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Politique - Diplomatie

Nassif Hitti aujourd’hui au Caire : un nouveau style ?

Le Liban réitérera devant la Ligue arabe sa position en faveur du droit de retour des réfugiés palestiniens.

Nassif Hitti (à droite sur la photo) et son prédécesseur durant la passation des pouvoirs, lundi dernier. Photo ANI

C’est un avant-goût de l’orientation diplomatique du nouveau gouvernement libanais que doit livrer aujourd’hui le ministre des Affaires étrangères, Nassif Hitti, à partir du Caire, où doit se tenir une réunion extraordinaire de la Ligue arabe pour examiner le plan de paix du président américain Donald Trump au Proche-Orient.

Le Liban a déjà annoncé son rejet de principe du « deal du siècle » de M. Trump, en réaffirmant sa position en faveur de l’initiative arabe de paix 2002, laquelle prévoit la reconnaissance d’Israël par les Arabes en échange d’un État palestinien dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est pour capitale. Mais avec la première épreuve diplomatique que le Liban aura à affronter après la formation du nouveau gouvernement, c’est surtout la prestation du nouveau ministre des Affaires étrangères qui sera observée à la loupe, pour voir s’il y a ou non un changement de style par rapport à son prédécesseur Gebran Bassil.

Rodé aux coulisses de la Ligue arabe et aux complexités de la région pour avoir occupé le poste de conseiller diplomatique auprès du secrétaire général de la Ligue entre 1991 et 1999, puis celui de chef de mission de la Ligue auprès de la France et de l’Unesco de 2000 à 2013, M. Hitti a déjà une longueur d’avance, qui vient s’ajouter à son brillant parcours académique dans le domaine des relations internationales.


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Sauf que le test qui l’attend aujourd’hui n’est pas une sinécure, particulièrement au sein d’une instance où les divergences entre États arabes sont monnaie courante, la surenchère également dès qu’il s’agit de se prononcer notamment sur la question palestinienne.

D’ores et déjà et à la lumière des premières positions affichées par les diverses parties, on peut écarter toute attente de voir une cohésion émaner de ce rassemblement d’intérêts disparates.

D’un côté, les Émirats arabes unis, Oman et Bahreïn, qui entretiennent des liens officieux plutôt amicaux avec Israël, se sont empressés de faire part d’une position qui se situe à mi-chemin entre l’approbation du plan et une certaine retenue, dont a plus largement fait preuve l’Arabie saoudite en prônant des négociations directes entre la Palestine et Israël sous l’égide de Washington.

L’Égypte, tout en saluant les efforts déployés par les États-Unis, a nuancé sa position en se prononçant en faveur d’« un règlement complet et juste de la question palestinienne ».

Seule la Jordanie, l’un des États les plus concernés par les effets de ce plan, et qui a d’ailleurs été écarté des négociations en amont, s’y est opposé, conservant sa position de principe en faveur de l’établissement d’un État palestinien indépendant sur les frontières de 1967, seule voie, selon Amman, pour une paix globale et durable.


(Lire aussi : Après l’annonce de Trump, la Palestine revient en tête des priorités, selon le Hezbollah, le décryptage de Scarlett Haddad)



C’est donc dans ce contexte de positions divergentes, mais aussi de tiédeur considérée comme scandaleuse par le président turc Recep Tayyip Erdogan qui a évoqué une « trahison », que le Liban devra poser ses marques, sachant que l’enjeu pour lui est de savoir s’il pourra rejoindre le giron de la majorité arabe ou pas dans le cas où la réunion de la Ligue se termine sur une note pas trop négative à l’égard du « deal du siècle ».

En quête d’approbation internationale et surtout d’aides financières susceptibles de le sortir de sa crise, le nouveau gouvernement est placé devant un défi de taille. Ne pouvant avaliser le « deal du siècle » pour des raisons principalement démographiques – le Liban ne peut accepter l’implantation des réfugiés palestiniens que le plan Trump a royalement ignorés –, la diplomatie libanaise n’a dit-on d’autre choix que de marteler sa position de soutien au droit de retour.

