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Économie - Interview

Kanaan : Les recettes prévues pour 2020 en baisse de 4 milliards de dollars

Après avoir transmis mardi soir à la présidence du Parlement la version du projet de budget de 2020 amendée par la commission des Finances et du Budget, le député a accordé hier un entretien à « L’Orient-Le Jour » pour faire le point sur les principaux axes du texte.

Le président de la commission des Finances et du Budget, Ibrahim Kanaan. Photo Dalati et Nohra

Le projet de budget pour l’exercice 2020 a été transmis mardi soir au secrétariat général du Parlement et son président Nabih Berry. Ce dernier a annoncé hier qu’une session plénière sera tenue la semaine prochaine en vue de permettre aux députés de débattre du texte avant de pouvoir procéder au vote final. S’ils parviennent à le faire, ce sera la première fois depuis des décennies que le budget sera voté dans le respect des délais constitutionnels. « La commission des Finances et du Budget a voté le texte il y a une semaine, mais nous avons attendu d’avoir les chiffres actualisés par le ministère des Finances, tenant compte de l’ensemble des modifications que nous avons apportées, avant de le transmettre au président Berry », indique à L’OLJ le président de cette commission, le député Ibrahim Kanaan.


Les chiffres du projet de budget 2020

Selon la version votée par la commission, les dépenses publiques doivent atteindre 18 218 milliards de livres (environ 12 milliards de dollars, au taux de change officiel) pour l’exercice 2020, tandis que les recettes publiques y sont estimées à 13 395 milliards de livres (environ 8,8 milliards de dollars). Le déficit budgétaire devrait donc atteindre 4 823 milliards de livres, auxquels il faut ajouter les 1 500 milliards de livres d’avances du Trésor à Électricité du Liban, ce qui signifie que le déficit public serait autour de 4,2 milliards de dollars. Ibrahim Kanaan précise que ces chiffres reposent sur près de 1 000 milliards de livres (663 millions de dollars) de coupes budgétaires supplémentaires identifiées par la commission, ainsi que sur une baisse des estimations des recettes publiques de 6 500 milliards de livres (4,3 milliards de dollars) par le ministère des Finances en raison de l’aggravation de la crise économique ces derniers mois. « C’est le maximum que l’on puisse faire », lâche-t-il.

À titre comparatif, et selon les derniers chiffres disponibles des comptes publics, le déficit public a atteint 4,02 milliards de dollars à fin octobre, avec des dépenses à 13,4 milliards de dollars et des recettes à 9,38 milliards de dollars.

Contrairement au gouvernement sortant, qui avait annoncé en fanfare mi-octobre l’adoption du projet de budget de 2020 avec un déficit public à 0,63 % du PIB, en basant cet objectif a priori irréaliste sur une estimation de croissance nulle et une inflation prévue aux alentours de 2 à 3 %, Ibrahim Kanaan préfère ne pas s’aventurer sur ce terrain. « Nous avons conscience que les prix augmentent et que la situation économique est difficile. Tant que nous ne savons pas comment les choses vont évoluer sur le plan politique, il est très difficile pour nous de donner une estimation exacte de la croissance et de l’inflation », avoue-t-il.

Lors de son dernier Conseil des ministres, le gouvernement avait basé ses objectifs sur des réductions drastiques des dépenses, principalement obtenues grâce à une baisse considérable du service de la dette pour l’année 2020, d’environ 4 500 milliards de livres, à travers un accord avec la banque centrale. La BDL, qui détient plus de la moitié de la dette en livres, s’est engagée à reverser au Trésor les coupons (les intérêts) de ces obligations pour l’année 2020. Le texte adopté par le gouvernement prévoyait aussi un impôt exceptionnel (valable pour l’exercice 2020 seulement) de 2 % sur le chiffre d’affaires des banques réalisé en 2019. Peu expansif sur ce sujet, Ibrahim Kanaan indique laconiquement que l’accord avec la BDL lui a été « confirmé par le gouverneur Riad Salamé », tandis que l’impôt sur le chiffre d’affaires des banques est « pour l’instant maintenu », mais pourrait être « revu » dépendamment de l’évolution de la situation du secteur bancaire, « déjà difficile ». L’agence de notation américaine Moody’s avait déjà mis en garde fin octobre contre les effets négatifs de telles mesures.

Le projet de budget de 2020 prévoit également une baisse significative (de 40 % par rapport à 2019) des avances du Trésor destinées à EDL. Cette baisse prenait en considération le début de la mise en œuvre du plan de réforme du secteur de l’électricité et la hausse de production qui devait en découler. Mais l’exécution du plan, déjà retardé par les tergiversations politiques, est complètement suspendue depuis la démission du gouvernement Hariri III fin octobre. Résultat, EDL a déjà fait savoir mardi que la baisse de sa production allait se poursuivre. « La commission ne peut pas augmenter le plafond fixé par le gouvernement, ni tout autre crédit. Elle ne peut que baisser les dépenses prévues. Ce sera donc au futur gouvernement de décider s’il est nécessaire de revoir à la hausse les avances du Trésor à EDL », justifie M. Kanaan. S’agissant de l’augmentation des tarifs de l’électricité (figée depuis 1994) prévue initialement par le plan de réforme pour début 2020, il estime là encore que ce sera une décision que devra prendre le nouvel exécutif.


