Rechercher
Rechercher

Politique - Polémique

« Est-ce vraiment le moment pour le Premier ministre d’accorder un poste à son épouse ? »

Claudine Aoun Roukoz, présidente de la Commission nationale de la femme libanaise, rappelle que la nomination de Nuwar Mawlawi Diab à la vice-présidence de l’institution est un « usage », mais aussi « une procédure normale et protocolaire ».

Nuwar Mawlawi Diab est professeure universitaire de traduction. ANI

La décision du Premier ministre, Hassane Diab, de remplacer la vice-présidente de la Commission nationale de la femme libanaise, Abir Chebaro Ibrahim, par sa propre épouse, Nuwar Mawlawi Diab, suscite un tollé. Le décret présidentiel est daté du 18 février. Il porte les deux signatures du chef de l’État, Michel Aoun, et du Premier ministre. En temps normal, cette nomination qui se veut procédurale, n’aurait pas fait réagir, d’autant que Mme Diab est une professeure d’université respectée, experte dans le domaine de la traduction. Car depuis sa création en 1998, la CNFL, qui vise à promouvoir l’égalité des genres et les droits des femmes au Liban, est généralement présidée par l’épouse du chef de l’État, et ses deux vice-présidentes ne sont autres que l’épouse du président du Parlement et celle du Premier ministre. Il s’agit certes d’un usage voire d’une tradition, car la loi qui régit le fonctionnement de la CNFL (720 du 5/11/1998), sur recommandations de la société civile à l’époque, indique que le chef de l’État doit nommer à la présidence « la femme de son choix » et que l’assemblée générale de la commission doit être formée « d’expertes sur la question des femmes ».


Institutionnaliser le travail pour la cause

Le 1er juin 2017, la nomination à la présidence de cette commission, et pour un mandat de trois ans, de Claudine Aoun Roukoz, fille du président de la République, bouleverse donc quelque peu la coutume. Randa Berry, épouse du président du Parlement, Nabih Berry, se fait alors représenter par l’ancienne ministre Wafa’ Dika Hamzé, et le Premier ministre, Saad Hariri, par Abir Chebaro, sa conseillère pour les affaires des femmes. Sauf qu’à deux mois et une semaine de la fin du mandat de la commission, le 31 mai prochain, la décision du Premier ministre fait grincer des dents. La principale intéressée, Abir Chbaro, regrette à L'Orient-Le Jour « cette façon de traiter avec des personnes bénévoles qui ont à coeur l'intérêt public ». Déplorant le « népotisme, les usages au détriment du respect des lois et de l'embauche au mérite », elle estime nécessaire « d'institutionnaliser le travail pour la cause féminine » et de « créer donc un vrai ministère pour les femmes ». Quant à la société civile et les membres du soulèvement populaire, ils sont bien décidés depuis le 17 octobre 2019 « d’en finir avec le népotisme et les femmes de… ». Et ce d’autant qu’il s’agit selon eux de la « première décision » du Premier ministre, dans un contexte de faillite du pays, d’accroissement dramatique de la pauvreté et de contestation populaire. « Le pays est en perdition et les Libanais protestent dans la rue depuis quatre mois contre cette classe politique, son clientélisme et ses affaires de famille », note une militante féministe qui préfère garder l’anonymat. « Et même si la décision n’a rien d’illégal, est-ce vraiment le moment pour le chef du gouvernement d’accorder un poste à son épouse ? » demande-t-elle.


Alors que la population réclame des réformes...

Soucieuse de dédramatiser la décision du Premier ministre, la présidente de la CNFL, Claudine Aoun Roukoz, rappelle à L’OLJ et sur le site web de l’institution qu’il s’agit « d’une procédure normale et protocolaire » annoncée par décret à chaque changement de gouvernement. Une procédure avec laquelle elle-même n’a « rien à voir », d'autant qu'elle a proposé à Mme Chbaro de poursuivre sa collaboration avec la CNFL si un budget était alloué. « Chaque fois qu’un Premier ministre est nommé, il nomme à son tour son épouse à la vice-présidence de la commission », affirme-t-elle, précisant qu’il s’agit d’un rôle bénévole. « Seul Saad Hariri n’avait pas chargé son épouse du poste, mais nommé Abir Chebaro », précise-t-elle. Même si elle révèle « œuvrer à l’indépendance totale de l’institution » qu’elle préside, dans une volonté d’institutionnaliser et de professionnaliser l’engagement de la CNFL auprès des femmes du Liban, Mme Aoun Roukoz souligne que « la nomination de Mme Diab est conforme à l’usage ».

