Le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin estime que le Liban doit « faire les choix difficiles » pour obtenir l’aide du FMI. Yuri Gripas/Reuters
La délégation du Fonds monétaire international (FMI) arrivée il y a une semaine à Beyrouth et qui avait prévu de repartir hier a finalement décidé de prolonger son séjour au Liban. L’ONU espère de son côté que l’organisation de Bretton Woods fournira bien son assistance aux dirigeants libanais pour les aider à surmonter la grave crise économique et financière que traverse le pays. Selon des sources proches du dossier contactées par Reuters, les experts du FMI, qui étaient initialement venus pour étudier la réalité de la situation sur place, prévoient désormais de poursuivre leur mission d’observation jusqu’à ce que le gouvernement du pays décide ou non de solliciter une assistance technique fournie par l’organisation. Une décision inattendue qui survient au terme de quatre jours de réunions qualifiées de « positives » par ses membres avec plusieurs responsables libanais, dont le Premier ministre Hassane Diab, le président du Parlement Nabih Berry ou encore le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé.
Réunion avec Kanaan et Jaber
Ces échanges se sont poursuivis hier au Parlement avec le député Ibrahim Kanaan, qui préside la commission parlementaire des Finances et du Budget, et son collègue Yassine Jaber, qui est à la tête de celle des Affaires étrangères. Selon M. Kanaan, les discussions ont porté sur « les projets de réformes et les recommandations de la commission des Finances depuis 2010 » concernant la réduction du déficit public, le gaspillage et la corruption au sein de l’administration ou encore le contrôle des comptes publics.
Le Liban, qui a vécu depuis le 17 octobre au rythme des manifestations populaires contre les dirigeants politiques jugés corrompus, voire incompétents, traverse la plus grave crise économique et financière qu’il a connue depuis les années 1990. La dette publique a avoisiné les 92 milliards de dollars en 2019, soit plus de 150 % du PIB, lequel s’est déjà contracté de 4 % au premier semestre. Une tendance qui n’a aucune chance de s’inverser sur la seconde moitié de l’année, marquée par les restrictions adoptées par les banques depuis fin août, notamment sur les transferts à l’étranger et les retraits d’espèces en dollars.
Des mesures qui ont un peu plus paralysé l’activité des entreprises et gonflé le taux livre/dollar chez les changeurs à un niveau supérieur à 2 000 livres depuis fin novembre – la parité officielle de 1 507,5 livres a en revanche été maintenue pour les transactions bancaires. Le pire resterait enfin à venir pour le pays qui fait face à une inflation dans les prix de nombreux produits et à une hausse du chômage qui s’annonce massive et qui pourrait faire basculer de nombreux Libanais dans la pauvreté.
(Lire aussi: Pourquoi le Hezbollah a peur du FMI)
Tweets de Kubis
La gravité de la situation a en tout cas convaincu le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU, Jan Kubis, d’exhorter sur Twitter le FMI à assister les autorités libanaises dans la mise en place des mesures et réformes « difficiles mais nécessaires » pour redresser la situation de façon durable et « socialement responsable ». Le responsable onusien a en outre indiqué que le gouverneur de la Banque centrale fournissait « désormais » au gouvernement des éléments « factuels » sur la situation du pays, y compris au niveau des liquidités disponibles. « Une transparence totale, également auprès du public, est nécessaire pour expliquer les raisons des mesures envisagées, après la fin de la mission de la délégation du FMI », a-t-il enfin noté, avant de s’exprimer sur d’autres sujets (voir pages 2 et 4).
Si le Liban ne semble plus pouvoir se passer du soutien du FMI pour sortir de la crise, il devra cependant être prêt à « faire les choix difficiles » pour rendre ce scénario possible, a soutenu pour sa part le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin dans un entretien à la chaîne américaine CNBC diffusé dans la nuit de dimanche à lundi. « Le Liban est un pays où nous aimerions que règne la stabilité économique et financière », a ajouté le responsable américain, dont le pays est le plus gros contributeur de l’organisation et y possède un droit de veto. « Il ne s’agit pas à proprement parler de plan de sauvetage, mais de la mise en place d’un programme économique faisant en sorte que la dette devienne soutenable. Le FMI est là pour soutenir l’économie et les responsables politiques, si ces derniers sont prêts à faire les choix difficiles, ce qui serait bon pour le Liban », a-t-il de plus estimé.
Enfin, en déplacement à Abou Dhabi, le ministre français de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire a assuré que la France étudiait des options pour aider le Liban à se remettre de sa crise financière, n’excluant pas le fait que ce soutien se fasse par le biais d’un programme du Fonds monétaire international, si Beyrouth le souhaite. Le ministre français a en outre affirmé aux journalistes qui l’ont rencontré sur place – et où il a par ailleurs annoncé que le fonds souverain d’Abou Dhabi, Mubadala, allait investir un milliard d’euros dans le nouveau fonds d’investissement français Lac d’argent – qu’il avait discuté de la situation du pays du Cèdre avec des responsables aux Émirats arabes unis.
Dimanche, Bruno Le Maire avait déjà affirmé à Reuters que son pays était prêt à soutenir financièrement le Liban, dans un cadre bilatéral ou multilatéral, tout en appelant à ne pas mélanger le « rétablissement » du pays du Cèdre et la question de l’Iran. Il était alors présent à Riyad pour participer à une réunion des responsables du G20, en marge de laquelle les autorités saoudiennes ont également fait savoir qu’elles envisageaient d’aider le pays à surmonter la crise, à condition que ce dernier lance les réformes – assainissement des finances publiques ou encore restructuration de l’économie – qu’il s’était engagé à lancer lors de la conférence de Paris d’avril 2018 (la CEDRE).
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Eleni Caridopoulou
23 h 48, le 25 février 2020