(Lire aussi : Le budget 2020 approuvé en commission, le ratio déficit/PIB maintenu)



Dix institutions publiques supprimées en 2020

Toujours sur le plan des dépenses, le président de la commission des Finances précise que l’ensemble des coupes budgétaires prévues par le gouvernement sortant ont été maintenues. « Les 1 000 milliards de réductions budgétaires supplémentaires identifiées par la commission ont pu être réalisées en baissant davantage les dépenses courantes, à l’instar des aides apportées aux associations et aux festivals, ainsi qu’une baisse de 50 % des dépenses d’entretien et de 20 % des dépenses consacrées aux équipements », illustre-t-il. Le gouvernement sortant avait décidé de la baisse de 70 % des budgets du Conseil pour le développement et la reconstruction, du Conseil du Sud et de la Caisse des déplacés, et avait prévu la suppression ou la fusion de plusieurs établissements publics. « Une dizaine d’institutions seront supprimées en 2020 », précise Ibrahim Kanaan. Il assure également que le poste de dépenses consacré aux salaires et traitements de la fonction publique sera stabilisé en 2020. « Le gel du recrutement a été respecté en 2019, et nous avons effectué un contrôle en amont des budgets des différents ministères et institutions pour annuler l’ensemble des fonds destinés à financer des tentatives d’embauches masquées », confie-t-il. Le gouvernement sortant a également prévu un gel des augmentations des salaires dans la fonction publique dans le projet de budget de 2020.

S’agissant de l’épineux dossier des comptes publics reconstitués et des lois de règlement, M. Kanaan assure que le Parlement compte les voter dans les délais « exceptionnels » octroyés par la loi votée en juillet, mais « après le vote du budget 2020 ». Cette loi, votée en parallèle du budget 2019, accorde des délais supplémentaires au gouvernement et à la Cour des comptes pour préparer et transmettre au Parlement les projets de lois de règlement (les bilans comptables de l’État), et leur a permis de contourner ainsi une nouvelle fois la Constitution. Le texte accorde au gouvernement un délai de six mois après la publication du budget 2019 au Journal officiel, pour transmettre au Parlement les lois de règlement et comptes reconstitués audités de 1993 à 2017 sur lesquels elles devront se baser. Le Parlement à son tour a un délai de six mois pour les approuver, donc jusqu’à octobre 2020.

Les comptes reconstitués par la direction générale du ministère des Finances ont été transmis début 2019 à la Cour des comptes. « Celle-ci a été autorisée à recruter les ressources humaines nécessaires pour cette mission. C’est un processus long et complexe, mais qui sera mené à bout », promet Ibrahim Kanaan.


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commentaires (6)

Avec ses connaissances des chiffres mr Kanaan doit avoir réaliser que la situation du pays, diagnostiquée comme désastreuse, est en fait mortelle...ce que les chiffres occultent quand-même ce sont les responsabilités de l'équipe au pouvoir... Il lui faut apprendre la règle de trois : le Liban son Peuple et c'est tout...

Wlek Sanferlou

21 h 06, le 09 janvier 2020

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Commentaires (6)

  • Avec ses connaissances des chiffres mr Kanaan doit avoir réaliser que la situation du pays, diagnostiquée comme désastreuse, est en fait mortelle...ce que les chiffres occultent quand-même ce sont les responsabilités de l'équipe au pouvoir... Il lui faut apprendre la règle de trois : le Liban son Peuple et c'est tout...

    Wlek Sanferlou

    21 h 06, le 09 janvier 2020

  • Ils sont très précis quand il s'agit de chiffrer les déficits mais traîne des pieds et persent la mémoire quand il s'agit de savoir combien et où sont passés les milliards dilapidés et pillés depuis des décennies. Plus le déficit se creuse et plus ils prennent leur temps pour enfin appliquer les lois de la constitution et former ce gouvernement tant attendu. Ce qui n'est pas pour nous déplaire. La faillite du pays est égale a un jugement imminent de tous les voleurs par des instances capables. Prenez votre temps nous ne sommes pas pressés.

    Sissi zayyat

    18 h 56, le 09 janvier 2020

  • Encore un budget style "calcul d'epicier". Sans strategie, sans vision, et sans aucun rapport a la realite. Meme compare aux budgets des annees precedentes, dont les ecarts a la realite avoisinaient les plus ou moins 70%, le budget 2020 promet d'etre un grand cru!

    B Malek

    18 h 52, le 09 janvier 2020

  • Rendez l'argent volé et tout ira pour le mieux.

    Christine KHALIL

    08 h 11, le 09 janvier 2020

  • Pourquoi faut-il que le président de la commission des finances soit un avocat de formation? Puisque la commission n'a pas adoptée le projet de budget annoncé par Hariri avant sa démission ceci veut dire que le projet n'était pas réaliste au départ. Les responsables ne réalisent toujours pas que le vrai problème c'est l'économie qui régresse après avoir endommagé le secteur privé. À la fin janvier, le ministres des finances va nous annoncer la bonne nouvelle que les salaires de la fonction publique sont assurés alors que le secteur privé, qui finance ces salaires, a subi des licenciements en masse et des coupes de salaires dramatiques?

    Zovighian Michel

    07 h 24, le 09 janvier 2020

  • LES RECETTES EN BAISSE DE 4 MILLIARDS DE DOLLARS. COMMENT PARLER DE BUDGET D,AUSTERITE ALORS ? IL LEUR FAUT UN AKHWAT CHANAY POUR LE REDRESSEMENT DES TUYAUX FINANCIERS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    06 h 33, le 09 janvier 2020

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