Nassib Ghobril, cité par Reuters, ce texte devrait convaincre une partie des expatriés à recommencer à passer par le secteur bancaire traditionnel pour transférer leurs fonds vers le Liban. Si elles ont mis des restrictions sur la majorité des services bancaires – des mesures encore illégales sur le plan juridique, mais que la BDL a récemment commencé à réglementer –, les apports « d’argent frais » ou de « dollars frais » déposés dans les banques libanaises sur des comptes dédiés après une certaine période ne sont, eux, soumis à aucune restriction. L’analyse de Nassib Ghobril semble partagée par une partie des milieux bancaires, selon des informations recueillies par L’Orient-Le Jour. Certains craignent cependant que la nouvelle circulaire fasse davantage s’envoler le taux dollar/livre chez les changeurs.
Côté clients, enfin, si la nouvelle décision de la BDL prive donc d’un côté les récipiendaires des transferts effectués via les institutions non bancaires de la possibilité de retirer en espèces et en devises les sommes qui leur sont envoyées, elle leur permet d’encaisser leur équivalent en livres à un taux plus proche de celui du marché, rendant la pilule un peu moins amère dans le contexte actuel. Déjà à terre, l’économie du pays s’enfonce en effet chaque jour un peu plus dans la récession en raison des mesures de confinement prises depuis la mi-mars par les autorités pour lutter contre l’épidémie de Covid-19.
commentaires (6)
C est ca oui...buen soutirer les $$ des deposants qui ont accepter u taux d'interet moindre toutes ces annees pour dimi uer leur risqueet leur donner du Mickey Mouse money en contrepartie ..ca va beaucoup encourager les investisseurs
Liban Libre
21 h 53, le 17 avril 2020