Le ministre libanais de l'Energie, Raymond Ghajar, a justifié samedi, lors d'une conférence de presse, la poursuite du projet controversé de construction du barrage de Bisri, réaffirmée il y a deux jours lors d'un Conseil des ministres, estimant qu'un arrêt des travaux constituerait "un énorme gaspillage des fonds publics".
Évoquant "quatre mois d'escalade dans la contestation contre le projet de barrage à Bisri et la destruction de certaines infrastructures du site", le ministre Ghajar a souligné que les entreprises chargées des travaux avaient arrêté la majorité de leurs activités sur le site, notamment en raison de menaces de recours à la violence si la construction ne s'arrêtait pas". C'est suite à ces événements que le ministère de l'Energie et de l'Eau a demandé que le projet de Bisri soit intégré à l'ordre du jour de la réunion gouvernementale de jeudi "afin de clarifier ses objectifs et différentes étapes de mise en œuvre et de demander au Conseil des ministres de confirmer la poursuite de l'application de ce projet, conformément aux décisions gouvernementales, décrets, lois et contrats" précédemment ratifiés.
Le ministre de l'Energie a souligné que "la raison principale" de ce projet est "le manque d'approvisionnement en eau dans le Grand-Beyrouth, et surtout lors de la saison sèche". "L'approvisionnement se limite à 3 heures par jour en moyenne dans la plupart des quartiers pendant l'été", a-t-il précisé. Et d'ajouter que le projet "n'est pas l'apanage d'un gouvernement particulier", mais qu'il a fait l'objet d'études et de nombreuses décisions ces dernières années.
(Lire aussi : Le barrage de Bisri s’invite de façon suspecte dans les décisions gouvernementales)
Raymond Ghajar a encore indiqué que le projet de barrage à Bisri, comme celui de la construction d'un tunnel acheminant l'eau de la rivière Awali, font l'objet de deux prêts octroyés par la Banque mondiale, "approuvés dans les règles par les gouvernements précédents et ratifiés par le Parlement", pour un montant total de 850 millions de dollars pour les deux projets.
"Mettre un terme à Bisri, après s'être engagé à mener le projet et avoir payé des frais supplémentaires d'expropriation s'élevant à 155 millions de dollars, serait considéré comme un gaspillage de fonds publics, surtout que ces fonds proviennent d'un prêt", a lancé le ministre, qui a souligné qu'un tel arrêt des travaux obligerait l’État à verser de grosses compensations aux contractants et aux conseillers engagés sur le projet.
Le projet du barrage de Bisri est principalement financé par un prêt de la Banque mondiale et conçu pour alimenter la capitale en eau avec un stockage estimé à 125 millions de mètres cubes (une probabilité que contestent de nombreux experts). Le projet avait été annoncé comme devant coûter un peu plus de 600 millions de dollars, mais, suivant une source qui suit de près le dossier, le budget réel atteindra pas moins de 1,2 milliard, et 997 millions seraient d’ores et déjà réservés à cet effet. Ce projet a été la cible de nombreuses manifestations avant et pendant le soulèvement libanais lancé le 17 octobre. Les contestataires craignent les retombées de la construction du barrage dans une vallée riche notamment en biodiversité.
Lire aussi
Pourquoi la reprise des travaux à Bisri est-elle devenue soudain prioritaire ?
Pour mémoire
« Le cas de Bisri est emblématique des politiques de surendettement »
Les difficultés financières du Liban pourraient sauver la plaine de Bisri
Entre prétendu "gaspillage" de fonds déjà escamotés et saccage de notre pays, on a déjà choisi, je pense.
12 h 51, le 05 avril 2020