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Monde - Éclairage

Pourquoi l’Iran risque de fermer complètement la parenthèse révolutionnaire

L’assassinat du chef de l’unité d’élite al-Qods soulève des questions quant à l’avenir des révoltes actuelles au Moyen-Orient.

Des étudiants irakiens lançant des ballons lors d’une manifestation antigouvernementale à Kerbala, en Irak, hier. Mohammed Sawaf/AFP

L’assassinat du général Kassem Soleimani par les États-Unis risque de mettre à mal l’avenir des mouvements de révolte qui se sont emparés du Liban, de l’Irak ou même de l’Iran depuis le mois d’octobre dernier. La mort du commandant en chef de l’unité d’élite al-Qods au sein des gardiens de la révolution iranienne a été perçue positivement par beaucoup dans le monde arabe, qui voyaient en lui le cerveau derrière la répression que subissent, à différentes échelles, les contestations en cours dans la région. D’autres, néanmoins, craignent qu’elle ne soit synonyme d’une escalade de la violence, dont les populations seront les premières à faire les frais, entraînées malgré elles dans un conflit direct entre les États-Unis et l’Iran sur leur territoire. Plus que jamais auparavant depuis le déclenchement des soulèvements, la guerre des axes sur les scènes locales est à l’ordre du jour.


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Conspiration

Dès les premiers bouillonnements populaires à Bagdad et Beyrouth, Téhéran n’a eu de cesse de crier à la conjuration pour les dénoncer. Le guide suprême avait aussi qualifié les manifestations en Iran, en novembre dernier, de « complot dangereux », accusant notamment des « ennemis » de l’étranger d’être à l’origine de ces troubles, au premier rang desquels les États-Unis, l’Arabie saoudite et Israël. Ce discours avait été repris par ses supplétifs dans la région. En témoignent les propos de Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, lors de son allocution du 25 octobre dernier. Il avait remis en question la spontanéité de la contestation et sa cooptation possible par des ennemis régionaux, apparaissant aux yeux de nombreux manifestants comme le garant le plus puissant d’un système honni. « Je dis aux gens : faites attention, ne croyez pas ce que disent les ambassades », avait-il alors affirmé.

Depuis la mort de Soleimani, les alliés de Téhéran dans la région ont encore durci leurs discours à l’encontre de ceux qui les critiquent, dans la logique du « qui n’est pas avec nous est contre nous ». Le haut commandant du Hachd al-Chaabi, une coalition de milices pro-iraniennes théoriquement intégrées à l’État irakien mais dépendantes dans les faits directement de Téhéran, a appelé « toutes les forces nationales à serrer les rangs pour bouter les troupes étrangères » hors d’Irak, faisant implicitement référence aux États-Unis. Beaucoup d’Irakiens craignent une aggravation de la violence contre les manifestants. Si la répression a fait jusque-là près de 460 morts, elle est toujours montée d’un cran après les atteintes directes contre des symboles fort de la puissance iranienne. Téhéran est dans le collimateur des manifestations en Irak depuis le début de la révolte. Les manifestants perçoivent derrière l’incurie gouvernementale la mainmise iranienne sur le pouvoir politique dans le pays. Emblématique de ce ras-le-bol, le consulat iranien de Najaf, ville sainte du chiisme, avait été partiellement brûlé fin novembre dernier. Mais depuis la mort de Kassem Soleimani, les manifestants défilent pour dénoncer à la fois les États-Unis et l’Iran.


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« Beaucoup d’Irakiens ont le sentiment de subir une double occupation, iranienne et américaine. Chacun des deux camps et leurs médias respectifs se focalisent sur les manifestations contre l’autre pays. Mais, en fait, il y a une résurgence d’un sentiment national irakien qui refuse toute interférence étrangère », résume Karim Émile Bitar, directeur de l’institut des sciences politiques à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth. Il y a fort à parier que les requêtes des manifestants ne seront pas entendues, d’autant moins que le leader populiste chiite Moqtada Sadr a annoncé la renaissance de l’Armée du Mahdi, dissoute depuis au moins une décennie, mais qui avait semé la terreur parmi les soldats américains en Irak, et ordonné à ses combattants de se « tenir prêts ». M. Sadr s’était fait ces dernières années le porte-parole d’un nationalisme chiite dans lequel nombre de manifestants dans les rues d’Irak se reconnaissent. La fixation actuelle du leader sur les États-Unis pourrait signifier que ses partisans « sadristes » fassent défection et ne participent plus au mouvement de contestation. Dans le discours qu’il a tenu hier après-midi, Hassan Nasrallah s’est montré particulièrement virulent, recourant à un langage belliqueux qu’il n’avait pas utilisé à un tel degré au cours des derniers mois. Le leader chiite libanais a appelé l’Irak à se libérer de « l’occupation américaine ». Son allocution a été régulièrement interrompue par les slogans de ses partisans, qui scandaient notamment « Mort à l’Amérique ». « Il ne faut pas s’attendre à ce que la position du Hezbollah soit plus conciliante. Au contraire, il pourrait en profiter pour resserrer la fibre communautaire et étouffer dans l’œuf toutes les revendications sociales, économiques et culturelles, afin de se focaliser exclusivement sur le sécuritaire », observe M. Bitar.


