Depuis sa nomination, le Premier ministre désigné, Hassane Diab, ne cesse d’affirmer sa volonté de mettre en place un gouvernement de spécialistes indépendants. Sauf que cette détermination semble buter déjà sur les desiderata des parties mêmes qui ont appuyé la candidature de l’ancien ministre de l’Éducation à la présidence du Conseil.
C’est ce qui se dégage des propos tenus hier par le ministre sortant de la Jeunesse et des Sports, Mohammad Fneich, membre du Hezbollah. S’exprimant lors d’une cérémonie au Liban-Sud, M. Fneich a déclaré que « le futur cabinet a besoin de couverture politique ». « Nous appelons donc à une large participation au gouvernement de la part de tous les protagonistes », a-t-il lancé, incitant les divers partis à tendre leur main au Premier ministre désigné.
M. Fneich emboîtait ainsi le pas au président de la Chambre, Nabih Berry. À l’issue de son entretien avec Hassane Diab en marge des consultations parlementaires non contraignantes, samedi dernier au Parlement, le chef du législatif avait, lui aussi, plaidé pour que « toutes les factions parlementaires, y compris le courant du Futur, les Forces libanaises et le Parti socialiste progressiste, prennent part au prochain cabinet ». Les trois formations n’avaient pas nommé M. Diab lors des consultations contraignantes à Baabda et ont, depuis, annoncé leur intention de ne pas faire partie de son gouvernement.
Dans quelle mesure les divergences entre Hassane Diab et le tandem chiite compliqueront-elles la tâche du Premier ministre désigné ? De source bien informée, on affirme que M. Diab s’en ouvrira aujourd’hui au chef de l’État, qu’il rencontrera à Baabda. Les milieux du Hezbollah minimisent sciemment, de leur côté, la portée de cette mésentente, appelant à « ne pas se noyer dans les différences de terminologie ». Contactés par L’Orient-Le Jour, ces milieux confient qu’il est difficile de trouver des spécialistes totalement indépendants et estiment que les partis politiques existent et devraient être représentés.
Si les milieux du parti chiite confient que le Hezbollah a promis à Hassane Diab de ne pas mettre des bâtons dans ses roues, ils insistent sur l’importance de ne pas former un cabinet monochrome.
En face, le Premier ministre désigné persiste et signe : il faut que le prochain gouvernement soit composé d’une équipe de spécialistes indépendants, c’est-à-dire non affiliés à des partis politiques, explique à L’OLJ un proche de Hassane Diab, faisant savoir qu’avant même sa désignation, M. Diab avait posé cette condition sine qua non à son acceptation de la lourde charge qui lui était confiée.
S’agit-il d’une opération de séduction à l’intention du mouvement de contestation dont les représentants ont refusé de rencontrer le Premier ministre désigné ? Pour le proche de M. Diab, ce dernier n’a pas besoin de faire un effort pour gagner la sympathie des manifestants. Son adhésion à leurs justes revendications devrait les gagner à sa cause. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il est « pressé de former un gouvernement restreint de technocrates ».
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La rue sunnite
Outre la forme de son équipe, les efforts de Hassane Diab pour mettre en place un gouvernement butent sur un autre obstacle : la couverture sunnite. Une semaine après le retrait du Premier ministre sortant, Saad Hariri, les partisans du courant du Futur continuent à se mobiliser dans plusieurs régions contre la désignation de Hassane Diab, estimant que le processus a « fait fi de la volonté de la communauté sunnite ».
À cela s’ajoute le fait que, selon des sources religieuses sunnites, Dar el-Fatwa, plus haute autorité religieuse sunnite du pays, n’a toujours pas fixé un rendez-vous à M. Diab pour rencontrer le mufti de la République, Abdellatif Deriane. Une information démentie par les milieux proches de M. Diab où l’on assure que ce dernier n’a toujours pas demandé à s’entretenir avec le mufti Deriane. L’ancien ministre Nouhad Machnouk a estimé à cet égard que « les sunnites se sentent marginalisés » par la nomination de M. Diab. Dans une déclaration à la chaîne al-Arabiya, il a appelé M. Hariri à « prendre une position claire vis-à-vis de cette désignation ».Concernant la colère sunnite et les rapports avec Saad Hariri et sa formation, les proches de Hassane Diab rappellent qu’il n’appartient pas à la population de nommer le Premier ministre et que le principe de la conformité au pacte national ne s’applique pas dans la nomination du chef du gouvernement, mais au niveau de la composition de l’équipe ministérielle.
Et ces milieux d’affirmer en outre que les rapports entre MM. Diab et Hariri sont « bons » et de saluer comme « positive » l’attitude du Futur lors des consultations parlementaires contraignantes à Baabda. S’il n’a pas nommé Hassane Diab, le Futur n’a désigné aucune personnalité pour le poste de Premier ministre, et cela est bien, souligne-t-on en substance.
Il n’en demeure pas moins que la formation haririenne semble déterminée à rester en dehors du cabinet Diab, « dans la mesure où elle est convaincue que le gouvernement devrait être formé exclusivement de spécialistes indépendants », comme l’a déclaré Fouad Siniora, ancien Premier ministre et ex-président du groupe parlementaire du Futur.
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Déclaration ministérielle
Outre la composition de la future équipe, les regards seront braqués sur la déclaration ministérielle, dans la mesure où la communauté internationale conditionne toute aide au Liban à la mise sur pied d’une équipe « crédible ». Citées par l’agence al-Markaziya, des sources diplomatiques croient savoir que lors de sa visite à Beyrouth, le week-end dernier, le sous-secrétaire d’État américain pour les affaires du Moyen-Orient, David Hale, a clairement fait comprendre à ses interlocuteurs libanais que pour obtenir la confiance internationale, il faudrait que le respect de la politique de distanciation figure dans la future déclaration ministérielle.
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commentaires (9)
Ils n'ont qu'à faire venir des libanais de l'étranger , de l'Europe . De faire le gouvernement
Eleni Caridopoulou
18 h 52, le 24 décembre 2019