Le gouvernement libanais a exprimé vendredi sa volonté de rendre imprescriptible les crimes d'intelligence avec l'ennemi, au lendemain du départ pour les Etats-Unis de l'ancien tortionnaire de la prison de Khiam et agent pro-israélien, Amer Fakhoury, libéré lundi après avoir été acquitté par le Tribunal militaire des charges de torture, au grand dam des milieux proches du Hezbollah.
Jeudi, Donald Trump avait annoncé en personne qu'Amer Fakhoury, détenu pendant plus de six mois au Liban, était "en route" vers les Etats-Unis malgré une décision de justice lui interdisant de quitter le pays. Le chef de la Maison blanche avait remercié le gouvernement libanais "pour sa coopération" à ce sujet.
Ancien membre de l'ALS, Amer Fakhoury s'était exilé il y a plus de 20 ans aux Etats-Unis. A son retour au Liban en septembre, il avait été arrêté et poursuivi par la justice militaire. Il avait été remis en liberté lundi après le jugement du tribunal militaire déclarant qu'il y avait prescription pour les actes de torture dont il était accusé. Il a quitté trois jours plus tard le Liban à bord d'un hélicoptère de la Marine américaine.
"Le crime d'intelligence avec l'ennemi israélien ne peut pas être simplement oublié. Les droits des martyrs et des prisonniers libérés ne sont pas prescrits par la justice divine", a écrit le Premier ministre Hassane Diab sur son compte Twitter.
De son côté, la ministre de la Défense, Zeina Acar, a indiqué sur Twitter qu'elle allait plancher sur des amendements du Code pénal faisant des crimes d'intelligence avec l'ennemi et des crimes contre l'humanité des crimes imprescriptibles.
Pour sa part, le chef de la diplomatie libanaise, Nassif Hitti, a convoqué l'ambassadrice des Etats-Unis au Liban, Dorothy Shea, pour l'interroger sur les circonstances du départ de M. Fakhoury.
Dans ce contexte, des proches de prisonniers de Roumieh réclamant une loi d'amnistie générale ont organisé une marche à Tripoli, au Liban-Nord, pour protester contre la libération de l'ancien responsable de l'ALS.
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Démission du président du Tribunal militaire
Dans la matinée, le président du Tribunal militaire, le juge Hussein Abdallah, a présenté sa démission au commandement en chef de l'armée libanaise, le général Joseph Aoun. "Conformément à mon serment et à ma dignité militaire, je quitte mes fonctions à la présidence du Tribunal militaire, qui a manqué à son devoir de faire appliquer la loi en accordant l'impunité à un collaborateur de l'ennemi et au sein duquel un juge a été intimidé", a déclaré M. Abdallah, dont les propos ont été relayés par l'Agence nationale d'information (Ani, officielle).
En outre, le Courant patriotique libre s'est défendu des "calomnies" visant son chef, Gebran Bassil, dans l'affaire Fakhoury. "Ceux qui accusent M. Bassil d'avoir facilité le départ de M. Fakhoury sur demande américaine sont les mêmes qui l'avaient accusé d'avoir facilité son entrée au Liban sur demande iranienne", indique un communiqué publié par le bureau de presse du CPL, qui dénonce les "surenchères qui ne se limitent pas à un seul camp, mais aussi à certains, plus royalistes que le roi, qui disent défendre la résistance"." M. Bassil n'a pas besoin qu'on lui donne un certificat de patriotisme et d'indépendance", poursuit ce texte.
Le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah, dont la formation s'est élevée contre cette libération, s'est exprimé en soirée au sujet de cette affaire, affirmant que son parti n'était ni impliqué, ni au courant d'un éventuel "marché" ayant permis l'abandon des poursuites contre l'ancien tortionnaire de la prison de Khiam. Il a estimé que cette affaire "ouvre la porte" à des pressions américaines sur le pays.
De son côté, le secrétaire d'Etat adjoint pour le Proche-Orient, David Schenker, a déclaré que les Etats-Unis n'avaient passé aucun accord, ni aucun marché pour assurer la libération de l'ancien milicien. Washington "n'a fait aucune promesse, n'a pas promis d'argent, ni de libération de détenus et n'a pas discuté avec le Hezbollah" à ce sujet, a-t-il ajouté.
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commentaires (6)
Patience. La route vers le nouveau Liban est longue et nous allons y arriver envers et contre tous.
PPZZ58
21 h 22, le 20 mars 2020