Les créanciers locaux et internationaux du Liban sont divisés sur la teneur du plan de relance actuellement à l'étude par le gouvernement de Hassane Diab pour redresser le pays, l'Association des banques du Liban (ABL) ayant notamment exprimé ses inquiétudes quant à ce plan dont une première version a fuité sur les réseaux sociaux et dans la presse au cours de la semaine.
Selon des informations rapportées par l'agence Reuters, les créanciers internationaux du Liban soutiennent la proposition de plan qui se trouve sur la table du Conseil, estimant que le texte peut servir de base à une demande de soutien financier au Fonds monétaire international. Le Liban aurait besoin d'un financement externe de 10 à 15 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années pour se remettre à flot, selon le scénario le plus optimiste dans lequel les créanciers consentiraient notamment à accorder un délai de grâce de 5 ans pour le remboursement de la portion de dette en devises dues sur cette période.
Le gouvernement a estimé à 27,3 milliards de dollars les besoins totaux de financement d’ici à entre 2020 et 2024, remboursement de la dette incluse. Cette dernière totalise 92 milliards de dollars (soit un ratio dette/PIB de 176 %), dont plus de 30 milliards de dollars ont été souscrits via les eurobonds, obligations d’Etat en dollars. Le reste de la dette est libellée en livres libanaises.
Il reste que le point de vue de l’exécutif n'est pas partagé au niveau local. Le cabinet de conseil international Houlihan Lokey, qui conseille l'ABL dans ce dossier, a notamment envoyé une lettre à son homologue Lazard, mandaté, lui, par l'Etat libanais pour le conseiller sur le volet financier de la question de la restructuration de la dette, pour exprimer les inquiétudes de ses clients vis-à-vis du plan envisagé. Houlihan Lokey craint notamment, selon une copie de la lettre consultée par Reuters, "l'impact du plan sur le système bancaire et sa proposition de faire porter le fardeau financier aux déposants".
"Les banques commerciales libanaises constituent la majorité des détenteurs d'eurobonds, ce qui devrait être utilisé à l'avantage du gouvernement et du pays afin de trouver un plan de restructuration de la dette qui soit crédible et règle le problème du fardeau que représente la dette, tout en protégeant le secteur bancaire et les fonds des déposants", ajoute le texte de la missive.
Le plan de relance est étudié alors que le gouvernement libanais avait annoncé début mars sa décision de faire défaut sur la dette publique en dollars. Une première dans l’histoire du Liban qui a entamé depuis l’année dernière une brutale descente aux enfers, faisant éclater les failles de son modèle économique et financier au grand jour. Jeudi, le ministre des Finances, Ghazi Wazni, avait souligné que ce plan est toujours en cours de discussion et susceptible d'être modifié, des discussions étant toujours en cours entre le cabinet et les différentes parties concernées. Le gouvernement a par exemple indiqué dans le plan que les pertes nettes directes et indirectes du secteur bancaire s'élèvent à 62,4 milliards de dollars (83,2 milliards auquel il faut retrancher 20,7 milliards de capital de base détenu par le secteur), mais n’a pas encore définitivement arrêté les moyens pour le combler.
(Lire aussi : Les grandes lignes du plan que prépare le gouvernement pour redresser le pays)
"Audit des finances du gouvernement"
Un des points les plus polémiques du programme de redressement du gouvernement est sa référence à "une contribution transitoire exceptionnelle de la part des gros déposants". A ce sujet, Houlihan Lokey souligne qu'"avant de demander au public d'assumer directement la responsabilité d'une partie du problème, un audit exhaustif et indépendant des dépenses et finances du gouvernement (devait) être préparé et publié”. Lundi, le Groupe international de soutien (GIS) au Liban a demandé aux autorités libanaises de procéder à un audit des comptes de la Banque du Liban, une requête que le président Michel Aoun et le Premier ministre Hassane Diab se sont engagés à satisfaire. S'agissant des comptes publics, le directeur général du ministère des Finances, Alain Bifani, a finalisé début 2019 leur reconstitution sur la période allant de 1993 à 2017.
Houlihan Lokey estime en outre que l'ABL "est d'accord sur le fait qu'un financement externe, (notamment du) FMI, s'avère nécessaire”, un point de vue également partagé par les auteurs du plan de réforme qui ont publié en annexe un argumentaire justifiant cette décision. Jusqu’à présent, le Liban n’a pas formulé de demande officielle d’aide au FMI, en dehors de la demande d’assistance technique pour laquelle une délégation du Fonds était venue à Beyrouth fin février et une autre formulée la semaine dernière d’aide financière d’urgence devant permettre de soutenir les efforts du Liban dans sa lutte contre le nouveau coronavirus. Toujours est-il que la mise en oeuvre d’un plan de stabilisation et d’ajustement structurel par le FMI pourrait assurer au Liban une injection de liquidités en devises en contrepartie de réformes structurelles et demeure l’une des principales conditions de la communauté internationale à l’octroi de tout soutien financier.
L'expert Steffen Reichold, gestionnaire de portefeuille chez Stone Harbor Investment Partners, qualifie pour sa part le plan du gouvernement de "sérieux". "Avec un plan pareil, il est possible d'obtenir le soutien du FMI", estime-t-il. Et de préciser que "remettre la dette sur une voie plus durable, restructurer toutes les institutions essentielles, balayer le capital des banques, introduire un taux de change flexible, réformer le secteur de l'électricité... tous ces points se trouveraient probablement sur une liste d'exigences du FMI". Selon lui, le plan du gouvernement prévoit "une réduction de 75 % du principal des eurobonds et de la dette domestique", une évaluation conforme à ce qu'il avait prévu.
Nick Eisinger, de la société américaine de fonds d'investissement Vanguard, affirme que son entreprise avait envisagé qu'"une amélioration du prix des eurobonds à 25-30 cents de dollars (contre une valeur oscillant entre 15 et 19 cents de dollars ces dernières semaines) serait déjà positive". "Mais si nous prenons en considération ce document, et que l'exécutif libanais est sérieux dans sa volonté de mettre en oeuvre les réformes envisagées, le redressement pourrait être encore plus intéressant" que ce qui avait été prédit, estime-t-il.
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commentaires (8)
Ce gouvernement asservi ne trouvera pas de solution aux problèmes justement parce qu’il a été choisi par les voleurs qui ont pillé le pays et ont placé des gens au pouvoir de leur bord pour ne jamais être jugés. Ils ont tous accepté leur poste en connaissance de cause alors qu’ils ne viennent pas nous jouer les vierges effarouchées en faisant semblent de travailler alors qu’ils déplacent du vent depuis leur nomination. Rien ne sera réglé tant que la justice ne condamnera pas tous les responsables politiques de ce hold up toujours impuni. Les libanais refuseront de mettre la main à la poche tant que les milliards n’ont pas été récupérés même si cela devrait durer une éternité. Ils faut les comprendre ils n’ont plus rien à perdre. Pour ceux qui ont espoir que ce gouvernement arrivera à faire des miracles et qu’il faut lui donner le temps et sa chance, ils se mettent le doigt dans l’œil car il ne s’agit pas là de bonne volonté mais de bonnes personnes indépendantes des politiciens qui décident et appliquent les lois de la constitution sans l’avis de personne alors qu’on est loin de ce scénario puisque les conditions de leurs nominations étaient très claires. Obéissance absolue. on Voit le résultat. Une répétition de l’ancien gouvernement où ils tournent en ronds en attendant la bénédictions des tous les vendus, du coups on arrive à une impasse. Bon courage pour les optimistes on va droit dans le mur.
Sissi zayyat
11 h 32, le 12 avril 2020