M. Berry présidant la réunion à l’hémicycle. Photo fournie par le Parlement
Le président de la Chambre, Nabih Berry, a gagné son pari. En dépit de la contestation populaire, il est parvenu à faire adopter le projet de budget 2020 au cours d’une séance à laquelle ont assisté 73 députés. Le texte a été adopté à une majorité étriquée de 49 députés, alors que treize s’y sont opposés et huit se sont abstenus de voter.
Trois des parlementaires présents au débat se sont retirés de l’hémicycle au moment du vote, faisant passer le nombre d’absents à 58. Ce sont naturellement les principaux parrains du nouveau gouvernement qui ont permis à la Chambre de faire adopter la nouvelle loi de finances. Il s’agit du bloc du Liban fort, parrainé par le Courant patriotique libre, dont 21 députés sur 27 ont pris part à la réunion.
Selon une source parlementaire, six députés aounistes n’ont pas fait acte de présence à l’hémicycle : le chef du parti, Gebran Bassil, Élias Bou Saab, Talal Arslane, Moustapha Hussein et Assaad Dergham.Michel Moawad, député de Zghorta allié au CPL, a lui aussi boycotté la réunion parlementaire, dénonçant dans un communiqué « une entorse à la Constitution, à savoir le vote d’un budget sans loi de règlement, que l’ancien cabinet n’a malheureusement pas envoyée à la Chambre ».
« Sur un autre registre, la logique politique veut que la confiance (du Parlement) soit votée avant le budget, afin de permettre au gouvernement d’adopter, de modifier ou même de récupérer le projet, et de permettre aux députés de demander des comptes au Parlement, conformément à une politique et une vision bien définies », a ajouté Michel Moawad. Tout comme son allié aouniste, le Hezbollah (treize députés) a voté pour le nouveau budget, de même que le mouvement Amal de Nabih Berry (17 députés). Contacté par L’Orient-Le Jour, Fadi Alamé, député Amal de Baabda, a souligné que son parti a agi de la sorte « parce que le pays devrait être doté d’une loi des finance, au lieu de dépenser conformément à la règle du douzième provisoire ».
De leur côté, Salim Saadé et Assaad Hardane, représentants du Parti syrien national social, ainsi que Jamil Sayyed (Baalbeck-Hermel) et Jean Obeid (Tripoli) ont approuvé le nouveau budget, de même que Tony Frangié et Stéphan Doueihy, les deux députés Marada de Zghorta.
« En dépit de nos remarques, et à la lumière du refus de tout retour à la règle du douzième provisoire, nous avons voté pour le nouveau budget. Et nous laissons au gouvernement, après le vote de confiance, le soin d’y apporter les modifications nécessaires au moyen de projets de loi indépendants », a écrit M. Frangié sur son compte Twitter. Même son de cloche auprès de la Rencontre consultative sunnite, dont seuls trois députés ont pris part à la séance. Contrairement à Jihad Samad et Fayçal Karamé, Adnan Traboulsi, Kassem Hachem et Walid Succariyé se sont rendus à l’hémicycle et ont voté pour la nouvelle loi. « C’est le meilleur budget que l’on pourrait adopter dans les circonstances actuelles », a déclaré à L’OLJ M. Succariyé.
(Lire aussi : Un danger et un double défi, l’édito de Michel TOUMA)
« Position de principe »
Les regards des observateurs se sont braqués hier sur le courant du Futur, dans la mesure où la Chambre examinait un projet de budget envoyé par le gouvernement de Saad Hariri, que le mouvement de contestation a fait chuter en octobre dernier.
Contre toute attente, et en dépit de son opposition au cabinet Diab, le parti haririen a décidé, à l’issue d’une réunion à la Maison du Centre sous la présidence de Bahia Hariri, de prendre part à la séance, assurant ainsi le quorum requis pour la tenue de la réunion. Mais il s’est opposé au projet de budget 2020.
Dans un communiqué qui a suivi la séance parlementaire, le groupe a expliqué que ses députés se sont opposés à la nouvelle loi parce qu’ils sont « convaincus que les chiffres du budget ne correspondent plus à la réalité ». Et le Futur de réitérer « (sa) position de principe selon laquelle il fallait attendre que le nouveau gouvernement obtienne la confiance de la Chambre avant de participer à une séance consacrée au budget ». Le leader du Futur, Saad Hariri, qui se trouve à l’étranger, a pour sa part assuré sur Twitter que « le bloc du Futur ne sera jamais un outil pour paralyser les institutions. Il a donc rempli ses devoirs, n’a pas fui ses responsabilités et s’est prononcé à l’hémicycle conformément à la Constitution ».
Signalons qu’une centaine de manifestants s’étaient massés hier soir devant le domicile de Bahia Hariri près de Saïda pour protester contre la décision du Futur de participer à la séance.Outre le Futur, plusieurs parlementaires se sont opposés au nouveau budget tels que Farid Haykal el-Khazen et Moustapha Husseini, respectivement députés du Kesrouan et de Jbeil. Une façon de manifester leur opposition « aux politiques économiques axées sur la corruption et le gaspillage qui ont mené le pays à l’effondrement », comme l’a écrit M. Khazen sur son compte Twitter.
(Lire aussi : Le budget 2020 adopté par une majorité étriquée, dans un hémicycle en état de siège)
« Mieux que le vide »
Les cinq députés représentant le bloc joumblattiste (Waël Bou Faour, Bilal Abdallah, Hadi Abou el-Hosn, Fayçal Sayegh et Akram Chéhayeb) se sont, quant à eux, abstenus de voter. Mais Walid Joumblatt, leader du Parti socialiste progressiste, a quand même écrit sur son compte Twitter : « L’adoption du budget vaut mieux que le vide. »
« Le cabinet doit proposer des réformes sérieuses, à commencer par le secteur de l’électricité et l’indépendance de la justice », a-t-il encore noté. À l’instar des joumblattistes, Nicolas Nahas et Ali Darwiche, députés de Tripoli relevant du bloc Mikati, se sont abstenus de voter « en raison, selon M. Nahas contacté par L’OLJ, de plusieurs interrogations autour de la loi de règlement, mais aussi des chiffres du budget ».
La séance d’hier s’est tenue en l’absence des quinze députés des Forces libanaises, une décision que le parti a prise peu avant la réunion, alors que l’on s’attendait à sa participation. Les Kataëb et Paula Yacoubian (société civile), non plus, n’ont pas fait acte de présence. De même que Nagib Mikati (Tripoli), Nouhad Machnouk (Beyrouth), Fayez Ghosn (Koura) et Oussama Saad (Saïda). Lors d’une conférence de presse, M. Saad a déclaré que la loi de finances adoptée est « un budget fictif » et une « tentative de cacher la situation tragique » que vit le Liban.
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Zasypkine : Il faut donner une chance au nouveau gouvernement
58 absents + 13 contre = 71 > 69 ... Le budget fût défait CQFD Bien sûr maths, logique et honnêteté ne compte pas quand on a l'urgence de cacher les squelettes cachés dans l'armoire.
14 h 04, le 28 janvier 2020