D’une certaine manière, on peut dire que Hassan Nasrallah s’est plutôt bien sorti de l’exercice périlleux auquel il s’est livré dimanche dans son discours consacré à l’affaire du meurtre par l’armée américaine de Kassem Soleimani. L’enjeu, pour le secrétaire général du Hezbollah, était de taille : comment répondre comme il se doit à l’énorme défi posé par la liquidation de l’homme qui était la clé de voûte de ce que les pro-iraniens nomment fièrement l’« axe de la résistance » ; comment, dans le même temps, montrer que cet axe continue d’exister et de prospérer et que le Hezbollah en demeure partie intégrante ; et, enfin, comment faire en sorte que malgré ce qui précède, le territoire libanais – mais pas nécessairement l’État – reste autant que possible à l’écart des retombées de cette affaire.
En effet, lorsque Hassan Nasrallah appelle à cibler les militaires américains dans la région en guise de « juste châtiment » pour l’assassinat du haut responsable iranien, il exclut de facto le sol libanais de toute opération de représailles, puisqu’il n’existe pas au Liban de présence militaire américaine, sous quelque forme que ce soit. En outre, le patron du Hezbollah a bien pris soin, de façon plus appuyée que de coutume, de prohiber toute action ciblant des civils américains. Le contraire eût d’ailleurs mis en émoi le pays et fortement embarrassé ses alliés politiques.
Faut-il se féliciter de cette évolution du Hezbollah vers une plus grande prise en compte de l’espace et des particularités du Liban dans ce qui touche aux intérêts et à la politique de l’« axe de la résistance » ? Dans une très petite mesure, oui. Cette prise en compte commence en effet à devenir une réalité plus ou moins tangible, ce qu’on a pu observer à quelques occasions au cours des dernières années. Mais ce satisfecit ne peut être que très relatif parce que dès lors qu’il s’agit du processus de « libanisation » du parti de Dieu, l’histoire se montre plus lente qu’un escargot et qu’au-delà de la question territoriale, les prises de position du Hezb continuent de porter en elles de graves périls pour le Liban ; si ce n’est sur le plan militaire, c’est le cas dans les domaines politique, financier et économique.
Voilà des années que le Hezbollah est partie prenante au sein des gouvernements qui se succèdent au Liban, sans que cela ne l’empêche de mettre en œuvre sa politique privée dans un certain nombre de domaines normalement réservés à l’espace régalien. Cette situation contribue à aggraver la schizophrénie dont souffre l’État libanais depuis bien longtemps et qui est l’une des principales causes de l’effondrement de la gouvernance dans ce pays, à côté de la corruption, du clientélisme à grande échelle et de l’incompétence.
Après le discours de Hassan Nasrallah, dimanche, on se retrouve dans la situation suivante : un parti politique libanais armé, membre influent des coalitions gouvernementales successives, appelle à tuer des militaires d’une grande puissance amie du Liban; une puissance qui est la principale source d’assistance pour l’armée libanaise, un membre effectif du Groupe international de soutien au pays du Cèdre, et un État dont un grande nombre de citoyens libanais portent la nationalité… Au final, ce qu’on pense de Donald Trump et de sa politique dans le monde et dans la région importe peu, car ces contradictions-là, c’est le Liban qui, hélas, est appelé à en payer le prix fort, et certainement pas l’Amérique.
Passons, en outre, sur le fait que les propos du secrétaire général tombent sous le coup de la loi, personne n’étant censé appeler à tuer des ressortissants – civils ou militaires – d’un État avec lequel on n’est pas en guerre…
Mais il y a autre chose encore : quelque chose qui tient à la culture même du Hezbollah. Alors que le pays du Cèdre est exsangue, qu’il est en phase d’effondrement moral, politique, économique, financier, social et écologique, et qu’un mouvement de contestation sans précédent y a éclaté, y compris dans l’environnement humain de ce parti, le chef de cette formation se permet de discourir fiévreusement pendant près de deux heures en prononçant une seule fois le mot Liban, de façon tout à fait accessoire, dans le cadre d’une énumération d’une liste de contrées censées faire partie de l’« axe de la résistance ».
Cent ans après la proclamation du Grand Liban, 76 ans après son indépendance, cette entité continue de ne pas peser lourd dans l’esprit de certains Libanais : voilà la triste réalité…
commentaires (7)
Quand HN a dit qu'il allait faire un discours j'ai cru stupidement qu'il consacrera ce discours a la situation Libanaise et au ministere qui n'en fini pas d'etre forme tous les 3 jours dixit Aoun et autres avec quelques mots de sympathie et de condoleances pour Sleimanie Contrairement aux problemes majeurs des Libanais , HN a parle durant deux heures du meurtre des generaux Iraniens et chefs de milices Irakiennes et pas un mot sur les problemes du Liban. Il a aussi menace toute l'armee Americaines de reprisailles majeurs alors que toute cette affaire ne nous concerne en aucune maniere de pres ou meme de loin. Il a oublie donc que l'Amerique, NOS AMIS, fourni a l'armee Libanaise les armes necessaires pour la lute contre tout ennemi du Liban a commencer par les restes de ISIS PAS UN MOT SUR LES PROBLEMES DE CONSTITUTION DU GOUVERNEMENT JUSTE DES PROMESSES D'ATTAQUES SUR L'ARMEE AMERICAINE DANS LE MONDE ENTIER Qui est ce personage pour se permettre de menacer un pays ami du Liban sans etre poursuivi par la justice et honte a un soit disant president ( et gendre ministre des affaires etrangeres) qui n'ont pas ose ouvrir leur bouche pour condamner fermement cette prise de position alors qu'ils envoie en justice toute personne qui les critique HASSAN NASRALLAH CONTROLE LE LIBAN C'EST UNE EVIDENCE TOUS LES AUTRES SONT DES MARIONETTES PAUVRE LIBAN
LA VERITE
13 h 30, le 07 janvier 2020