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Lifestyle - Télé-nostalgie

Gaby Lteif : Pendant 11 ans de guerre, j’ai dû donner de l’espoir

Il aura fallu du temps et beaucoup de courage pour que la présentatrice vedette de Télé-Liban apprivoise Paris et l’anonymat.


Gaby Lteif, toujours aussi coquette... Un physique et une personnalité.

Gaby Lteif, star de Télé-Liban, la femme qui a inventé la mode et le look sur le petit écran, a eu deux vies, deux carrières. Acculée à quitter le Liban en 1986 en raison de la guerre qui s’intensifiait, elle s’est installée à Paris pour entamer une carrière à RMC-Doualiya, s’ouvrant au monde arabe et sa culture à travers plusieurs programmes, notamment L’autre visage, Sans masque et Le salon parisien. Comme tous ses compatriotes contraints de partir à l’étranger, la présentatrice vedette de Télé-Liban a porté en elle le Liban comme une morsure silencieuse. Une présence.

« Ma relation avec le Liban est charnelle. J’y ai grandi, et y ai connu la paix et la guerre. Jamais je n’aurai imaginé vivre loin de Beyrouth, cette ville où je me sens encore enracinée. Derrière le petit écran, j’ai tenu pendant 11 ans de guerre. Il fallait réinventer un sourire et de l’espoir à chaque fois que j’avais rendez-vous avec le public. C’était en contradiction totale avec la peur vécue au quotidien », confie Gaby Lteif.

Témoin d’un Liban qui se détruit de jour en jour, sa vie, alors réglée au rythme des obus, est pétrifiée par la peur. En 1985, ayant de plus en plus de mal à prendre le volant pour se frayer un chemin entre les obus et arriver saine et sauve à destination, ne voyant aucune lueur d’espoir, elle décide d’accepter une offre à RMC-Doualiya (RMC Moyen-Orient à l’époque) et s’envole pour Paris avec sa mère.

« J’ai dû refaire ma vie et me réinventer », confie-t-elle. Ainsi, à peine arrivée dans la capitale française, elle entame son nouveau travail et s’inscrit à la Sorbonne, où elle décroche un master 2 en journalisme culturel. Il lui aura fallu plus de deux ans pour s’adapter à ses nouvelles contraintes. À Paris, tout lui manque, le ciel bleu et le soleil surtout. Les premiers temps sont pénibles. « Je devais apprendre à vivre dans l’anonymat, me créer d’autres gestes avec ma voix pour toute présence, loin de toute coquetterie. M’habiller simplement, oublier les boucles d’oreilles et les coiffures de la télévision, et réussir mon métier de journaliste ! »

Elle se construit ainsi une nouvelle carrière et de là une nouvelle existence, et puise son courage dans le succès qu’elle connaît au travail. « Je ne voulais pas être esclave de mon physique et de mon look, comme je l’avais été durant les années télé, mais vivre mon métier d’une façon plus “intellectuelle” et plus globale. Grâce à mon travail, aux immenses possibilités qui se sont ouvertes à moi à RMC-Doualiya et à Paris, qui est la ville de la culture par excellence, j’ai découvert le monde arabe, j’ai travaillé avec des collègues de toutes les nationalités, j’ai évolué différemment », raconte-t-elle. Gaby Lteif, qui aurait aimé interviewer… Gebran Khalil Gebran, publie un livre en 2010 intitulé Bassamat aala el-hawa’ – Empreintes sur les ondes où elle reprend les entretiens radio de seize personnalités qu’elle avait interviewées.


Responsabilité et rigueur

De son passé à Télé-Liban, elle se souvient que « c’était une expérience à plusieurs volets : le volet découverte, le volet apprentissage et celui de la maturité. Au Liban, j’ai appris le métier par observation et à travers la pratique. J’ai surtout appris la rigueur, la responsabilité face au public et l’importance de ma mission. Techniquement, j’ai aimé la caméra et elle me l’a bien rendue. Elle exerçait une sorte de magie sur mon visage et mon âme ».

Et pourtant, « à 18 ans, dit-elle, je rêvais d’écrire. Mais ma décision de partir en France pour suivre des études de philosophie et de psychologie à la Sorbonne a été balayée par mes parents, inquiets de me laisser seule dans un pays étranger. Pour se faire pardonner, mon père, conseillé par Adel Malek, journaliste, analyste politique et l’un des pionniers de Télé-Liban, me propose de suivre un stage à la télévision libanaise, les canaux 5 et 11 de Hazmieh, en tant qu’animatrice. J’ai hésité avant de finalement tenter l’aventure ».

C’était en 1973, elle collabore alors avec lui et avec Jean Khoury, Albert Kilo, Nicolas Abou Samah, Ibrahim Kawar, Riad Charara, Issa Sabbagh, Charles Rizk, Ramez Rizk, Leila Rustom, Noha Khatib Saadé, Marie Badine Abou Samah, Elsy Fernaini, Charlotte Wazen Khoury, Hind Abillama, Jeanne d’Arc Fayad et d’autres noms de la télévision libanaise. « Grâce à Télé-Liban, j’ai eu le sens des responsabilités et je me suis forgée ma place dans la société en tant que femme. La télévision a changé ma vie, chaque mot que je disais était pensé et réfléchi. Je misais aussi sur mon physique et je soignais tout méticuleusement. »

Gaby Lteif est restée humble, coquette, appréciant les personnes qui lui ressemblent et les choses simples de la vie, acceptant le destin avec ses bonnes et ses mauvaises surprises. « En fait j’ai eu deux vies qui ne se ressemblent pas. »

Deux fois par an, elle vient humer le parfum de son pays. Revoir la couleur du ciel, retrouver les choses qui lui manquent encore. « Je suis consciente de la situation économique, de ces choses inadmissibles comme l’absence d’assurance vieillesse, les coupures d’électricité, les ordures et j’en passe… »

Soutenant pleinement le soulèvement du 17 octobre, elle poursuit : « Je crois fermement au rôle que jouent les Libanais dans le monde pour soutenir leur pays en temps de paix comme en temps de guerre. Aujourd’hui, il a besoin de sa diaspora et de son appui, qui s’est manifesté dans les rues du monde entier et à travers les réseaux sociaux. Les Libanais du Liban ont fait leur révolution et la diaspora a joué son rôle partout ailleurs », note-t-elle, ajoutant : « J’aurai aimé hurler et appuyer tous les droits avortés du peuple libanais. Et surtout, faire partie du défilé historique à Beyrouth le jour de l’indépendance, en novembre dernier. Entonner haut et fort un Koullouna lil watan, à Paris ou ailleurs. »


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