Mais les féministes ne l’entendent pas de cette oreille et font part de leur volonté d’en finir avec ces traditions. « L’usage ne justifie pas cette mesure », dénonce sur Twitter Carmen Geha, rappelant que l’esclavage était une coutume et une loi dans l’histoire de l’humanité. « Se cacher derrière le népotisme pour renforcer la représentation communautaire au sein de la CNFL est une des raisons qui m’ont poussée à la démission », ajoute cette ancienne membre de la commission. Même niet de Laury Haytayan, ancienne candidate aux législatives et membre de la révolte populaire. « Cet usage ne nous plaît pas du tout. Il faut le changer, martèle-t-elle. Non, aux femmes de présidents au sein de la commission ! » Contactée par L’OLJ, Lina Abou Habib, attachée supérieure de politiques à l’Institut Issam Farès de l'Université américaine de Beyrouth, tient le même discours. « Alors que nous fuyons le népotisme et que la population réclame des réformes, l’épouse du PM vient évincer à la vice-présidente du CNFL une experte dans les questions féministes, active, performante et honnête, sous prétexte qu’il s’agit d’un usage », fulmine la militante, se demandant avec ironie s’il s’agit là des réformes promises par le pouvoir.



Pour mémoire

Abir Chebaro, militante féministe et fière de l’être

La décision du Premier ministre, Hassane Diab, de remplacer la vice-présidente de la Commission nationale de la femme libanaise, Abir Chebaro Ibrahim, par sa propre épouse, Nuwar Mawlawi Diab, suscite un tollé. Le décret présidentiel est daté du 18 février. Il porte les deux signatures du chef de l’État, Michel Aoun, et du Premier ministre. En temps normal, cette nomination qui se veut...

commentaires (20)

"Pourquoi changer un système qui gagne ?" Et il faudrait donner sa confiance ? ???????

Brunet Odile

10 h 07, le 23 février 2020

Tous les commentaires

Commentaires (20)

  • "Pourquoi changer un système qui gagne ?" Et il faudrait donner sa confiance ? ???????

    Brunet Odile

    10 h 07, le 23 février 2020

  • C'est choquant et péjoratif pour l'épouse du premier ministre. Et surtout préjudiciable pour la cause des femmes dans ce pays...

    Alexandre Husson

    00 h 34, le 23 février 2020

  • Une procédure normale et protocolaire et passons à autre chose plus utile .

    Antoine Sabbagha

    18 h 05, le 22 février 2020

  • On prend les mêmes et on recommence, en dépit du fait que cette nomination ne soit pas fondamentale.. il est détestable de remarquer le degré de similitude génétique entre ...tous ces politiciens qui font de la république une chasse gardée... Ne pourrait on, donc, faire de la politique si l'on n'est pas fils, frère, femme ou gendre de...a se demander comment Mme Yacoubian a t elle pu remporter les élections parlementaires

    C…

    18 h 03, le 22 février 2020

  • Il n'y a pas de quoi fouetter un chat. Le poste est honorifique et bénévole. Passez à autre chose infiniment plus important comme le pill

    Un Libanais

    16 h 22, le 22 février 2020

  • Il n'y a oas de quoi fouetter un chat. Il s'agit d'une mission honorifique et bénévole. Passez à autre chosqe bea

    Un Libanais

    16 h 18, le 22 février 2020

  • C’est juste pour nous montrer qu’il est sur le chemin de ses précédents dans tout et partout. Message reçu.

    Sissi zayyat

    15 h 48, le 22 février 2020

  • Je cherche ma place... - Qui est Claudine Aoun Roukoz, présidente de la CNFL? - Elle est la fille du Président et épouse de Chamel Roukoz, député au PL. - Qui est C. Roukoz? - Le beau-fils du PR, M.A.. - Qui est Nuwar M. Diab, V-P de la CNFL? - L’épouse du PM Diab - Qui est G. Bassile, député du PL et ex min. des AE? - Le beau-fils du PR, M.A. - Qui est S. Hariri, ex PM et chef de file des sunnites? - Le fils de R. H.. ex PM et ex chef du même parti. - Qui est S. Gemayel, chef des Kataeb? - Le fils d’A. G., ex PR et ex chef des Kataeb. - Qui est A.G.? - Le fils de P.G., ex chef des Kataeb - Qui est T. Franjieh, député au PL? - Le fils de S. F., ex député du PL/chef des Maradas - Qui est S.F., chef des Maradas? - Le fils de T.F., ex dép./ex chef des Maradas - Qui est T.F., ex député et ex chef des Maradas? - Le fils de S. Franjieh, ex PR - Qui est Taymour, chef de la communauté druze et député au PL? - Le fils de W. Joumblatt, ex dép. du PL et chef du PSP - Qui est W.J., ex député du PL et actuel chef du PSP? - Le fils de K. J., ex député du PL/chef du PSP - Qui est T. Arslan, député du PL, ex min. et actuel chef du PDL? - Le fils de M. Arslan, ex homme politique - Qui est M. Moawad, député et chef du bloc Liban Fort? - Il est le fils de R.M., ex PR libanaise et de N.M., ex députée du PL et ex ministre. - Et toi qui es-tu? - Je suis le fils d’un ancien serveur de restaurant… et cherche ma place dans la république.

