Ce que nous aura appris 2019

L’année 2019 aura été chargée en émotions. Elle aura été une belle montagne russe. Des hauts et des bas pour tout le monde, comme chaque année qui passe. Mais 2019 fut différente. Pour moi, pour nous, pour vous, pour le Liban. Elle aura été une leçon, une grande leçon. Nous apprenant qu’après de nombreuses années de léthargie et d’immobilisme, de résignation et de tristesse, le peuple, notre peuple, pouvait avoir ce sursaut qu’on attendait depuis longtemps. Ce peuple dont nous avons décidé de faire partie malgré cette distanciation que nous avions créée, nous séparant des Libanais… que finalement nous sommes.

2019 nous aura rappelé que Beyrouth ne mourra jamais. Que mille fois morte et mille fois ressuscitée, cette ville ne capitulera jamais. Comme ne capituleront pas Tripoli, Nabatiyé, Sour, Saïda, Baalbeck, Jounieh, Jal el-Dib et tant d’autres. Comme ne capituleront plus les Libanais depuis qu’ils ont réalisé la saleté de leurs dirigeants. 2019 nous aura appris que le mal existe et que le mal c’est l’absence d’empathie. Que le mal existe en chacun d’entre nous mais surtout en eux. Eux, ces hommes censés nous servir. Eux, ces hommes censés travailler pour nous. Eux, ces hommes censés nous représenter. 2019 nous aura appris qu’ils ne représentent rien, si ce n’est la racaille politique dans toute sa splendeur. Une splendeur qu’eux seuls se sont appropriée. Comme ils se sont approprié ce pays qui est le nôtre. Le détruisant pernicieusement à coups de vol et de mépris. Le cambriolant au vu et au su de tout un peuple.

2019 nous aura appris que les Libanaises en ont plus que les hommes. Qu’elles sont le porte-drapeau de tout un pays. Qu’elles sont l’incarnation de la résistance et de la liberté. Qu’après des décennies où elles ont été considérées comme des citoyennes de seconde zone, elles ont décidé de montrer que c’était elles les fanions de cette révolution. 2019 nous aura appris que la jeunesse, fascinée et effrayée par l’avenir, se foutait des zaïms, des partis politiques, de leur passé qui ont figé leur avenir. Qu’ils se foutaient, ces jeunes, de cette guerre civile que tout le monde a perdue. Qu’ils se foutaient du confessionnalisme, et de cette sectorisation et de cette division qu’on nous a imposées pour mieux régner. Cette année qui vient de se clore nous aura appris que les questions et les réponses se trouvaient dans cette jeunesse pleine de fougue. Que c’est cette jeunesse qui sera salvatrice. Elle nous aura donné la force de nous surpasser. La force de contrôler nos angoisses. La force de nous battre enfin.

2019 nous aura appris à écouter les autres. À suivre leur quête du bonheur. Et comme disait Brel le 1er janvier 1968 en nous souhaitant « surtout d’être vous, fier de l’être et heureux, car le bonheur est notre destin véritable », que le bonheur est à portée de nos mains. Qu’il réside dans notre (ré)union qui devra être indéfectible. 2019 nous aura appris qu’une révolte est un changement qui se produit en soi, qu’une révolution est un tour que l’on accomplit vers soi-même. Qu’après n’avoir vécu que des instants, nous avons décidé de finir cette tâche que nous avons entamée un 17 octobre. Cette tâche, même si l’on sait qu’elle prendra des années, nous ne la lâcherons pas. Parce que 2019 nous a appris que notre destin était intrinsèquement lié à celui du Liban. Que nous avons gagné plusieurs batailles et que nous gagnerons cette guerre.

2019 nous a confirmé que 2020 sera difficile. Très difficile. Mais que malgré toutes les embûches, nous nous relèverons. Parce que cet automne de tous les changements fut un automne de rencontres. Des rencontres qui nous ont permis de grandir. Permis de nous affranchir. Permis de nous révolter contre ce système établi depuis trop longtemps. De nous révolter contre les injustices que l’on nous fait vivre. De nous révolter contre ces quelques centaines de personnes dont l’indécence atteint un paroxysme écœurant.

À mon tour de nous et de vous souhaiter la continuation de notre révolution. De notre thaoura. De vous souhaiter la force et la patience ainsi que la pérennité de cet amour retrouvé pour le Liban.