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Société - Tribune

Les enfants et les jeunes du Liban ne peuvent plus attendre !

L’Unicef recommande 10 priorités minimales pour protéger les enfants au Liban en 2020 et au-delà.

Le Liban est entré dans une année au cours de laquelle il est de plus en plus probable que les effets les plus graves de la crise économique et financière se manifestent. Bien avant que la crise ne commence durant la seconde moitié de 2019, le pays était confronté à des niveaux de pauvreté et d’inégalité déjà élevés – selon l’Enquête sur les ménages du Liban datée de 2016, plus de la moitié de la population, si elle travaillait, survivait avec un salaire inférieur au salaire minimum, et 2 enfants libanais sur 5 vivaient déjà dans la pauvreté. Le 1 % des Libanais les plus riches détenaient 25 % de la richesse nationale (1). Aujourd’hui, en plus de cela, l’Unicef constate que la crise entraîne une augmentation sans précédent du chômage, de l’inflation et une pression croissante sur les services sociaux de base déjà surchargés.

L’expérience des crises économiques et des récessions passées ayant sévi dans le monde entier a démontré que la clé de la reprise réside dans le fait de protéger les plus pauvres et de maintenir les investissements consacrés aux enfants et aux jeunes (2). Si le développement du capital humain est préservé – l’apprentissage, la santé et la protection des enfants et des jeunes –, ces derniers pourront non seulement réaliser leur propre potentiel, mais aussi soutenir le développement à venir du pays, un développement sans lequel le Liban ne pourra jeter les bases d’un redressement économique. Les enfants et les jeunes ne peuvent pas attendre. Réduire les investissements dans leurs soins de santé, leur éducation et leur protection sociale en ce moment (en plus des défis préexistants concernant la qualité et la couverture) non seulement menacerait les droits de l’enfant, mais aurait aussi des impacts irréversibles sur leur futur bien-être ainsi que sur le développement du Liban pour les décennies à venir.

Pour veiller à ce que le bien-être et le potentiel des enfants et des jeunes Libanais et Libanaises ne soient pas compromis – à leur détriment et à celui du pays –, l’Unicef Liban a analysé l’évolution de la situation et a présenté les mesures essentielles à adopter ainsi qu’une liste de dix investissements publics fondamentaux à assurer, cela sur la base de la proposition du budget 2020 :

1 – Maintenir les dépenses publiques et les capacités en ce qui concerne les prestations des soins de santé, de l’éducation et de la protection sociale de 2019, en délivrant les fonds à temps et en identifiant des moyens concrets pour gagner en efficience et permettre ainsi d’élargir l’accès au maximum de personnes.

2 – Élargir le filet de protection sociale : premièrement, étendre la distribution des bons alimentaires à tous les ménages dans le cadre du Programme national de ciblage de la pauvreté relevant du gouvernement – NPTP (3), et deuxièmement, fournir un soutien financier aux plus pauvres pour d’autres dépenses allant au-delà de la simple nourriture, et cela afin de promouvoir le bien-être des enfants. Ce dernier soutien pourrait coûter environ 30 millions USD (4).

3 – Aider les centres de santé primaire et les dispensaires à fournir gratuitement des médicaments pour maladie aiguë et/ou essentiels à tous les enfants et à les vacciner gratuitement, conformément à la circulaire 47 du 17 mai 2014 du ministère de la Santé publique, qui stipule que les vaccinations sont gratuites dans les établissements de soins de santé primaires, lorsqu’ils sont fournis par une infirmière autorisée (5). En outre, il faut prioriser davantage les soins de santé accessibles et de qualité aux nouveau-nés, aux adolescents et aux femmes enceintes et allaitantes.

4 – Augmenter, en 2020, le nombre d’écoles sûres et inclusives relevant du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur qui accueillent désormais avec succès les enfants ayant des besoins spéciaux et des handicaps dans un environnement sans violence et centré sur l’enfant. En outre, réduire le nombre d’enfants qui redoublent leur classe et donner la priorité aux programmes de soutien scolaire.

