La première étape du rapatriement des Libanais de l’étranger s’est terminée sans problème majeur. Quatre avions venus de quatre pays différents ont ramené au pays près de 400 Libanais, dans des conditions difficiles, mais avec des mesures de précaution acceptables.
Le gouvernement de Hassane Diab peut donc respirer, cette première phase a été satisfaisante, même si certaines lacunes dans le plan devront être réglées, notamment le désordre au moment de l’atterrissage et de la sortie des passagers de l’avion. Mais globalement, de l’avis de ceux qui étaient présents et même des différentes parties politiques, tout s’est plutôt bien passé. Les mesures prises à l’aéroport étaient strictes, notamment le dispositif de contrôle des passagers. De même, l’espacement entre les arrivants et entre les différents fonctionnaires de l’aéroport a été respecté. Il s’agit maintenant de veiller à la suite des événements, c’est-à-dire au respect des consignes de confinement par les arrivants et leurs proches, tout en surveillant au cours des prochains jours la courbe des personnes atteintes du coronavirus au Liban. La fuite d’une personne, annoncée par des sources médiatiques, pour éviter les contraintes du confinement obligatoire en attendant le résultat des tests effectués à l’aéroport, doit aussi être réglée et ne pas constituer un exemple pour d’autres. Les forces de l’ordre la recherchent d’ailleurs activement.
Sur le plan politique, on peut donc dire que le gouvernement a passé avec succès ce premier test, en réussissant à se faufiler entre les nombreuses mines posées sur son parcours. D’abord, l’exigence du rapatriement des émigrés ayant été formulée par le président de la Chambre sur un ton assez ferme, au point que Nabih Berry avait menacé de « suspendre sa participation au gouvernement », il ne fallait pas que le gouvernement ait l’air de céder à une partie politique, fût-elle le puissant chef du législatif. D’ailleurs, le leader du Courant patriotique libre Gebran Bassil a repris à son compte la demande formulée par Nabih Berry et le secrétaire général du Hezbollah a également abondé dans ce sens. Autrement dit, trois des principales parties politiques qui ont appuyé le gouvernement et facilité sa formation ont exprimé cette demande. Même si le gouvernement avait des réserves et craignait essentiellement que le rapatriement massif des Libanais de l’étranger ne provoque une recrudescence des cas de contamination au coronavirus, il ne pouvait pas ne pas répondre à cette demande, d’autant qu’il y avait beaucoup de cas dramatiques parmi les Libanais partis pour un court voyage et contraints de rester sur place.
(Lire aussi : Coup d’envoi du rapatriement sous haute surveillance)
Dès lors, le souci principal était d’organiser le rapatriement, tout en essayant d’éviter un afflux massif qui deviendrait rapidement incontrôlable. En même temps, il ne fallait pas avoir l’air de céder à une partie plutôt qu’à une autre. Enfin, il fallait aussi mettre au point un plan qui assure la sécurité des arrivants et de leurs proches dans des conditions matérielles difficiles, sachant qu’une partie des Libanais étaient inquiets de l’arrivée des personnes rapatriées, dont certaines pourraient être porteuses du virus et contaminer plusieurs autres. Comme cela s’est passé au début de l’épidémie au Liban en février, des personnes venues de l’étranger avaient apporté avec elles le virus et contaminé leurs proches. Il a donc été décidé de privilégier les émigrés installés dans les pays d’Afrique, parce que l’infrastructure hospitalière y est insuffisante pour faire face à une épidémie et parce que les émigrés y courent des risques physiques d’agressions en période de crise. Mais, en même temps, le gouvernement a pris soin d’englober dans le processus du retour, les pays arabes et les pays européens dans un premier temps, tout en se préparant pour accueillir, dans une seconde étape, les Libanais vivant dans les pays lointains comme les Amériques et l’Australie, ceux-là ayant besoin de passer par un pays tiers, la MEA n’ayant pas de vols directs à partir de ces lieux.
De même, les prix des billets qui ont été fixés par la MEA étaient élevés pour les raisons que l’on connaît (vols à moitié vides et dans un seul sens), tout en faisant des rabais pour ceux qui sont en difficulté comme les étudiants coincés à l’étranger et n’ayant pas les moyens de payer le prix complet d’un billet. De la sorte, le processus du retour sera limité à ceux qui veulent réellement rentrer au Liban et qui en ont les moyens, tout en étant « humanisé » pour ceux qui sont dans le besoin. Chaque mesure a donc été soigneusement étudiée pour répondre aux conditions que s’était fixées le gouvernement : d’abord éviter un retour massif tout en étant soucieux d’aider ceux qui sont dans le besoin, ensuite éviter un retour à coloration confessionnelle unique pour ne pas ouvrir la voie à une polémique confessionnelle et politique dans une période aussi sensible. Il fallait donc à la fois offrir aux Libanais la possibilité du retour, tout en leur faisant comprendre qu’il ne s’agit pas d’une aventure de tout repos et qu’il faudra respecter de nombreuses contraintes.
Sur le plan logistique, le gouvernement, par la personne de son chef et de plusieurs ministres qui se sont rendus hier à l’aéroport, a montré qu’il travaillait en équipe, sachant que plusieurs ministères ont été mobilisés pour la réussite de cette première étape du plan de rapatriement. Il a donc réussi dans ce dossier à surmonter les fissures internes apparues ces derniers jours. Mais ses épreuves sont loin d’être terminées. Il devra tirer les leçons de ce premier test pour les autres dossiers épineux qui l’attendent.
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commentaires (9)
Aucun gouvernement depuis l'indépendance du Liban n'a passé par des circonstances aussi difficiles et graves dpuis sa naissance . Mais aucun gouvernement depuis l'indépendance n'a montré autant de résistance aux pressions traditionnelles de tous les leaders politiques confondus . Aucun gouvernement n'a montré autant de lucidité et autant , persévérance et surtout autant de nerfs et de patience . Dieu soit loué ! Habemus Republicam !
Chucri Abboud
14 h 44, le 06 avril 2020