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D’abord circonscrire l’incendie

Le temps presse, il y a péril en la demeure… Et lorsqu’il y a le feu au logis, on commence par circonscrire, en toute priorité, le sinistre afin d’empêcher qu’il ne s’étende, pour pouvoir, dans une deuxième étape, l’éteindre et ensuite entamer le nettoyage et la reconstruction. Schématiquement, telle est la situation à laquelle sont aujourd’hui confrontés le pays et le nouveau gouvernement.

Dans la perspective du débat de confiance prévu aujourd’hui, le mouvement de révolte lancé le 17 octobre a réitéré plusieurs fois ces derniers jours qu’il rejetait le cabinet Diab. Une position totalement justifiée sur le plan du principe. Dans la pratique toutefois, et eu égard à la conjoncture à laquelle sont confrontés les Libanais au quotidien, le pragmatisme est aujourd’hui un passage obligé afin d’éviter que le sinistre ne gagne en ampleur, ce qui entraverait les efforts visant à amorcer à très court terme le long processus de redressement. On ne discute pas du nouveau décor d’intérieur d’un édifice ravagé par les flammes avant d’éteindre d’abord le feu.

Certes, ce serait faire preuve de mauvaise foi que de ne pas admettre que le nouveau Premier ministre a été désigné et que le cabinet a été mis sur pied par ceux-là mêmes qui sont responsables dans une large mesure de la catastrophe économique et financière qui ébranle le pays. Ce serait faire preuve d’une mauvaise foi tout aussi répugnante que de ne pas reconnaître que « l’œil » du Hezbollah est là à « regarder » l’action des ministres. Il serait illusoire aussi de penser que les factions politiques qui ont, au fil des ans, pillé l’État sont revenus subitement, l’espace d’une centaine de jours, à de meilleurs sentiments. Tout cela est vrai, et les frondeurs ont raison de le rappeler sans cesse, quotidiennement, sur les places publiques.

Mais… Il est une réalité, incontournable, que l’on ne saurait négliger. La population n’est plus en mesure, matériellement et dans sa vie quotidienne, de se cantonner aux seules positions de principe. Le sinistre fait rage. Il faut, en priorité, le circonscrire, le maîtriser puis l’éteindre avant qu’il ne détruise tout l’édifice. Torpiller le débat de confiance et faire chuter le cabinet actuel reviendraient à commettre la même erreur stratégique que les dirigeants arabes s’obstinent à perpétrer depuis des décennies : être toujours en retard d’une solution en rejetant d’office un règlement proposé et se retrouver plus tard confrontés à une solution bien pire que celle qui avait été rejetée. Dans le cas de figure qui se présente aujourd’hui, le cabinet Diab est, à n’en point douter, loin de satisfaire les critères réclamés haut et fort, à juste titre, par la contestation. Mais si le mouvement de fronde provoque sa chute, le risque est grand que la spirale de l’effondrement échappe à tout contrôle ou que les forces (très peu) occultes imposent une équipe qui nous ferait regretter celle que l’on diabolise actuellement.

Cela ne signifie aucunement qu’il faut baisser les bras, se soumettre au fait accompli et mettre une sourdine au soulèvement. Bien au contraire… La contestation doit désormais, pour aboutir sans tarder à des résultats palpables, fixer des objectifs ponctuels, bien précis, soigneusement étudiés à l’avance, dans un double but : d’une part, faire pression dans la rue pour amener l’équipe ministérielle en place à adopter des mesures concrètes et rapides susceptibles d’amorcer le processus de redressement; et d’autre part, jouer un rôle de watch-dog en dénonçant, chiffres et faits à l’appui, toute déviation ou dérapage dans la gestion des affaires publiques.

