L’émissaire américain David Hale, qui a achevé durant le week-end sa tournée auprès des responsables politiques, a laissé sur leur faim autant ceux qui dénonçaient avant son arrivée les diktats américains que ceux qui les appelaient de leurs vœux : il a répété à la classe politique le même message, selon lequel Washington n’interfère pas dans les affaires intérieures du Liban, en particulier la formation du gouvernement, mais espère de vraies réformes pour lui venir en aide. Le sous-secrétaire d’État pour les Affaires du Proche-Orient, fin connaisseur de la politique libanaise, est reparti avec un constat d’inquiétude quant à la situation, mais sans donner de conseils pour une solution et renvoyant la classe politique à ses responsabilités.
« David Hale est venu assurer que Washington ne veut pas que le Liban aille vers le chaos, ou constitue un terrain de bataille entre l’Iran et les États-Unis », assure une source politique. Lors de tous ses entretiens, il a dit clairement qu’il ne s’ingérait pas dans la formation du gouvernement, alors que les milieux du 8 Mars laissaient entendre avant son arrivée qu’il entendait soutenir la nomination de Nawaf Salam. La nomination au poste de Premier ministre de Hassane Diab, proposé par le Courant patriotique libre et soutenu par le tandem chiite, est intervenue jeudi alors qu’il arrivait au Liban.
M. Hale a assuré à ses interlocuteurs que l’administration américaine « ne juge pas en fonction des personnes » et ne « cherche pas à imposer des diktats », a assuré cette source. Il a ajouté que Washington jugerait le nouveau chef de gouvernement et son équipe en fonction de leurs actes, et surtout de leur engagement à mener des réformes sérieuses. Mais, poursuit cette source politique, « il ne s’agit pas d’un blanc-seing », mais plutôt de renvoyer la classe politique à ses responsabilités, en lui faisant comprendre qu’elle devait prendre en compte le soulèvement dans la rue, la situation financière désastreuse et ne pas se mettre à dos les pays arabes.
(Lire aussi : La contestation refuse de donner quitus à Hassane Diab)
Aucune ligne rouge
L’ancien ambassadeur américain avait rencontré vendredi le président Michel Aoun, le chef du législatif Nabih Berry et le Premier ministre sortant Saad Hariri. Samedi, il s’est rendu auprès du ministre sortant des Affaires étrangères et chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, à son domicile à Bayada, comme il a rencontré le chef des Forces libanaises Samir Geagea à Meerab. Il s’est également entretenu avec le chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt, le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, avec lequel il a évoqué l’aide américaine à la troupe, et le député Michel Moawad, chef du Mouvement de l’indépendance, avec qui il s’est entretenu des moyens qui pourraient être mis en œuvre par Washington « pour aider le Liban à sortir de la crise ».
Si M. Bassil s’est abstenu de toute déclaration à l’issue de leur entretien, une source du CPL affirme que la réunion était « riche et fructueuse » et que « le réalisme politique américain bat son plein », puisque certaines sources avaient laissé entendre, avant la visite de M. Hale, que le chef du CPL n’était pas dans les bonnes grâces des Américains.
Sur la question du gouvernement, l’émissaire américain a souligné que Washington tenait simplement à voir « un gouvernement qui assure la stabilité politique et puisse mener des réformes, sur la base desquelles il sera jugé, sans préjuger de la personne qui le préside », a ajouté cette source du CPL. Elle a ajouté que le responsable US n’avait établi « aucune ligne rouge » concernant le gouvernement et n’avait pas évoqué la présence ou non du Hezbollah au sein de la prochaine équipe. M. Hale a également insisté sur l’importance du dossier de la démarcation des frontières maritimes et terrestres du Liban, toujours selon cette source.
M. Bassil a, de son côté, évoqué devant son interlocuteur la position traditionnelle du CPL réclamant un retour des réfugiés dans leur pays, soulignant que le Liban ne pouvait plus, au vu de la crise économique actuelle, supporter leur poids, a encore ajouté la même source.
Lors de son entretien avec Samir Geagea, qualifié de « très positif » par une source des Forces libanaises, le diplomate américain a évoqué la question de la formation du gouvernement, la crise actuelle et le mouvement de contestation. « Il n’était pas porteur de solution, mais a exprimé l’inquiétude des États-Unis face à la situation, notamment économique et financière », selon cette source. Sur la question du gouvernement, M. Hale a assuré que l’important est que le pays mène les réformes nécessaires, notamment pour lutter contre la corruption, « prévenant que personne n’aiderait le Liban s’il ne s’aide pas lui-même », a encore ajouté cette source FL.
M. Geagea, pour sa part, a assuré que la seule solution était de former un gouvernement d’experts, et réaffirmé que son parti ne participera pas au prochain gouvernement que doit former Hassane Diab. « Nous ne voulons rien du (prochain) gouvernement et nous ne voulons pas l’intégrer. Nous lui souhaitons de réussir », a dit M. Geagea, lors d’un point de presse à l’issue de son entretien avec le responsable américain. « La communauté internationale a une expérience négative avec le Liban, en conséquence de quoi elle n’investira pas un seul sou si elle n’est pas sûre que ces sommes iront au peuple libanais », a prévenu le chef des FL. « Ce qui compte aujourd’hui, c’est la situation économique, financière et sociale du pays, et non les coalitions du 14 et du 8 Mars », a-t-il ajouté.
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La question du gouvernement est un problème sunnite. Il appartient à la communauté sunnite représentée presque entièrement par le "Futur" de nommer le Premier ministre. L'ingérence du CPL, fondé par lez beau-père et livré au beau fils, n'a aucun droit de regard sur ce qui concerne la communauté sunnite. Par conséquent, il est demandé au ministre des Affaires étrangères du gouvernement démissionnaire de s'abstenir de faire la mouche du coche. Un Kesrouanais.
18 h 37, le 23 décembre 2019