Le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, a demandé au ministre sortant des Finances, Ali Hassan Khalil, que les autorités concernées accordent à la Banque centrale une autorisation afin qu'elle puisse réglementer les restrictions bancaires mises en place de manière informelle par les banques du pays. Depuis des mois, un contrôle des capitaux de facto est effectué par les banques tandis qu'une hausse du cours du dollar est enregistrée sur le marché parallèle, le tout dans un contexte de crise financière et monétaire aiguë, exacerbée par la révolte populaire inédite contre la classe politique et les banques, depuis le 17 octobre 2019.
Selon une copie du mémorandum qu'a envoyé jeudi M. Salamé à M. Khalil, et dont L'Orient-Le Jour a pu obtenir samedi une copie qui a été authentifiée par une source proche de la BDL, le gouverneur de la Banque centrale réclame que la BDL puisse bénéficier des prérogatives "exceptionnelles et nécessaires" afin de pouvoir réglementer les restrictions informelles déjà en place. Riad Salamé n'évoque pas de nouvelles mesures restrictives dans sa demande, souligne cette source.
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Dans sa lettre, Riad Salamé rappelle que "(...) les circonstances actuelles et exceptionnelles ont poussé certaines banques au Liban à prendre des mesures temporaires de manière à imposer des restrictions à certaines transactions bancaires, ainsi que les virements bancaires vers l'étranger et le retrait d'argent en liquide", et que "l'application de ces restrictions a été, à plusieurs occasions, injuste envers certains clients, notamment en raison d'un traitement inégal entre clients". Le gouverneur de la BDL estime ensuite qu'il "faut organiser ces mesures (les restrictions, ndlr) et les unifier au niveau des banques, afin qu'elle soient appliquées de manière juste et équitable aux dépositaires et autres clients".
Riad Salamé rappelle ensuite que "les lois en vigueur n'autorisent pas clairement la BDL à organiser, désigner ou modifier ce genre de mesures exceptionnelles et temporaires qui sont la conséquence de la situation actuelle du pays". Il demande de ce fait au ministre sortant des Finances "d'oeuvrer auprès des autorités compétentes pour prendre les mesures légales nécessaires afin d'octroyer à la Banque du Liban les prérogatives exceptionnelles et nécessaires afin de pouvoir émettre les réglementations permettant de traiter la situation mentionnée plus haut".
Le gouverneur de la banque centrale évoque "la sauvegarde de l'intérêt général et la protection de la stabilité monétaire et bancaire, qui est l'une des missions centrales de la BDL (...)".
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Le Liban connaît depuis plus de trois mois une importante crise des liquidités. Pour y faire face, les banques ont mis en place d'importantes restrictions, comme le plafonnement des retraits en livres libanaises et la limitation de la circulation du dollar américain. En conséquence, le taux de change de la livre libanaise a grimpé en flèche auprès des changeurs, dépassant cette semaine les 2.500 LL pour un dollar, tandis que le taux officiel observé par les banques reste stable, entre 1.515 et 1.520 livres le dollar.
Malgré la gravité de la situation, Riad Salamé, largement conspué par les manifestants anti-pouvoir, a écarté jeudi soir le spectre d'un effondrement de l'économie libanaise.
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M. Salameh a raison cette fois-ci. Chaque banque est entrain de faire ce qu'elle veut sous le couvercle d'aucune règlementation formelle. Ce n'est pas acceptable pour les banques de se mettre ainsi hors-la-loi ! Les mesures 'de facto' de contrôle des capitaux appliquées par les banques chacune comme elle l'entend, doivent être règlementées et dirigées par la Banque du Liban uniformément pour toutes les banques sans exception.
13 h 08, le 12 janvier 2020