Face à l’urgence de la situation, ce sont donc sur des objectifs salvateurs et réalisables à court terme que la contestation devrait axer son potentiel et ses efforts, sans relâcher la pression dans la rue. Et dans ce cadre, elle peut bénéficier d’appuis inattendus. L’importante (et vitale) homélie de l’archevêque maronite de Beyrouth, Mgr Boulos Abdel Sater, à l’occasion de la messe traditionnelle de la Saint-Maron, en présence des pôles du pouvoir, constitue à cet égard un soutien moral inestimable. Le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, n’a pas été en reste en invitant les frondeurs qui remplissent les places publiques à être « le flambeau » qui éclaire la conscience des responsables. Sans compter au passage les précédentes homélies du métropolite de Beyrouth, Mgr Élias Audi.

Une autre réalité, bien plus amère, ne peut être en outre occultée… Pour ceux qui vivent dans une situation de misère dépassant les frontières du tolérable (et ils sont nombreux), il est incontestable que le langage du pragmatisme et l’approche rationnelle sont difficilement recevables et audibles. Cela est vrai, légitime et compréhensible. L’archevêque Abdel Sater a d’ailleurs lancé dans son homélie un véritable cri d’alarme à ce propos. Il reste que si l’on désire stopper rapidement l’effondrement généralisé et amorcer à très brève échéance un début de redressement, une seule voie – réaliste – s’offre aujourd’hui à nous : une action combinée et coordonnée entre la contestation dans la rue et la forte opposition parlementaire qui prend forme autour de grandes formations politiques. Avec désormais en prime une nouvelle donne de taille : l’inestimable et crucial soutien moral de certains chefs spirituels de poids.

Le temps presse, il y a péril en la demeure… Et lorsqu’il y a le feu au logis, on commence par circonscrire, en toute priorité, le sinistre afin d’empêcher qu’il ne s’étende, pour pouvoir, dans une deuxième étape, l’éteindre et ensuite entamer le nettoyage et la reconstruction. Schématiquement, telle est la situation à laquelle sont aujourd’hui confrontés le pays et le...

commentaires (9)

Le nouveau premier ministre est un homme déterminé et tenace qui n'est pas prêt à lâcher ou à renoncer aux promesses et résolutions prises après sa nomination . Il faut y croire jusqu'à preuve du contraitre puisque ,de toute façon, le pays n'a plus rien à perdre .

Hitti arlette

15 h 43, le 11 février 2020

Tous les commentaires

Commentaires (9)

  • Le nouveau premier ministre est un homme déterminé et tenace qui n'est pas prêt à lâcher ou à renoncer aux promesses et résolutions prises après sa nomination . Il faut y croire jusqu'à preuve du contraitre puisque ,de toute façon, le pays n'a plus rien à perdre .

    Hitti arlette

    15 h 43, le 11 février 2020

  • Leçons pour apprentis pompiers de La Défense civile

    Hitti arlette

    15 h 31, le 11 février 2020

  • Je salue la lucidité contrôlée de Mr Touma . Je me demande même si en parlant du vide, du pragmatisme etc... il ne reconnaîssait pas que ce soulèvement très vite qualifié de "revolution" était une grosse erreur qu'il fallait rectifier au plus vite. Les libanais ont été poussés à se tirer une balle dans le pied, pour remédier à cette bêtise rien de tel pour limiter les dégâts que de composer avec les autorités idoines, seules, avec une solidarité marquée du peuple libanais, à pouvoir redresser la situation. Avec toutefois une réorientation de nos alliances vers des jours nouveaux .

