Le plan de redressement du Liban sur lequel planche encore le gouvernement de Hassane Diab, en plein contexte de grave crise économique et financière et de mesures de confinement liées au Covid-19, a suscité une franche levée de boucliers de la part des représentants du secteur bancaire. Si l’Association des banques (ABL) avait déjà fait part de ses inquiétudes la semaine dernière et devrait récidiver aujourd’hui dans une tribune publiée dans certains journaux, la Banque du Liban a, elle, créé la surprise en publiant un argumentaire pour justifier la gestion de son bilan, mis en relief dans le plan de l’exécutif.
Selon les auteurs de ce document, à savoir le bureau du Premier ministre, le ministère des Finances et le cabinet de conseil Lazard, sélectionné par l’État pour l’assister dans ses négociations avec ses créanciers afin de restructurer la dette publique – le pays ayant fait défaut sur ses obligations en devises début mars –, la BDL affiche en effet une perte nette de 54,9 milliards de dollars. Ce total inclut notamment pas moins de 42 milliards de dollars de pertes incorporées accumulées au fil des années passées, pour financer les besoins de l’État ou soutenir l’économie. Les auteurs du plan ont en outre expliqué qu’une partie de ces pertes étaient liées aux opérations d’ingénierie financières. Ce terme se réfère aux opérations d’échanges de titres de dette lancées par la BDL avec certaines banques entre 2016 et 2019 et dont la finalité était notamment d’augmenter les réserves en devises de la Banque centrale afin de pouvoir continuer à financer un État dont l’endettement devenait de plus en plus élevé, mais à des conditions pouvant se révéler handicapantes à long terme.
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Pertes reconnues
Ces paramètres suffisent pour les auteurs du plan à justifier une restructuration de la Banque centrale. Mais si cette dernière reconnaît l’existence de pertes, sans les chiffrer, elle souligne toutefois que sa mission fixée par le code de la monnaie et du crédit, et qui consiste à « sauvegarder la monnaie nationale afin d’offrir une base pour la croissance économique et sociale », l’autorise à ne pas systématiquement chercher à équilibrer ses bilans.
« Les pertes peuvent s’accumuler durant des années, et une façon de les couvrir passe par l’utilisation des réserves (de devises). Et lorsque ces dernières sont épuisées, il est possible de compenser les pertes avec les bénéfices futurs », assure la BDL dans son argumentaire, évoquant une pratique à laquelle d’autres banques centrales dans le monde ont eu recours par le passé. La BDL évoque ainsi plusieurs exemples pour illustrer son propos, citant notamment un sondage réalisé par la Banque centrale européenne (BCE), dont elle n’a pas communiqué les références. Sur un panel de 131 banques, 28 auraient ainsi indiqué avoir recours au « report de pertes » sur les années futures, entre autres résultats.
La BDL cite en outre les cas de la BCE, de la Réserve fédérale (Fed) aux États-Unis, ou encore de la Banque d’Angleterre, qui ont également utilisé « des méthodes non conventionnelles », à l’image du Quantitative Easing, procédé à travers lequel les banques centrales rachètent des bons du Trésor ou des actions d’entreprises afin d’augmenter la masse monétaire en circulation dans l’économie. Cet instrument a été utilisé en masse après la crise des subprimes de 2008 pour relancer des économies durement touchées. Ces opérations ont notamment eu pour effet de modifier la structure des bilans des banques centrales qui les ont lancées et donc leur exposition au risque.
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Cible ratée ?
Parmi les autres arguments invoqués pour justifier la gestion de son bilan comptable, la BDL assure que son statut lui permet de déroger aux règles comptables imposées par « les normes IFRS » (International Financial Reporting Standard), qui ont vocation à harmoniser les pratiques et garantir la transparence concernant la présentation des comptes financiers consolidés. Une interprétation qu’elle appuie en citant des éléments que L’Orient-Le Jour a pu retrouver dans un rapport publié en 2013 par la Banque des règlements internationaux, basée à Bâle, et qui se définit comme étant « la banque centrale des banques centrales ». Cette dernière affirme en effet dans ce rapport qu’il peut être « nécessaire » pour une banque centrale « de s’écarter de manière sélective mais transparente des normes internationales d’information financière (IFRS) » pour assurer sa « sécurité financière » et « son indépendance ».
Selon deux experts financiers anonymes contactés par L’Orient-Le Jour, l’argumentaire de la BDL rate en partie sa cible. « Le problème n’est pas lié aux méthodes utilisées par la BDL, que les auteurs du plan ont d’ailleurs reconnu, mais bien au fait que les pertes cumulées ont atteint un niveau devenu insoutenable. De telle manière qu’il semble irréaliste d’imaginer qu’elle puisse les compenser dans un laps de temps raisonnable sans passer par une restructuration », souligne l’un d’entre eux. Une analyse validée par l’autre source, qui juge désormais nécessaire de faire un inventaire des actifs de la BDL pour voir quelle marge de manœuvre elle pourra conserver en en liquidant une partie. Cet argumentaire intervient dans un contexte de méfiance généralisée. Une méfiance qui pour beaucoup d’entre eux est alimentée par la possibilité que le redressement du système financier du pays se fasse au détriment des déposants via une ponction des avoirs ou haircut (une possibilité rejetée cette semaine par plusieurs hauts responsables) ou un bail-in (un échange entre une partie des fonds et des actions dans la banque où le client avait déposé son argent, solution inscrite dans le plan de réforme).
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commentaires (12)
Quand une banque devient tributaire d'un seul client, en l’occurrence la BDL et l'Etat Libanais, cette "banque" n'est plus qu'un bailleur de fonds. la fortune de cette banque dependera de la fortune de son unique client -relisez la vie de Laurent de Medicis. la BDL nous avoue être assise sur un gouffre de USD 55mds qu'elle se propose benoîtement de "combler" dans le futur". COMMENT ?? vous etes une Banque-des-Banques qui sont quasiment toutes en faillite technique (Zombie Banks). Tout le Fresh Money envoyé dans ce pays est immédiatement retiré des banques. les activités de credit sont au point mort ! le tout prendra des années avant de commencer a repartir. ALORS COMMENT ! Il y'a bien la route des bandits, spéculer contre son peuple et sa monnaie pour se refaire, et vous l'emprunterez sans doute, cher BDL, mais vous ne pourrez jamais combler plus d'un dixième de vos pertes. Vous , cher BDL, avez condamner ce pays a la calamité financière : le fresh money passera par WU et OMT, les depots c'est dans les bas de laines et les credits a l'economie c'est la Tontine !! Belles réalisations
Lebinlon
11 h 49, le 16 avril 2020