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Politique - Société

Dans la banlieue sud, la crise économique pèse lourd

Dans cette région de Beyrouth, le mouvement de contestation continue à être critiqué, même si de nombreux habitants affirment que les revendications sont justes.

Dans une mosquée de la banlieue sud, des partisans du Hezbollah suivent le discours du secrétaire général du parti. Photo Nabil Ismaïl

Dans une boutique de vêtements pour femmes à Bir el-Abed, dans la banlieue sud de Beyrouth, Fatima égrène patiemment les minutes. Elle se lève, arrange un cintre, puis se rassied derrière un bureau. Elle consulte son téléphone. Il est 13h passées et la jeune femme n’a encore reçu aucune cliente. « Le travail va très mal, déplore-t-elle. Au mieux, les ventes ne dépassent pas les 200 000 livres par jour. Il fut un temps où les commerçants bouclaient leur journée avec plus d’un million de livres. »

Vêtue de la traditionnelle abaya noire, elle arrange son voile. D’une voix calme et posée, elle reprend : « La vie a beaucoup renchéri. J’ai dû quitter l’université pour pouvoir subvenir à nos besoins, ma mère et moi. » Âgée de 21 ans, Fatima suivait des études en sciences politiques à l’Université libanaise. Mais elle n’a pas pu aller au-delà de la première année. Au terme de plusieurs mois passés à rechercher un travail, elle a finalement été embauchée dans cette boutique, il y a juste deux mois. « C’est un miracle, par les temps qui courent », lance-t-elle avec un petit rire. Elle a de longs horaires, de 10h à 19h. « Heureusement, les propriétaires n’ont pas réduit mon salaire de moitié, comme c’est le cas ailleurs, se réjouit-elle. Mais j’avoue que j’ai peur pour le lendemain. Les dépenses sont énormes et les revenus sont faibles. Les gens ont refixé leurs priorités. Le plus important c’est d’assurer les scolarités, le loyer et de quoi se nourrir. Ils remettent à plus tard les choses qu’ils estiment futiles. »

Malgré ses « remarques » vis-à-vis du mouvement de révolte, Fatima affirme qu’au vu de la situation économique, elle n’écarte pas la possibilité d’y participer dans un avenir proche.



(Lire aussi : Les partisans d’Amal et du Hezbollah ont-ils joué un rôle dans les incidents de Hamra ?)



« Une réédition de la révolution du Cèdre »
Dans la rue Makhoul de Bir el-Abed, comme à Haret Hreik, les passants se font rares. Les voitures aussi. Les employés des négoces font les cent pas devant les vitrines dont la majorité affichent des réductions sur les marchandises. Mais cela n’attire pas pour autant les clients. Au coin d’une rue, penché sur une charrette, un septuagénaire épluche une noix de coco qu’un client lui a commandée. Il propose également des fraises et des dattes.

Plus loin, trois hommes assis sur le trottoir devant une machine à café tirent sur leurs cigarettes. L’un d’eux compte une liasse de billets de 1 000 livres, destinée à la mosquée où il travaille. Une certaine lassitude se lit sur leurs visages. Mais ils ne se départissent pas de leur bonne humeur. Mohammad, la cinquantaine, est père de trois enfants âgés entre 21 et 32 ans, tous trois au chômage. Chauffeur de taxi, il est actuellement le seul à pourvoir aux besoins de sa famille. « Mais je peine à le faire, lâche-t-il. Aujourd’hui, j’ai travaillé pendant quatre heures. Je n’ai pu me faire que 12 000 livres. Cela ne suffit pas pour m’acheter des sandwiches. Mon fils m’a demandé un médicament. Je n’ai pas de quoi le lui procurer. »

Il se lève, tire nerveusement une bouffée de sa cigarette, se rassoit et poursuit : « Le pays était au bord du gouffre et la révolte a accéléré sa chute. Ces personnes qui se prennent pour des révolutionnaires vont malheureusement élire les mêmes leaders. Or il est impératif de changer toute la classe politique. Ce que nous voyons n’est pas une vraie révolution. La vraie révolution, celle des affamés, s’est déroulée les trois premiers jours seulement. » Depuis que le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a déclaré, lors d’une apparition télévisée quelques jours après le début du mouvement de contestation populaire, le 17 octobre, que celui-ci « n’est plus spontané », insinuant qu’il était financé notamment par l’étranger, la communauté chiite dans sa majorité porte un nouveau regard sur la révolte.

« Une troisième catégorie est entrée en jeu pour torpiller la révolution, poursuit Mohammad. Celle-ci malheureusement sert d’agenda politique au bénéfice de forces étrangères. » Mais aussi « à certains partis politiques, comme le courant du Futur, les Forces libanaises et les Kataëb », renchérit Hassan, également chauffeur de taxi, qui a rejoint le groupe. « La révolution du Cèdre a échoué la première fois, ils essaient de la rééditer aux frais des pauvres, critique ce père de quatre enfants âgés entre 11 et 22 ans. Les problèmes ont commencé avec la révolution et le blocage des routes, ce qui a contribué à l’effondrement de l’économie. Ces contestataires qui bloquent les routes doivent tous être arrêtés ! »



(Lire aussi : « Quand Soleimani est mort, j’ai senti que c’est mon propre père qui est parti »)



Dupés par les dirigeants
Abou Hussein, propriétaire de la machine à café, se lève d’un bond pour servir une femme venue acheter un chocolat chaud. Il l’invite à prendre part à la discussion. Ce qu’elle fait de bon gré. « Je plains la nouvelle génération, dit-elle. C’est elle qui est la plus affectée par la crise économique. Elle ne pense qu’à la famine qui guette et craint une nouvelle guerre. Je compatis avec les pauvres. D’ailleurs, la révolution a éclaté parce que les gens n’en peuvent plus. »

