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Économie - Focus

Le ministère des Télécoms peut-il mettre fin seul aux contrats des opérateurs mobiles ?

Le député Hussein Hajj Hassan, qui préside la commission parlementaire des Télécoms. Photo ANI

Réunie hier, la commission parlementaire des Télécoms a estimé que l’État pouvait récupérer la gestion des deux réseaux mobiles libanais Mic 1 (Alfa) et Mic 2 (Touch) après la fin des contrats respectifs de l’opérateur égyptien Orascom et du koweïtien Zain, sans avoir besoin d’attendre une décision du Conseil des ministres. « La plupart des députés estiment aujourd’hui que (la gestion des réseaux) doit automatiquement revenir à l’État après l’expiration du contrat le 31 décembre 2019 (comme le prévoit le contrat qui inclut une période de transition de deux mois, NDLR) », a déclaré le président de la commission, le député Hussein Hajj Hassan (Hezbollah), lors de la conférence de presse organisée à l’issue de la réunion.

Mais l’avis de la commission sur ce dossier est diamétralement opposé à celui du ministre sortant des Télécoms, Mohammad Choucair (proche du courant du Futur), qui considère pour sa part que cette décision doit forcément être validée en amont par le gouvernement. Une situation qui ne laisserait d’autre choix aux dirigeants, selon Mohammad Choucair, que de maintenir les contrats d’Orascom et Zain, jusqu’à ce qu’un nouveau gouvernement soit formé et décide de leur avenir, soit en mettant un terme aux contrats, soit en les remettant en jeu via un nouvel appel d’offres, entre autres scénarios évoqués par le haut responsable.

« Si elle n’est pas contraignante, la recommandation de la commission a force morale et est appuyée par la plupart des forces politiques (du pays) », a assuré de son côté Hussein Hajj Hassan avant de considérer que la position du ministre sortant, qui ne se base, selon lui, que sur « l’avis juridique » d’un « consultant », ne constituait que son « opinion » sur le sujet.



(Lire aussi : Choucair : Les opérateurs mobiles finiront « comme EDL » s’ils sont gérés par l’État)



Pas d’obstacle légal
L’Orient-Le Jour a contacté trois sources proches du dossier – l’ancien ministre des Télécoms de 2009 à 2011, Charbel Nahas, une source à l’Inspection centrale et un juriste – pour tenter de départager les deux positions. Si tous les trois assurent que le ministre sortant a légalement le droit de décider seul du sort de la gestion des réseaux mobiles, leurs avis divergent concernant la possibilité que celui-ci puisse le faire sans l’appui d’un gouvernement, compte tenu du contexte actuel.

Le gouvernement Hariri III a en effet démissionné deux semaines environ après le début des manifestations contre le pouvoir, qui se poursuivent depuis le 17 octobre dernier, et le pays traverse une grave crise économique et financière dont les effets ont frappé de plein fouet des pans entiers de la population et du secteur privé. Même en faisant abstraction de la conjoncture, le secteur des télécoms a toujours été au centre de tensions politiques, car il s’agit de l’une des principales sources de revenus de l’État.

Les contrats de gestion des deux opérateurs Alfa et Touch ont été confiés à Orascom et Zain par voie d’appel d’offres (depuis 2009 pour le premier et depuis 2004 pour le second). Ils ont été remis en jeu en 2015 mais les résultats de la nouvelle procédure d’attribution ont été annulés par la Direction des adjudications juste avant leur expiration prévue à la fin de cette même année. Avançant la nécessité d’assurer la continuité du service public, les deux ministres des Télécoms qui se sont succédé – Boutros Harb puis Jamal Jarrah – les ont prolongés unilatéralement au fur et à mesure en appelant à chaque fois le Conseil des ministres à prendre le dossier en main.

Entré en fonctions en février 2019, Mohammad Choucair a, lui, présenté un nouveau cahier des charges en vue d’une remise en jeu des contrats. L’exécutif a, peu de temps après, prolongé les contrats jusqu’à fin 2019 pour se laisser le temps de trancher, ce qu’il n’est pas parvenu à faire avant la fin de l’année. Face à cette situation, Mohammad Choucair a notifié le gouvernement sortant fin décembre des options restant sur la table après l’expiration des contrats, sans obtenir de réponse. Entrée en jeu au courant de l’année pour notamment enquêter sur la gestion des télécoms sur plusieurs années, la commission parlementaire présidée par Hajj Hassan a pour sa part recommandé fin décembre de ne pas renouveler les contrats d’Orascom et Zain et de laisser l’État gérer les réseaux mobiles.