5 – Concevoir et mettre en œuvre un plan de transition pour soutenir les enfants vivant dans un établissement de prise en charge à réintégrer leurs familles dans la mesure du possible, y compris en réorientant le soutien vers les familles elles-mêmes. Cela peut inclure l’inscription de toutes les familles en question, si elles sont éligibles, au Programme national de ciblage de la pauvreté.

6 – Maintenir à 25 millions USD les allocations budgétaires aux Centres de développement social (SDC) proposées dans le projet de budget 2020. Les SDC ont besoin de soutien pour étendre sans délai leur action afin qu’ils fournissent des services de protection sociale à un nombre croissant de familles qui deviennent vulnérables.

7 – Soutenir les compétences des adolescents et des jeunes en élargissant les programmes de formation professionnelle et de développement des capacités (6) ainsi que ceux conçus pour créer des passerelles vers le marché du travail – tels que les stages –, et cela afin d’assurer l’existence des compétences nécessaires pour une éventuelle reprise économique.

8 – Prioriser l’élaboration de la Politique nationale de protection sociale entamée en 2019 afin de développer un système de programmes pouvant apporter une aide sociale à ceux affectés par la crise.

9 – Soutenir une réforme équitable du système fiscal est nécessaire. Il est essentiel d’examiner et de réformer la manière dont le Liban tire ses recettes – des revenus, des entreprises et des fortunes – de sorte que la pression fiscale soit répartie de manière plus équilibrée et moins disproportionnée envers les plus pauvres et que les taxes soient collectées plus efficacement.

10 – Enfin, si l’approvisionnement régulier en eau et en électricité est menacé par la baisse brutale du paiement des factures, il faudra trouver des solutions à plus long terme pour rendre les structures tarifaires plus équitables et la collecte plus efficace.

Il existe également des priorités immédiates relatives à la situation politique et économique qui ont été clairement mises en évidence ailleurs. Il n’en demeure pas moins que ces dix priorités minimales décrivent quelques-unes des mesures les plus fondamentales qui, selon l’Unicef, devraient être mises en place d’urgence afin de promouvoir un certain niveau de protection des enfants et des ménages les plus pauvres du Liban en 2020 et au-delà. Bien que l’Unicef soutienne déjà activement le gouvernement du Liban et un large éventail de partenaires pour faire avancer bon nombre de ces priorités en s’appuyant sur des travaux importants qui ont déjà été réalisés, il existe une possibilité immédiate de garantir les dépenses nationales dans ces domaines dans le budget 2020 avant qu’il ne soit finalisé – le plus important, mais le plus difficile, étant de parvenir à économiser activement dans les dépenses courantes. Alors que l’impact négatif continue de se manifester sur le bien-être des familles, de leurs enfants et du développement futur du Liban, une attention immédiate doit être portée pour garantir que les enfants du Liban et les ménages les plus pauvres du pays aient la priorité des ressources nationales.

(1) Carnegie, Pas de pays pour les pauvres : comment la dette du Liban a exacerbé les inégalités, N. Salti, 2019.

(2) Une reprise pour tous : repenser les politiques socio-économiques pour les enfants et les ménages pauvres, Ortiz et al, Unicef 2012.

(3) Actuellement, moins de 1 ménage sur 4, selon le NPTP, reçoit des bons alimentaires.

(4) Sur base des calculs de l’Unicef.

(5) Les recherches de l’Unicef montrent que les familles, même lorsqu’elles fréquentent des cliniques publiques et non privées, rapportent qu’elles ne peuvent pas se permettre des services qui devraient être gratuits.

(6) Y compris les expertises basées sur la formation professionnelle, les compétences de la vie, les compétences numériques, les compétences de base en lecture, écriture et calcul, les programmes de stage et de mentorat ainsi que l’innovation, le soutien aux entrepreneurs et le développement des petites et moyennes entreprises.

Sarah HAGUE,

chef du programme de la politique sociale et Violet SPEEK-WARNERY, représentante adjointe /Unicef Liban

Le Liban est entré dans une année au cours de laquelle il est de plus en plus probable que les effets les plus graves de la crise économique et financière se manifestent. Bien avant que la crise ne commence durant la seconde moitié de 2019, le pays était confronté à des niveaux de pauvreté et d’inégalité déjà élevés – selon l’Enquête sur les ménages du Liban datée de 2016,...

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