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Économie - Réformes

Le budget pour 2019 signé, celui de 2020 en ligne de mire

Le déblocage des fonds de la CEDRE n’est pas encore acquis.

Le président Michel Aoun a signé hier la loi de finances pour 2019. Photo Dalati et Nohra

Juste à temps, malgré le retard. Après près d’une semaine d’incertitudes, le président Michel Aoun a signé hier le budget pour 2019 voté le 19 juillet par le Parlement, après avoir refusé de le faire dans un premier temps, en raison d’un désaccord sur une disposition incluse dans le texte.

La loi de finances, déjà paraphée par le Premier ministre Saad Hariri et le président du Parlement Nabih Berry, peut donc être publiée au Journal officiel et permettre à l’État de gérer les finances publiques sans contourner la Constitution pendant les cinq mois restants de 2019 – le texte ayant été voté avec plus de six mois de retard sur le calendrier prévu par la Constitution. Le timing est d’autant plus opportun que l’autorisation du Parlement permettant à l’État de se financer sans budget en suivant une interprétation extensive de la règle du douzième provisoire a expiré dans la nuit d’hier à aujourd’hui.

Cette autorisation avait été votée une première fois en mars, alors que le gouvernement avait espéré que la loi de finances entre en vigueur avant le 31 mai. Mais face à la lenteur du processus, les députés l’ont prolongée jusqu’au 31 juillet. Le gouvernement n’avait en effet entamé l’examen de l’avant-projet de budget que le 30 avril. La commission des Finances et du Budget a, elle, démarré ses travaux le 10 juin, tandis que le Parlement ne s’est penché sur le texte que le 16 juillet.


(Lire aussi : Aoun invite la Chambre à expliquer le concept de « conformité aux impératifs de l’entente nationale »)



Interprétation de l’article 95

Le fait que le président ait accepté de signer le texte après l’avoir rejeté une première fois jeudi dernier n’est pas vraiment une surprise. Plusieurs sources proches du dossier ayant indiqué à L’Orient-Le Jour ces derniers jours que la situation allait être rapidement débloquée. Mais le désaccord est toujours d’actualité et porte sur la présence d’une modalité de mise en œuvre de l’article 80 de la loi de finances instituant le gel des recrutements sous toutes leurs formes (contractuels, journaliers, prestataires de service…) dans la fonction publique.

Un alinéa aménage cette disposition en suggérant de préserver « les droits des lauréats du concours du Conseil de la fonction publique » qui n’avaient toujours pas intégré les rangs des fonctionnaires deux ans après les résultats. Cet aménagement avait été rejeté notamment par les députés et ministres du groupe parlementaire Liban fort (principalement composé de membres du Courant patriotique libre fondé par le président) et aurait dû être retirée du texte suite à un accord « de couloir » scellé pendant les débats parlementaires sur la loi de finances. En définitive, le président Michel Aoun a accepté de signer le budget incluant l’article 80, qui est désormais au centre d’un débat autour de l’interprétation de l’article 95 de la Constitution et plus particulièrement de la notion « d’impératifs de l’entente nationale » qui régit les questions d’affectation dans la fonction publique, la magistrature, les institutions militaires et sécuritaires ou encore les établissements publics (voir page 2).

Pour le reste, tout a déjà été dit ou presque sur ce texte très attendu par les soutiens du pays présents lors de la conférence de Paris (la CEDRE), qui ont réservé plus de 11 milliards de dollars en prêts et dons pour financer des projets de réhabilitation des infrastructures du pays, inclus dans le programme d’investissement (Capital Investment Plan, CIP) préparé par le gouvernement. Avec la mise en œuvre du plan de réformes pour l’électricité – adopté au printemps par le gouvernement –, l’adoption d’un budget posant les bases d’une réduction du ratio déficit public/PIB (en principe sur une base d’un point de pourcentage par an pendant cinq ans) fait partie des principaux engagements de réformes pris par le Liban pour obtenir le déblocage de l’enveloppe.


Nouveau round de discussions

« Si le groupe international de soutien (GIS) au Liban et la Banque mondiale – le plus gros contributeur de l’enveloppe de la CEDRE avec 4 milliards de dollars – ont déjà salué l’adoption du budget, il est toutefois encore trop tôt pour crier victoire et aucun calendrier n’a été encore fixé », tempère auprès de L’Orient-Le Jour une source proche du dossier. « Les discussions sont toujours en cours, menées par la France, et conformément à ce qui a été convenu en avril 2018. La prochaine étape va consister pour l’État libanais à mettre en place des mécanismes de suivi pour contrôler l’utilisation des fonds », commente une autre source.

« La CEDRE s’inscrit dans un cycle de trois conférences organisées au premier semestre 2018 avec Rome II, en mars, consacrée au soutien des Forces armées et de sécurité intérieure, et Bruxelles II, axée sur la question des réfugiés, en mai. Elle se focalise sur le redressement de la situation financière du pays – qui est très endetté – et la restructuration de son économie, peu productive, à travers des projets-clefs. L’enveloppe de CEDRE n’est pas de l’argent simplement mis à la disposition du pays comme cela a été le cas lors des précédentes conférences de soutien (Paris I en 1998, II en 2002 et III en 2007). Les fonds seront débloqués projet par projet et il va désormais y avoir un nouveau round de discussions », expose de son côté un autre expert contacté par L’Orient-Le Jour.

Sur ce plan, la question de l’Autorité de régulation du secteur de l’énergie pourrait être centrale. Le plan de réforme du secteur de l’électricité a en effet été adopté sans que ne soit réglée la question de sa création, pourtant déjà prévue par une loi (n° 462/2002). L’ambassadeur de France au Liban s’est réuni hier avec le président Aoun, pour notamment aborder « l’étape d’après » l’adoption du budget. Le Premier ministre a présidé de son côté une réunion du Haut Conseil de la privatisation et des partenariats public-privé (HCPP, rattaché à la présidence du Conseil des ministres), en principe compétent pour contrôler le déroulement de certains appels d’offres.Enfin, une source bancaire souligne de son côté la dimension « symbolique » du budget de 2019 et insiste sur le fait que les dirigeants libanais doivent aller au bout de leur effort en adoptant la loi de finances pour 2020 dans les délais prévus par la Constitution, c’est-à-dire avant la fin de l’année civile. Une recommandation déjà formulée par l’Association des banques du Liban, le GIS et la Banque mondiale depuis le 19 juillet.


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