L’opposition au pouvoir est encore loin de s’unifier ? Mais si les protagonistes convergent sur plusieurs principes politiques et questions tactiques, ils divergent sur un dossier stratégique particulièrement important : le Hezbollah.
C’est ce qui ressort des propos tenus hier par le leader des Forces libanaises, Samir Geagea. S’exprimant lors d’une rencontre à Meerab avec des journalistes de plusieurs sites électroniques, il n’a pas mâché ses mots. En réponse à une question portant sur la formation d’un front d’opposition, il a déclaré : « Il s’est avéré que le Parti socialiste progressiste et le courant du Futur ne veulent pas aller dans le sens d’un front d’opposition unifié pour plusieurs raisons, dont leur volonté de ne pas affronter le Hezbollah. »
Ces flèches décochées en direction de Moukhtara et de la Maison du Centre illustrent les rapports en dents de scie entre les trois formations, depuis la mise sur pied du compromis présidentiel d’octobre 2016, désormais caduc. Le chef des FL a d’ailleurs rappelé une fois de plus qu’aux premiers jours du mouvement de contestation déclenché le 17 octobre, il était entré en contact avec le chef du PSP, Walid Joumblatt, et le leader du Futur, Saad Hariri, pour leur demander de faire comme lui et d’enjoindre à leurs ministres de démissionner du gouvernement, en réponse aux revendications des manifestants.
Les propos de Samir Geagea interviennent quelques semaines après le discours de Saad Hariri à l’occasion du 14 février. L’ancien Premier ministre, qui avait fini par démissionner le 29 octobre, avait alors enterré définitivement le compromis conclu avec le Courant patriotique libre et s’était livré à une violente diatribe contre son leader Gebran Bassil, mais aussi contre le président de la République, Michel Aoun.
Modus vivendi
Toutefois, soucieux de maintenir son modus vivendi avec le Hezbollah, Saad Hariri a évité de l’attaquer frontalement lors de son discours du 14 février. Et c’est ce qui, pour Moustapha Allouche, membre du bureau politique du Futur, explique l’échec à former un front unifié entre ces partis, en dépit de leur opposition commune au pouvoir en place et au gouvernement de Hassane Diab.
« Pour le moment, il n’est pas question d’entrer en confrontation directe avec le Hezbollah, parce que cela est contraire aux intérêts du pays », déclare M. Allouche à L’Orient-Le Jour, avant d’ajouter : « Il n’est pas opportun d’affronter le Hezbollah autour de son arsenal. Il s’agit d’un débat dont nous n’avons pas tiré profit durant les quinze dernières années. » Moustapha Allouche ajoute à ce raisonnement un argument tout aussi important : « Ouvrir en ce moment le débat autour des armes du parti chiite reviendrait à écarter le président de la Chambre, Nabih Berry, allié de longue date du Hezbollah, du camp de l’opposition, alors que les signes d’une mésentente entre Amal et le tandem Baabda-CPL se multiplient. » Ces propos interviennent alors que les rapports entre le président de la Chambre et le chef de l’État semblent être au plus bas depuis des mois. À son tour, Moukhtara semble se tenir à l’écart d’une confrontation directe avec le Hezbollah. « Cela risque de faire sauter la baraque », confie un proche de Walid Joumblatt à L’OLJ. De son côté, Bilal Abdallah, député joumblattiste du Chouf, assure que sa formation n’entend pas faire face au Hezbollah, « dans la mesure où il s’agit d’une question d’ordre régional ».
Réagissant aux déclarations de Samir Geagea, M. Abdallah rappelle que « ni les FL ni le Futur ne se sont joints au PSP lorsqu’il a plaidé pour une présidentielle anticipée ». « Il s’agissait pour nous de répondre favorablement à l’une des principales demandes du mouvement de contestation qui voulait en finir avec la classe dirigeante dans son ensemble », poursuit le député du Chouf.
« Tant que le 8 Mars est au pouvoir »
L’épineux dossier du Hezbollah n’est pas le seul point de divergence entre Meerab, d’une part, Moukhtara et la Maison du Centre de l’autre. Ces divergences portent aussi sur la loi électorale, alors même que les trois parties réclament des élections anticipées. À l’heure où M. Geagea a qualifié la loi électorale en vigueur d’« excellente », estimant qu’elle « n’a besoin que de quelques amendements techniques », le PSP et le Futur poursuivent leurs préparatifs pour présenter deux nouvelles propositions de loi électorale. Cette loi prévoit l’application de la proportionnelle dans quinze circonscriptions, avec vote préférentiel au niveau du caza, rappelle-t-on.
En attendant, Samir Geagea continue de critiquer Michel Aoun et Gebran Bassil. Assurant qu’il se considère candidat à la présidentielle, il s’est posé la question de savoir « s’ils (le Hezbollah et ses alliés) pourraient supporter une telle élection ». « Le pays ne sortira pas de la crise tant que le 8 Mars est au pouvoir », a-t-il ajouté.
Les navires-centrales et le FMI
Sur un autre registre, et pour la deuxième fois en l’espace de trois jours, le chef des FL s’en est pris au CPL avec, en toile de fond, le fameux dossier des navires-centrales. « C’est ce dossier qui a torpillé nos rapports avec le CPL et Gebran Bassil », a-t-il tonné, rappelant, une fois de plus, que des firmes internationales sont prêtes à construire des usines de production du courant électrique et à présenter les solutions provisoires à l’État libanais.
Samir Geagea a, par ailleurs, répondu au secrétaire général adjoint du Hezbollah, le cheikh Naïm Kassem, qui avait déclaré, il y a une semaine, que son parti refusait de voir le Liban passer sous la tutelle au Fonds monétaire international, dont le Liban a pour le moment uniquement sollicité l’assistance technique. Le chef des FL a donc invité le numéro deux du Hezbollah à « présenter des alternatives ». « La crise aurait pu être résolue sans l’intervention du FMI. Il suffisait d’assurer des recettes supplémentaires à l’État en mettant sur pied une société anonyme qui serait chargée de gérer quelques-unes des entreprises et institutions publiques comme le port de Beyrouth, le Casino du Liban, la MEA », a-t-il souligné, ajoutant : « Comme ils n’ont pas pris de décisions politiques pour lutter contre la corruption, nous devons recourir au FMI. »
commentaires (9)
Mr. Geagea rêve d'être president mais sans l'accord des Ayattollahs et le Hezbollah rien à faire . Le Hezbollah que peut attendre de l'Iran ils sont sous terre avec le virus ils l'ont même donne aux Libanais
Eleni Caridopoulou
20 h 46, le 03 mars 2020