(Pour mémoire : Opérateurs mobiles : Choucair dénonce une « campagne de dénigrement »)



Trop de questions à trancher
Pour Charbel Nahas, le ministre sortant peut, à partir de ce point, prendre le dossier à son compte et organiser la reprise de la gestion des réseaux mobiles par l’État. « Orascom et Zain n’ont pas obtenu une concession sur les actifs de l’État, mais un simple droit de les gérer. Concrètement, leur rôle s’est limité à désigner des responsables au Liban pour administrer leurs filiales locales créées à cette fin en recrutant notamment du personnel sur place. L’État a donc toutes les cartes en main pour récupérer et réorganiser le secteur », assure-t-il.

Alfa et Touch sont en effet les marques commerciales des deux réseaux libanais Mic 1 et Mic 2. Sur le plan juridique, les actifs de ces réseaux actifs – locaux et équipements – appartiennent à deux sociétés anonymes dont les actions sont elles-mêmes détenues par deux banques locales en fiducie (contrat de transfert de propriété) pour le compte de l’État.

Orascom et Zain – ou plutôt les filiales libanaises des deux opérateurs étrangers – sont pour leur part chargées de gérer ces actifs et de reverser à l’État la part des recettes lui revenant. Les 2 000 employés qui travaillent pour Alfa et Touch sont en réalité en contrat avec les filiales libanaises d’Orascom et de Zain via des contrats de travail – donc de droit privé. L’État n’est de plus pas tenu de les intégrer à la fonction publique ni même de les employer d’une manière ou d’une autre dans le cas où les contrats des opérateurs ne sont pas renouvelés. Selon une source à l’Inspection centrale, la remise en jeu de ces contrats via un appel d’offres peut néanmoins imposer aux éventuels candidats de garder tout ou partie des effectifs déjà employés.

Cette source considère toutefois que si rien dans la loi n’interdit au ministre sortant d’assumer la gestion des réseaux mobiles, « il n’est toutefois pas acquis qu’il réussisse à le faire sans se heurter à d’importants obstacles politiques ». La source rappelle en revanche que si le ministère peut lancer seul un nouvel appel d’offres, ce dernier devra être contrôlé par la direction des adjudications.

Enfin le juriste contacté estime pour sa part que le gouvernement ne peut raisonnablement pas laisser le ministre être seul responsable sur un dossier aussi lourd et complexe en termes d’enjeux. « Il y a trop de questions à trancher, que ce soit le sort des employés ou le choix de l’autorité qui sera chargée de superviser le fonctionnement des réseaux, sans parler de la désignation des nouveaux responsables qui sera forcément source de tensions politiques susceptibles de paralyser le fonctionnement des services assurés », résume-t-il. Et de conclure : « Même s’il s’agit d’un gouvernement chargé des affaires courantes, le silence de l’exécutif n’est pas acceptable. »



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Contrats des opérateurs mobiles : les suites possibles

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Réunie hier, la commission parlementaire des Télécoms a estimé que l’État pouvait récupérer la gestion des deux réseaux mobiles libanais Mic 1 (Alfa) et Mic 2 (Touch) après la fin des contrats respectifs de l’opérateur égyptien Orascom et du koweïtien Zain, sans avoir besoin d’attendre une décision du Conseil des ministres. « La plupart des députés estiment...

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LES DEUX CAVERNES D,ALIBABA !

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 03, le 21 janvier 2020

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Commentaires (2)

  • LES DEUX CAVERNES D,ALIBABA !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 03, le 21 janvier 2020

  • Mais... mais... mais... Donc un gouvernement de technocrates ne servira à rien s’il ne peut prendre aucune décision sans l’aval des commissions parlementaires qui elles dépendent des partis à 100% ?!? Et s’ils n’ont rien de mieux à faire, les technocrates se transformemront-ils donc en cleptocrates? Nous sommes maudits :(

    Gros Gnon

    06 h 47, le 21 janvier 2020

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