    FRIK-A-FRAK

    11 h 45, le 11 février 2020

  • JE CONSEILLE DEPUIS DES JOURS AUX CONTESTATAIRES DE CONSTITUER UN COMITE DE SUIVI ET DE FORMER UN GOUVERNEMENT DE L,OMBRE. SEULEMENT AINSI ILS POURRAIENT CONTINUER A JOUER SUR L,ECHIQUIER POLITIQUE DU PAYS SINON LEURS MANIFESTATIONS ET CRIS DANS LES RUES SONT PEINE VAINE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 03, le 11 février 2020

  • Cet appel du prelat de Beyrouth me semble dirige contre les responsables politiques aussi bien que certains responsables religieux

    Allam Charles K

    10 h 30, le 11 février 2020

  • C'est très beau de dénoncer le vide du pouvoir et de prêcher le pragmatisme et l'acceptation de solutions intermédiaires imposées par les pourris qui tiranisent le peuple. Mais nous savons tous que dans ce pays tout ce qui est temporaire devient définitif. Et le fait de céder à la peur du vide et du chaos peuvent nous coûter des annees supplémentaires de souffrance et de misère. Puisqu'il est évident que le pouvoir actuel n'a pas l'intention d'améliorer la situation, bien au contraire ils veulent exécuter leurs plans de destruction continu et imposer leurs lois pour se protéger contre la justice, forts de leur immunité politique pour échapper à tout jugement pour les forfaits commis tout au lond de ces décennies. Sinon ils auraient accepter qu'un nouveau premier ministre non partisan et un gouvernement technocrate. Mais cela aurait torpilléleur projets malsains. Il n'y a qu'à lire la feuille de route du nouveau gouvernement pour savoir que leurs intentions futures ne vont pas dans le sens du redressement financier ni de l'amélioration de la vie quotidienne des citoyens. Il vaut mieux prévenir que guérir, c'est ça le pragmatisme et non de laisser s'installer à nouveau la même équipe pourrie qui nous a dépouillé et ruiné cela relève de la naïveté puisque nous n'aurons aucun recours une fois que nous leur avons donné carte blanche pour continuer.

    Sissi zayyat

    10 h 01, le 11 février 2020

  • A quand le tour d'un religieux Sunnite ou Chiite pour denoncer le pouvoir politique pour le tort qu'il a fait aux Libanias ?

    EL KHALIL ABDALLAH

    09 h 30, le 11 février 2020

  • Très pertinent et réaliste votre article, Mr Touma! En effet, au point où on en est, il faut faire preuve de pragmatisme et accepter le fait accompli de ce gouvernement de bonnes têtes de marionnettes manipulées dans les coulisses par la même clique occulte. Oui, il faut circonscrire cette descente aux enfers en laissant faire cette équipe en surveillant de près ses agissements avec une opposition aux aguets et que la contestation se fixe un leadership précis et un programme détaillé qui sera la référence pour juger toute déviation des requêtes de la rue... Seul bémol: je déplore l’hypocrisie du clergé et de leurs chefs qui, soudain, se retrouvent des vertus moralisatrices en face des pôles du pouvoir, alors qu’ils étaient bien silencieux devant la misère des gens, que leurs couvents, églises et organismes multiples n’ont même pas délié leurs bourses pour venir au secours des plus démunis, dans le pur message de l’amour et de la charité chrétienne... D’autant qu’ils possèdent une richesse inestimable, autant foncière (le wakf) que pécuniaire et n’ont jamais dénoncé la corruption ambiante, ni les injustices sociales et, au contraire, avaient bien profité de cette situation confessionnelle, tribale et féodale du pays... On va peut-être composer avec cet appui “moral” pour l’instant, mais, croyez-moi, seul un état séculaire et laïc pourra sauver le pays dans l’avenir!

    Saliba Nouhad

    02 h 50, le 11 février 2020

  • Cent pour cent d'accord ! Enfin un article raisonnable ! Rien de plus dangereux que le vide du pouvoir , surtout dans un pays comme le nôtre où chaque personne a la gachette facile ! Le plan/deal du siècle nous guette , et il faut avoir l'esprit alerte : A la moindre diversion , le spectre l'implantation et de l'armement des réfugiés syriens et palestiniens renverserait toute la donne ! L'incendie doit être étouffé immédiatement et la révolution s'accorder un répit .

    Chucri Abboud

    02 h 25, le 11 février 2020

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