« Avec la problématique des réfugiés qui pèse lourd dans l’équation interne, le Liban se trouve dans une position similaire à celle de la Jordanie, qui risque de voir son entité complètement diluée par les effets générés par le nouveau plan », commente Hilal Khachan, professeur de sciences politiques à l’AUB.

Appelé à se démarquer du climat de complaisance arabe à l’égard du plan pour des raisons objectives, le Liban s’alignera probablement sur la position exprimée par la Jordanie sans nécessairement aller jusqu’à recourir à une confrontation ou opposition radicale qui pourrait être, à long terme, contre-productive auprès de futurs bailleurs de fonds. Bien que n’ayant encore reçu aucun engagement de soutien clair de la part des États arabes qui attendent que le nouveau gouvernement fasse ses preuves, la diplomatie libanaise devra ménager la chèvre et le chou, sans renoncer à sa position de principe sur la question des réfugiés.

Tout au plus, le Liban pourra demander des explications et des précisions sur l’avenir des réfugiés au Liban, en tablant sur un style « propre aux technocrates » sans pour autant sombrer dans la surenchère, croit savoir M. Khachan.

Le ministre des Affaires étrangères ne pourra d’ailleurs pas faire cavalier seul même s’il le souhaitait et se départir des forces politiques, principalement du camp du 8 Mars, qui ont parrainé le gouvernement, croient savoir certains observateurs. « Du fait également qu’il ait été nommé par l’ancien ministre Gebran Bassil, et bien qu’il ne soit pas lui-même issu du Courant patriotique libre, M. Nassif reste tenu en principe de respecter au minimum la ligne politique tracée par son prédécesseur », analyse M. Khachan.


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commentaires (2)

Pour le Liban , c'est une question EXISTENTIELLE ! de vie ou de mort , car les américains veulent nous imposer l'implantation des réfugiés palestiniens : Sinous leur donnons la nationalité libanaise , le visage du Liban changera du tout au tout . Ils nous gouverneront très bientôt et les chrétiens seront forcés de partir (au Canada encore ? ) : Les réfugiés syriens s'attendent eux aussi aux mêmes privilèges . Pour les atabes du Golfe Persique et autres , ce n'est qu'une question de vassalime pro amèricain ou de victoire sur l'échiqier politico-militaire au sein de cette guerre d'influence entre l'Iran et l'Arabie ....mais ce n'est pas du tout, comme pour le LIban et la Jordanie , une question de vie ou de mort ... Mon collègue et ami Nassif Hitti ne choisira sûrement pas la mort pour le Liban !

Chucri Abboud

12 h 43, le 01 février 2020

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Commentaires (2)

  • Pour le Liban , c'est une question EXISTENTIELLE ! de vie ou de mort , car les américains veulent nous imposer l'implantation des réfugiés palestiniens : Sinous leur donnons la nationalité libanaise , le visage du Liban changera du tout au tout . Ils nous gouverneront très bientôt et les chrétiens seront forcés de partir (au Canada encore ? ) : Les réfugiés syriens s'attendent eux aussi aux mêmes privilèges . Pour les atabes du Golfe Persique et autres , ce n'est qu'une question de vassalime pro amèricain ou de victoire sur l'échiqier politico-militaire au sein de cette guerre d'influence entre l'Iran et l'Arabie ....mais ce n'est pas du tout, comme pour le LIban et la Jordanie , une question de vie ou de mort ... Mon collègue et ami Nassif Hitti ne choisira sûrement pas la mort pour le Liban !

    Chucri Abboud

    12 h 43, le 01 février 2020

  • Bonjour, Merci pour cet article très éclairant. Je crois que Nassif est le prénom du ministre. Un prénom qu'il devra s'efforcer de bien porter, d'ailleurs (vous savez sans doute que ce mot signifie "médiateur"). J'aimerais toutefois qu'on ne prenne pas l'habitude de l'appeler Monsieur Nassif, au profit de Monsieur Hitti, car l'appellation constitué par le titre suivi du prénom est généralement réservée à son coiffeur, n'est-ce pas ? Cette initiative Trumpiano-Kushnerienne est nauséeuse.

    Nassif Pierre

    09 h 14, le 01 février 2020

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