Le président du Parlement libanais, Nabih Berry, a exprimé mardi son hostilité à une éventuelle ponction généralisée sur les dépôts bancaires (haircut), l'une des mesures controversées envisagées pour résorber la grave crise économique et financière que traverse le pays.
"Qui a dit que l'effondrement a eu lieu ? Mais avant tout, lisez le premier chapitre du Coran et ayez une pensée pour le haircut, comme vous avez fait le requiem du contrôle des capitaux", en référence à une légalisation des mesures informelles mises en place par les banques, a déclaré M. Berry à ses visiteurs, selon des propos cités par notre correspondante Hoda Chedid, mettant néanmoins en garde contre toute tentative de "compenser le déficit de l’État de 59 milliards de dollars avec l'argent des déposants".
M. Berry a précisé sur ce point que le programme de réformes économiques du gouvernement de Hassane Diab, dont les grandes lignes ont fuité ces derniers jours, "n'a pas été présenté par le ministre des Finances", Ghazi Wazni, un des représentants du président du Parlement au sein du cabinet, et "ne comprend pas le mot 'haircut'". M. Berry a en revanche noté qu'il entretenait des relations d'"amitié" avec M. Diab alors que des rumeurs sur des divergences de vue entre les deux hommes sur le programme économique à adopter circulent depuis plusieurs semaines.
"Si les choses vont dans le bon sens, alors il y a une possibilité de sauvetage. Même si ce n'est pas simple, ce n'est pas impossible", a déclaré le leader du mouvement chiite Amal, insistant sur la nécessité des réformes et d'appliquer les lois contre la corruption et le gaspillage. "Il faut résoudre les causes de la crise financière économique dont souffre le pays, notamment Électricité du Liban", qui est dans l'incapacité de produire du courant 24 heures sur 24 et dont le déficit dépasse les 20 milliards de dollars, a déclaré M. Berry. Cette question fait l'objet d'un véritable contentieux politique avec le Courant patriotique libre (aouniste) qui contrôle le ministère de l’Énergie depuis plusieurs années. Il a également prôné une restructuration du secteur financier afin d'injecter de nouveaux capitaux.
"Le Fonds monétaire ne peut pas refuser ces mesures et ces idées car elles restaureront la confiance de la communauté internationale, qui nous verra ainsi d'un autre œil", a jugé M Berry alors que le gouvernement libanais a déjà sollicité une aide technique auprès du FMI. "Il faut relancer l'activité économique et restructurer la dette", a-t-il proposé.
"Ces mesures tomberont par la force populaire et politique"
Depuis que la teneur du programme de redressement économique et de réformes a filtré, à la fin de la semaine dernière, les forces politiques opposées au gouvernement comme certaines de celles qui en font partie, ainsi que la société civile, sont vent debout contre toute atteinte préjudiciable aux déposants. Et ce en raison d’un passage du plan de réformes à l’étude affirmant la volonté du gouvernement de ne pas porter atteinte aux économies de "90 % des déposants", qui, selon des sources gouvernementales, constituent l’essentiel des clients de banques possédant des comptes inférieurs à 200 000 dollars. Pour les autres, le plan de réforme prévoit de proposer d'autres alternatives : soit un bail-in, soit une conversion d’une partie de leur dépôts en prise de participation (actions) dans les banques où ils avaient initialement placé leurs fonds, soit une seconde option consistant à "transférer les dépôts ciblés par le gouvernement dans le cadre d’un bail-in vers un fonds dédié" qui aura vocation à permettre à leur titulaire de les récupérer sur le long terme. Des options que certains considèrent comme un "haircut" (une coupe dans les dépôts) qui ne dit pas son nom.
C'est dans ce contexte que le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a lui aussi réaffirmé son opposition à une ponction sur les avoirs dans les banques. "Je suis totalement opposé à cela, sous quelque condition que ce soit, et les Libanais doivent s'en tenir à cette position de refus total. Ces mesures tomberont par la force populaire et politique", a-t-il déclaré dans une interview à l'agence locale al-Markaziya.
Le pays surendetté a annoncé en mars son premier défaut de paiement dans l'histoire, au terme de plusieurs mois d'une baisse des réserves en devises étrangères et d'une dépréciation de la monnaie nationale sur le marché parallèle. Le Liban croule sous une dette publique de 92 milliards de dollars, soit 170% du PIB, l'un des ratios les plus élevés mondialement, tandis que 45 % la population vivrait sous le seuil de la pauvreté, selon le ministère des Finances.
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commentaires (5)
Si toute la dette accumulée par les incompétents qui nous ont gouvernés doit être remboursée par la population libanaise, il faut que l’Etat se déclare en cessation totale de paiement et donc que toutes ses structures soient dissoutes en commençant par tous les postes politiques. Sinon, que les technocrates trouvent d’autres solutions que de voler tout l’argent de la population libanaise
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21 h 11, le 14 avril 2020