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Société - Témoignage

Un prêtre jésuite en isolement témoigne : Je suis privilégié par rapport aux autres

De sa chambre, où il doit rester confiné 14 jours, le père Gaby Khairallah parvient encore à s’occuper des plus nécessiteux.

Le père Gaby Khairallah. Photo Michel Sayegh

Depuis le 8 mars, quinze pères jésuites sont à l’isolement, coupés du monde, physiquement du moins, suite à la découverte de deux cas avérés de contamination au coronavirus au sein de la congrégation de Beyrouth. Deux cas auxquels s’est ajouté un troisième, annoncé hier. Cet isolement, ce sont la vingtaine de membres de la congrégation qui l’ont décidé, mesure préventive nécessaire pour éviter toute propagation du virus. Connu pour son combat inlassable contre l’injustice et la pauvreté et pour son engagement social auprès des populations les plus vulnérables, le père Gaby Khairallah, qui s’est lui aussi mis à l’isolement, a dû mettre un bémol à son dynamisme et calmer son ardeur contagieuse.

Le repos qui lui a été imposé par les circonstances ne le désarme pas pour autant puisqu’il a réussi, à ce jour, à le transformer en retraite fructueuse et productive, tout en pensant aux laissés-pour-compte et à tous « ceux qui n’ont même pas le luxe de pouvoir s’offrir un cadre adéquat pour s’isoler ».



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D’emblée, le père Khairallah assure à L’OLJ que l’expérience de l’isolement se passe sans trop de difficultés, avec un emploi du temps bien rempli et des activités réparties sur la journée qui commence par une heure de prière matinale avant une seconde en cours d’après-midi. « Pour les repas, nous sommes servis par un service d’infirmerie doté de bons effectifs. Ils nous servent individuellement les repas », explique le père Gaby. Le reste de la journée est consacrée à la lecture personnelle et à la préparation du cours de littérature qu’il assure à l’USJ. « J’en profite pour préparer le syllabus de la prochaine rentrée universitaire », dit-il. Le soir, le père s’accorde quelques loisirs. En phase avec son temps, il visionne un film de son choix sur Netflix, après avoir célébré, seul dans sa chambre, la messe, à l’instar des neuf autres prêtres actuellement en réclusion.

Le père Gaby est, en quelque sorte, déjà rodé à la solitude, puisque les pères jésuites doivent chaque année consacrer dix jours de suite à une retraite dans le silence le plus total et, pour certains, dans la solitude. Il assure dès lors ne pas souffrir de l’absence de contacts et de sorties, en tous les cas pas autant que d’autres, ou même que certains prêtres qui peuvent effectivement en ressentir la lourdeur. « Ce qui m’aide, c’est que j’aime beaucoup lire. En plus, j’ai la chance d’avoir une chambre vaste », témoigne le père Gaby.


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S’il est physiquement isolé, il ne l’est pas en termes de communication. Régulièrement, il appelle des connaissances ou des amis pour se reconnecter virtuellement et briser la monotonie du quotidien dans sa chambre.

Assurément très solide moralement, le père Gaby n’est pas pour autant immunisé contre l’anxiété et les intrusions de tristesse. Sauf que son inquiétude est pétrie d’empathie et de compassion pour tous ceux qu’il aime, et ils sont nombreux. Ce n’est pas à lui et aux difficultés de son isolement qu’il pense durant les moments de blues, mais aux difficultés auxquelles est confronté le Liban, ainsi que toutes les personnes qui sont, contrairement à lui, complètement délaissées. « Je pense constamment à ceux qui sont isolés dans les villages avec peu de ressources et tous ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir un isolement confortable comme nous. Je m’inquiète aussi pour ceux qui ne pourront pas bénéficier des soins nécessaires lorsqu’ils en auront besoin », dit-il.


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C’est surtout vers eux que vont ses prières, mais aussi vers toutes les personnes âgées et démunies qu’il avait prises sous son aile. Depuis un certain temps, le père Gaby s’occupait de près de 120 personnes dans le contexte de la création d’un restaurant du cœur parrainé par les pères jésuites. Ces personnes âgées défavorisées, venant des quartiers de Nabaa, de Bourj Hammoud, de Khandak el-Ghamik ou encore de la banlieue sud, il y pense tous les jours. Il y pense et il agit. Depuis sa chambre fermée, le père a réussi à orchestrer, le week-end dernier, une livraison de repas à son groupe de protégés même si ces derniers n’ont pas pu accéder à la salle d’accueil habituelle. « La livraison des deux repas placés dans des emballages scellés s’est faite à l’extérieur », raconte le prêtre qui planifie déjà la livraison des repas du week-end prochain, alors que les difficultés s’alourdissent au fur et à mesure que le gouvernement multiplie les mesures restrictives pour enrayer la propagation du virus.

« C’est pour eux que j’ai peur, pas pour moi. S’il s’avère que je suis devenu porteur du virus, cela n’est pas un problème. Je suis relativement jeune et peux facilement le combattre. Nous les prêtres sommes du bon côté de la barrière et bénéficions de tout un réseau de relations. Ce n’est pas leur cas », conclut le père Gaby.


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Depuis le 8 mars, quinze pères jésuites sont à l’isolement, coupés du monde, physiquement du moins, suite à la découverte de deux cas avérés de contamination au coronavirus au sein de la congrégation de Beyrouth. Deux cas auxquels s’est ajouté un troisième, annoncé hier. Cet isolement, ce sont la vingtaine de membres de la congrégation qui l’ont décidé, mesure préventive...

commentaires (1)

Bravo père, et pourquoi les pretres qui font des bonnes actions au Liban on peut presque les compter sur les doigts? Jesus n'a fait que de bonnes actions aussi, il n'a pas seulement parler (La Bible) mais l'a vécu en entier.

Eddy

13 h 24, le 11 mars 2020

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Commentaires (1)

  • Bravo père, et pourquoi les pretres qui font des bonnes actions au Liban on peut presque les compter sur les doigts? Jesus n'a fait que de bonnes actions aussi, il n'a pas seulement parler (La Bible) mais l'a vécu en entier.

    Eddy

    13 h 24, le 11 mars 2020

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