C’est un message particulièrement fort qu’Elizabeth Richard, l’ambassadrice des États-Unis sur le départ, a adressé hier, tant au peuple libanais qu’au pouvoir en place, qualifiant le système politique en vigueur d’obsolète. S’exprimant à l’issue d’un entretien avec le chef de l’État, Michel Aoun, à qui elle a fait ses adieux, Mme Richard a déclaré : « Je crois que tout le monde reconnaît que le système des dernières décennies ne fonctionne plus. Il ne faut donc pas rater cette occasion historique pour le peuple libanais de tourner la page. » Selon l’ambassadrice, « le Liban se trouve à la croisée des chemins ». « En octobre, des citoyens de toutes les communautés et de toutes les régions sont descendus dans la rue pour demander à leur gouvernement de mieux faire, et ils avaient raison », a-t-elle déclaré avant de poursuivre : « Il n’y a aucune raison pour que ce pays doté de tant de ressources, dont d’incroyables ressources humaines, n’ait pas en 2020 un système moderne de gestion des déchets et de l’électricité pour tous 24 heures sur 24, une force armée unique sous le contrôle de l’État et une économie florissante. »
Mme Richard a rappelé que Washington « s’est toujours tenu aux côtés du peuple libanais et que l’ambassade US soutient des projets de coopération » dans toutes les régions et dans la majorité des municipalités libanaises. « Mais, en tant qu’étrangers, nous ne pouvons pas arranger seuls ce qui ne fonctionne pas. Il est temps pour tous les citoyens libanais de résoudre directement tous leurs problèmes de gouvernance et économiques », a ajouté la diplomate qui a affirmé que « des décisions difficiles vont devoir être prises et (que) tout le monde va devoir assumer une partie du fardeau ».
Elizabeth Richard, en poste à Beyrouth depuis 2016, va être remplacée sous peu par Dorothy Shea, qui avait été nommée à ce poste par le président Donald Trump en octobre dernier et était le numéro deux de la mission diplomatique américaine au Caire. Elle a également été en poste au consulat US à Jérusalem, à l’ambassade américaine à Tel-Aviv ainsi qu’à celle de Tunis. Une source bien informée confie dans ce cadre à L’Orient-Le Jour que la nouvelle ambassadrice américaine ferait partie de l’aile radicale de l’administration Trump, prônant la fermeté à l’égard de l’Iran et ses alliés régionaux, notamment le Hezbollah. Bien au-delà de l’appui traditionnel de Washington au mouvement de contestation, c’est sous l’angle du contexte politique et diplomatique tendu dans lequel ils sont intervenus que les propos de l’ambassadrice américaine sont à interpréter. Les propos d’Elizabeth Richard constituent une pression supplémentaire aussi bien sur l’équipe du Premier ministre Hassane Diab que sur le pouvoir dans son ensemble, estiment certains milieux politiques. Ce message particulièrement fort de la part de l’administration Trump intervient à l’heure où le Premier ministre peine toujours à faire ses premiers pas sur la scène internationale, notamment auprès des pays du Golfe. Contrairement aux attentes du chef du gouvernement, les monarchies arabes ne l’ont toujours pas accueilli en sa qualité de Premier ministre. De source diplomatique arabe, on apprend que Riyad aurait fait comprendre aux cercles proches de M. Diab qu’il serait le bienvenu dans le royaume wahhabite s’il souhaite effectuer la omra, le petit pèlerinage, mais qu’il n’est pas question, du moins pour le moment, d’entretiens avec les hauts responsables politiques. Des informations qu’une source diplomatique arabe contactée par L’OLJ confirme, en soulignant qu’en dépit de sa volonté d’entamer sa tournée à l’étranger par les monarchies du Golfe, M. Diab n’a toujours pas reçu d’invitation officielle de la part de ces pays. Seul le Qatar serait disposé à le recevoir, mais lui aurait conseillé de se rendre à Riyad, selon cette source.
(Lire aussi : Nassif Hitti vendredi à Paris, pour un début de pourparlers autour de la crise au Liban)
Hariri à Riyad et Hitti à Paris
M. Diab s’est déjà entretenu à deux reprises avec l’ambassadeur du Qatar, Mohammad Hassan Jaber al-Jaber, comme il a reçu mardi l’ambassadeur de Syrie à Beyrouth, Ali Abdel Karim Ali, qui n’avait pas mis les pieds au Grand Sérail du temps de l’ancien Premier ministre Saad Hariri.
Ce dernier se trouvait pour sa part hier en Arabie saoudite, selon une source informée, sachant qu’il s’était d’abord rendu, jeudi dernier, aux Émirats arabes unis où il a rencontré l’homme fort du pays, Mohammad ben Zayed.
Face à la difficulté qu’affronte Hassane Diab pour s’imposer sur la scène internationale, la France semble être un des rares pays à se montrer attachés à aider le Liban. Le ministre des Affaires étrangères, Nassif Hitti, se rendra donc dans la capitale française demain vendredi, pour y rencontrer son homologue, Jean-Yves Le Drian. Le chef de la diplomatie participera ensuite au Caire à une réunion qui se tiendra sous les auspices de la Ligue arabe mardi et mercredi prochains, avant de prendre part en mars à une réunion des ministres européens des Affaires étrangères à Bruxelles, selon l’agence al-Markaziya.
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Merci Madame l'Ambassadrice. Vous dites ce que pensent 90% des Libanais mais ne peuvent pas le dire. Il y a deux Présidences au Liban. Il y a deux Etats au Liban, deux armées, des doubles-ports,des doubles-douanes, des doubles-aéroports etc... Cela ne marche plus ! Cela a trop duré, 15 ans sans les "frata" c'est beaucoup. Thank you.
20 h 07, le 27 février 2020