(Lire aussi : Nasrallah ignore le Liban : tant mieux ou tant pis ?l'édito d'Elie Fayad)


Entre crainte et jubilation

En Iran, Kassem Soleimani est perçu par beaucoup d’Iraniens comme un héros national. Les médias locaux font état d’une population éplorée qui réclame vengeance en brûlant des drapeaux américains et israéliens. Ces images tranchent avec celles des manifestants qui brûlaient des portraits de l’ayatollah Ali Khamenei et de l’ancien commandant de la force al-Qods au cours de la dernière vague de manifestations. Elles tranchent également avec les slogans phares qui appelaient à la fin de l’interventionnisme iranien dans la région. « Il y a à peine quelques semaines, des millions d’Iraniens étaient dans les rues et criaient “À bas la République islamique”. À l’époque, les autorités avaient coupé l’internet et perpétré un bain de sang à huis clos. Là, en revanche, les gens manifestent devant les caméras, mais en l’absence de journalistes du monde entier », rappelle Mahnaz Shirali, sociologue spécialiste de l’Iran. « En fait, au départ, beaucoup d’Iraniens ont exprimé leur bonheur à l’annonce de la mort de Soleimani. Mais très vite, 24 heures après, les gens sont retombés dans la peur, en se demandant ce qui pourrait bien se passer après », ajoute-t-elle.

« Entre l’avant et l’après-1979, la principale continuité repose sur un sentiment nationaliste très puissant. C’est pour cela que cet assassinat pourrait finir par conforter l’aile dure à Téhéran en créant un réflexe de ralliement autour du drapeau. Même les Iraniens les plus hostiles à la politique de leurs dirigeants font bloc dès lors qu’ils sentent qu’il y a une épée de Damoclès et une menace extérieure », commente pour sa part Karim Bitar.

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commentaires (4)

LE REGIME DE LA TERREUR VA TERRORISER DE PLUS EN PLUS. MAIS PAS PARTOUT. ON NE DEVRAIT PAS LE LAISSER FAIRE. SI LES SUPPLETIFS FONT DES ACTIONS LES REACTIONS DEVRAIENT LES FRAPPER ET FRAPPER AVANT TOUT LA TETE.

LA LIBRE EXPRESSION

18 h 14, le 06 janvier 2020

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Commentaires (4)

  • LE REGIME DE LA TERREUR VA TERRORISER DE PLUS EN PLUS. MAIS PAS PARTOUT. ON NE DEVRAIT PAS LE LAISSER FAIRE. SI LES SUPPLETIFS FONT DES ACTIONS LES REACTIONS DEVRAIENT LES FRAPPER ET FRAPPER AVANT TOUT LA TETE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 14, le 06 janvier 2020

  • JE CONSEILLE AUX RÉVOLUTIONNAIRES LIBANAIS BEAUCOUP DE CIRCONSPECTION ET DE SAGESSE, SINON : SAUVE QUI PEUT, SAUVE QUI PEUT, SAUVE QUI PEUT !

    Chucri Abboud

    18 h 00, le 06 janvier 2020

  • Il se déplaçait sans protection et dans une voiture normale parce qu'il était l'allié des Americains pendant toute la guerre en Irak contre les EI. A force de changer de camp en passant d'allié à ennemi et de tremper dans des affaires qui les dépassent, ces gens-là finissent tous de la même façon. Éliminés par les uns ou par les autres. Quant aux pauvres irakiens qui demandent l'extradition des américains, ils ne savent pas que le fait même de les voir partir signifie un adieu à leur liberté et à leur dignité. Ils ont fait appel aux américains pour les sauver des daesh mais à qui feront ils appel pour en finir avec les iraniens à fortiori allies des russes? Les vendus de l'Iraq ne valent guère mieux que ceux du Liban. Ils voient leur intérêt personnel en premier en se fourrant dans des sales draps qui leur colleraient à la peau et leur serviraient de linceul, si par bonheur ils ne seraient pas déchiquetés par une bombe

    Sissi zayyat

    15 h 16, le 06 janvier 2020

  • L elimination de SOLEIMANI,du pain beni pour le regime de Teheran...a croire que ce dernier l a meme favorisee ...le general iranien curieusement se deplacait sans aucune mesure de protection minimale,comme l usage de vehicule blinde....

    HABIBI FRANCAIS

    09 h 42, le 06 janvier 2020

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