Mère de deux filles en bas âge, elle explique que son mari – importateur dont le travail se porte assez bien – a participé une fois au mouvement de contestation. « Personnellement, je n’ai pas été, parce que je sens qu’il y a quelque chose d’étrange qui se passe, note-t-elle. Les premiers jours, les revendications étaient justes, mais après, j’ai eu l’impression que la situation a déraillé. Néanmoins, j’espère que les contestataires atteindront leurs objectifs. »

Adel, la quarantaine, écoute d’une oreille amusée la conversation. Finalement, il décide d’intervenir. Il explique ainsi que cela fait plus de trente ans qu’il vit à l’étranger, mais qu’il vient régulièrement au Liban parce que sa famille y est. « La révolte n’est pas claire au Liban, commente-t-il. Les moyens dont disposent les contestataires sont énormes. Ils ne peuvent qu’être financés par des États étrangers. » Refusant de commenter davantage la question, il ajoute : « Il est certain que de nombreuses personnes parmi celles qui se trouvent dans la rue sont dans le besoin. Mais elles sont dupées par ceux qui les dirigent. »



(Lire aussi : Le cèdre et le néant, le billet de Gaby NASR)



Unis autour d’une même souffrance
Au milieu de la rue commerçante, un homme fixe la porte en fer d’une joaillerie. À l’intérieur du négoce, Hicham, le responsable des lieux, examine un collier en or. « La crise économique ? Elle est évidente, lâche-t-il au bout d’un moment. Les gens viennent pour vendre de l’or et non en acheter. Ils le font non pas pour s’acheter de quoi manger, mais pour s’acquitter de leurs dettes. La banlieue sud a connu des journées pires que celles-là, mais nous n’avons jamais connu autant de détresse financière, parce que la majorité des émigrés sont des chiites qui envoient de l’argent à leurs familles. Depuis deux ans, la situation a dégénéré. »

Comme pour confirmer ces propos, une sexagénaire vient lui proposer d’acheter un bracelet en or. « Ma fille veut payer les scolarités de ses enfants », souligne-t-elle sur un ton d’excuse. « La classe politique a affamé le peuple, s’indigne-t-elle. Ils sont attachés à leurs postes ! Pourquoi ma fille et moi devons-nous vendre notre or pour survivre ? » À la question de savoir si le Hezbollah lui vient en aide, elle se contente de dire : « Nous n’avons rien reçu. »

« Les revendications des protestataires sont certainement justes, affirme Hicham, une fois la dame sortie. Je n’ai pas encore pris part à ce mouvement et je me suis toujours dit que si celui-ci atteindrait ses objectifs, nous, qui sommes restés à la maison, devrons remercier tous ceux qui étaient dans la rue. Mais j’ai peur des parties qui essaient de récupérer cette révolution. En fin de compte, le peuple toutes communautés et appartenances politiques confondues est uni autour d’une même souffrance. Mais ce sont eux (la classe politique) qui ont maintenu cette fibre communautaire pour mieux le diviser et le contrôler. »



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Dans une boutique de vêtements pour femmes à Bir el-Abed, dans la banlieue sud de Beyrouth, Fatima égrène patiemment les minutes. Elle se lève, arrange un cintre, puis se rassied derrière un bureau. Elle consulte son téléphone. Il est 13h passées et la jeune femme n’a encore reçu aucune cliente. « Le travail va très mal, déplore-t-elle. Au mieux, les ventes ne dépassent pas...

commentaires (7)

Il suffit de voir les photo en grand a cote de hassouna pour comprendre qu'on preche pour une cause externe... et puis mnt la banlieue sud va devoir payer l'electricité peut etre ? un petit pas pour le liban

Toni Pantaloni

15 h 27, le 17 janvier 2020

Tous les commentaires

Commentaires (7)

  • Il suffit de voir les photo en grand a cote de hassouna pour comprendre qu'on preche pour une cause externe... et puis mnt la banlieue sud va devoir payer l'electricité peut etre ? un petit pas pour le liban

    Toni Pantaloni

    15 h 27, le 17 janvier 2020

  • Et pourquoi la banlieue sud ne le serait elle pas ? Parce que peut être certains liba-niais continuent à croire que la banlieue sud de Beyrouth se trouve à Téhéran ? Lol.

    FRIK-A-FRAK

    14 h 49, le 17 janvier 2020

  • Le hezeb de la resistance iranien voit son oasis s'assecher :) Moins d'herbe pour les moutons fera d'eux des loups, peut etre...

    Toni Pantaloni

    12 h 53, le 17 janvier 2020

  • Le robinet iranien est asséché? Lavage de cerveau en hold ? Réveillez-vous frères chiites libanais! On est tous dans le même panier…

    Jack Gardner

    11 h 28, le 17 janvier 2020

  • Ils ont choisit l'Iran et Hassan Nasrallah au lieu de se tenir les coudes avec le peuple Libanais. Du fait de leurs choix politiques, eux, ils ont ce qu'ils méritent: la misère qui règne en Iran en Syrie et au Yémen!

    Pierre Hadjigeorgiou

    11 h 14, le 17 janvier 2020

  • Unis autour d’une même souffrance ceci en effet est le cas des libanais toutes confessions confondues riches et pauvres sont contre leurs dirigeants actuels .

    Antoine Sabbagha

    08 h 32, le 17 janvier 2020

  • LES FRUITS DU PARADIS PROMIS AU SUD. TOUT Y EST. CHIITES LIBANAIS, REVEILLEZ-VOUS !

    JE SUIS PARTOUT CENSURE POUR AVOIR BLAMER GEAGEA

    00 h 30, le 17 janvier 2020

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