    Hippolyte

    15 h 44, le 22 février 2020

  • Imprudence inutile

    Lecteur excédé par la censure

    14 h 57, le 22 février 2020

  • QUELLE BONNE NOUVELLE....ELLE VA SAUVER LE LIBAN.....WOW WOW WOOOOOOW.

    Gebran Eid

    14 h 37, le 22 février 2020

  • Dans toute société, la femme en est biologiquement l'origine ( même s'il y a des ratés comme la race de corrompus dont notre pays a hérité. C'est une fierté de voir la femme libanaise s'impliquer et prend sa part de décision dans cette société. Jugeons les aux actes, contrairement à cette clique de politiques qui est vacciné contre tout jugement.Sans oublier malheureusement qu'elles sont courageuses car lorsqu'un homme dérape on ferme les yeux et on trouve cela normal, par contre lorsqu'une femme faute, malheur à elle. Aller les femmes.

    Citoyen

    13 h 24, le 22 février 2020

  • Il faut se féliciter du rôle, souvent étouffé, de l'implication et de l'apport de la femme libanaise à la société. Il faut pas oublier c'est la femme, dans notre société, comme datoute société d'ailleurs,

    Citoyen

    13 h 19, le 22 février 2020

  • Quel débat emmerdant pour un poste bénévole et protocolaire ! Dans tous les pays , les premières et deuxièmes dames de la nation dirigent des institutions bénévoles ! Quel gâchis, quelle perte d'énergie , vous n'avez pas honte ,messieurs de L'Orient-le-Jour de vous en mêler ? Il est temps de passer aux choses sérieuses et de ne pas vous montrer mauvais perdants , c'est bien anthipatique !

    Chucri Abboud

    12 h 50, le 22 février 2020

  • TOUT EST ET DEVIENT PRATIQUE DANS CE PAYS... LA CORRUPTION ET LES VOLS EN TETE ETC... ETC... ETC...

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 45, le 22 février 2020

  • "Expertes dans le domaine de la traduction" et "Expertes sur la question des femmes" sont donc synonymes ??? Comme "Expert en Agriculture" et "Expert en culture" ??? N'importe quoi ...

    Remy Martin

    10 h 32, le 22 février 2020

  • Ce n'est pas mal d'impliquer l'épouse du PM dans la vie politique d'autant plus que le poste est bénévole, non rémunéré. Il est vrai cependant que la décision aurait pu attendre quelques semaines et lui trouver un scénario du style que l'actuelle responsable sunnite démissionne "pour des raisons personnelles"

    Shou fi

    10 h 14, le 22 février 2020

  • Dites, Mesdames les "rouspéteuses féministes"...l'essentiel dans tout ce bruitage, n'est-ce pas le résultat du travail de ces dames, qu'elles soient épouses de, fille de, parente de, ou appartenant à telle communauté ? Pourquoi toujours mentionner la communauté ou religion, alors que justement nous essayons d'éliminer ce fléau typiquement libanais ??? Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 51, le 22 février 2020

  • En effet, il aurait mieux valu attendre la fin très proche du mandat...

    NAUFAL SORAYA

    07 h 55, le 22 février 2020

  • bof... Madame s'amuse et veut jouer dans la cour des grands pendant que Monsieur essaie de se donner une crédibilité perdue. Ses parrains de la classe politique n'attendent que "sa chute" pour démontrer que "seuls" eux sont la solution. Le gag en effet :)

    LE FRANCOPHONE

    03 h 04, le 22 février 2020

  • Cela s’appelle du népotisme, une pratique de corruption courante que nous déplorons et condamnons ! Kafa !

    Dounia Mansour Abdelnour

    00 h 40, le 22 février 2020

Retour en haut