La nouvelle est pratiquement passée inaperçue, mais elle aurait pu renverser de pied en cap la situation dans le pays. Trop pris par la couverture des événements quotidiens, notamment au sujet du gouvernement et du mouvement de protestation, les médias ne lui ont pas accordé une grande importance. Et le communiqué de la Sûreté générale, publié le 15 janvier sur l’arrestation d’un jeune terroriste qui préparait une attaque contre une ambassade occidentale à Beyrouth et qui a reconnu être affilié au groupe État islamique, n’a pas suscité un grand intérêt. Pourtant, si on creuse un peu les informations, il apparaît que le jeune I.S. ( de nationalité syrienne) préparait une attaque par le biais d’un drone contre l’ambassade américaine à Aoukar. Cette attaque aurait dû survenir au lendemain de l’assassinat du général iranien Kassem Soleimani et du responsable irakien Abou Mehdi al-Mouhandès, dans la nuit du 2 au 3 janvier à Bagdad au moyen d’un drone américain. Ce qui aurait forcément été attribué au Hezbollah, même sans revendication de sa part. Une telle attaque aurait placé le pays devant une situation différente de celle qui prévaut actuellement et elle aurait pu remettre en cause le fragile statu quo. C’est une possibilité d’autant plus grave que juste après l’assassinat des deux responsables au sein de l’axe dit de la résistance, les contacts se sont multipliés au Liban pour tenter de mettre le pays à l’abri de toute riposte et contre-riposte, au moment où le front interne est fragilisé par les changements provoqués par le mouvement de protestation. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, s’était empressé de prononcer un discours le 5 janvier, deux jours après la mort des deux responsables, pour préciser que l’Iran compte riposter directement et ouvertement à l’attaque dont a fait l’objet une de ses plus grandes figures. Il avait toutefois ajouté que seuls les militaires américains seront pris pour cible. Hassan Nasrallah avait aussi insisté sur le fait que lui et son camp n’ont absolument rien contre le peuple américain.
Cette déclaration avait été perçue comme une assurance de la part du Hezbollah qu’il n’y aurait aucune riposte contre les Américains à partir du Liban, d’autant qu’il n’y a pas beaucoup de militaires américains dans le pays.
En dépit des affirmations claires de la part du chef du Hezbollah, certaines parties ont continué à semer le doute en évoquant en particulier des déclarations américaines sur l’intention du Pentagone d’envoyer un nombre de militaires (on a d’abord parlé de 700 puis de 300) au Liban pour « protéger l’ambassade ». D’autres médias sont aussi revenus sur certaines rumeurs qui faisaient état d’une volonté américaine d’installer des bases militaires à Hamate (Nord), par exemple, en plus de leur présence à Rayak (Zahlé) et à Qleyate (Akkar). Ils sont aussi revenus sur la visite effectuée à Behdaydat (un village au-dessus de Jbeil qui offre une vue panoramique sur l’ensemble de la région) du secrétaire d’État américain Mike Pompeo en avril 2019, lors de son passage au Liban. Sous couvert de tourisme, cette visite avait été considérée, par certains médias, comme une première inspection en vue d’installer une base américaine sur les lieux. Bien que ces rumeurs n’aient jamais été confirmées, elles continuent à servir de matière aux experts militaires à un moment délicat de la vie du Liban. Ceux-ci assurent en effet que les Américains sont déterminés à installer une base militaire au Liban, dans une volonté de faire face à l’influence russe grandissante dans la région, notamment en Syrie. Ils cherchent ainsi à susciter une réaction de la part du Hezbollah, qui préfère garder un mutisme total sur la question.
C’est donc dans ce climat de confusion que le terroriste a planifié son coup. Selon des informations ayant filtré lors de son interrogatoire et qui ont été rapportées par certains sites, I.S. aurait choisi lui-même la cible et la forme de l’attaque, les membres de l’EI ayant une large marge de manœuvre dans la planification et l’exécution des attaques depuis la mort de leur chef Abou Bakr al-Baghdadi et la désignation de son successeur, Abou Ibrahim al-Qoraychi. I.S. a donc été arrêté dans le cadre d’une opération préventive. Il est passé aux aveux et a été déféré devant le parquet militaire en vue de l’ouverture de son procès devant le tribunal militaire. Toujours selon les informations ayant filtré, il aurait affirmé avoir agi seul, sans complices, sachant que les membres de Daech se comportent désormais selon la théorie dite des « loups solitaires ». Mais cela ne signifie nullement que leur efficacité est devenue réduite.
Sans la vigilance des services de sécurité concernés, le Liban aurait pu se trouver devant une véritable catastrophe et un enchaînement de faits qui serait rapidement devenu incontrôlable. Les services de sécurité n’ont pas voulu médiatiser cette opération, d’abord pour ne pas créer un mouvement de panique au sein de la population, ensuite pour que l’affaire ne fasse pas l’objet d’une polémique entre ceux qui accuseraient les autorités de l’agiter pour faire peur aux manifestants et ceux qui diraient que l’heure est trop grave pour poursuivre les protestations populaires au même rythme, sachant que des intrus pourraient se glisser parmi les manifestants. Il a donc été décidé de traiter cette question dans la plus grande discrétion. Mais des sources sécuritaires qui suivent ces dossiers affirment qu’il ne faut pas considérer que le Liban est à l’abri de la menace terroriste. Au contraire, il faudrait désormais faire preuve d’une plus grande vigilance, surtout qu’il est clair que l’EI se prépare à relancer ses activités en Irak et en Syrie, et veut mener des attaques spectaculaires pour redevenir un acteur important sur la scène régionale. Dans ce contexte, le Liban pourrait faire partie de ses projets.
commentaires (10)
Effectivement isis, daech, ou quelque soit le nom qu'on lui donne, fait figure d'amateur face à notre classe politique qui a saccager le pays, envoyé en immigration le peuple, vidé les banques et se soucie de politique internationale et interstellaire sans écouter lenpeuple dans les rues. Effectivement on a évité une catastrophe pour mieux s'engouffré dans une encore pire. Yallah, allah yikhalikoun ...
Wlek Sanferlou
17 h 26, le 30 janvier 2020