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Moyen Orient et Monde - Législatives

Les limites du système politique israélien

Gauche en déclin, question palestinienne ignorée et droite fragmentée : le paysage politique israélien apparaît totalement bloqué sans que rien ne puisse l’en sortir.

Des Israéliens rassemblés avec des pancartes et des drapeaux nationaux lors d’une manifestation de soutien au Premier ministre Benjamin Netanyahu à Jérusalem, le 11 décembre 2019. Ahmad Gharabli / AFP

« La plus dysfonctionnelle de l’histoire politique israélienne. » Voilà comment le site d’information The Times of Israel a qualifié mercredi l’année vécue par l’État hébreu. Comme beaucoup le pressentaient en Israël, la Knesset (Parlement) n’a pas réussi là où le Premier ministre Benjamin Netanyahu et son rival Benny Gantz ont échoué : à savoir réunir les 61 sièges nécessaires pour avoir une majorité dans l’hémicycle, synonyme de la formation d’un gouvernement.

Une autre élection législative, la troisième en un an dans le pays et que tout le monde cherchait à éviter à tout prix, aura donc bien lieu le 2 mars 2020. Elle aura pour but de donner (enfin) un Premier ministre à l’État hébreu et de le sortir de la plus importante impasse politique de son histoire. « Dans des circonstances extraordinaires, et après deux campagnes rapprochées au cours desquelles aucun gouvernement n’a été formé, il est proposé de dissoudre la Knesset et de tenir de nouvelles élections le 2 mars 2020 », expliquait le texte de loi, approuvé à l’unanimité dans la nuit de mercredi à jeudi et entraînant l’autodissolution du Parlement.

L’organisation de ce nouveau scrutin en dit long sur le dysfonctionnement du système politique israélien. Il illustre la « disparition » de la gauche, jusque-là essentiellement incarnée par le Parti travailliste, véritable pilier de la démocratie israélienne et présent dans le paysage politique depuis la création de l’État d’Israël. Même allié aux autres petits partis de gauche (tel le parti Meretz), il ne parvient pas à drainer ne serait-ce que 25 % des voix des inscrits. Les travaillistes avaient, lors des dernières élections d’avril et de septembre 2019, récolté respectivement 4,4 et 4,8 % des voix (ce qui en a fait le parti de gauche le mieux placé dans les résultats).

C’est ainsi que la droite et les partis religieux, eux-mêmes totalement fragmentés, qui mènent la danse dans le paysage politique israélien. Il y a d’un côté la droite qui se veut « propre », celle de l’ancien chef d’état-major de l’armée Benny Gantz, à travers le parti « Bleu-Blanc » ; de l’autre la droite « laïque » d’Avigdor Libermann, chef du parti « Israel Beytenou » ; puis la droite « forte », désormais « corrompue » de Benjamin Netanyahu qui préside le Likoud.

Celui-ci est lui-même en plein blitz après sa décision d’organiser des élections primaires en son sein et où l’un des plus importants membres s’est récemment affiché comme le premier opposant à « Bibi » : il s’agit de Gideon Saar, législateur de haut rang. M. Saar a récemment affirmé qu’en conservant M. Netanyahu à la direction du Likoud, « le gouvernement de droite serait en péril ». Des cadres du parti évoquent la tenue de ces primaires le 26 décembre, ce qui laisse au maximum deux semaines aux potentiels concurrents de M. Netanyahu pour faire campagne. Ces primaires avaient été décrétées au lendemain de la décision du procureur général d’Israël, Avichaï Mandelblit, d’inculper M. Netanyahu pour « malversations », « abus de confiance » et « corruption » dans plusieurs affaires.



(Lire aussi : Netanyahu cherche à tout prix à échapper à un 3e scrutin législatif)


Pour ou contre Netanyahu
Le Premier ministre israélien – qui expédie les affaires courantes – dénonce de son côté une « chasse aux sorcières » et « un coup d’État » de la part des autorités judiciaires israéliennes contre sa personne. Benjamin Netanyahu, 70 ans, détenteur du record de longévité au poste de chef de gouvernement dans l’histoire d’Israël avec treize ans au compteur, n’a cependant aucune obligation légale de démissionner à la suite des inculpations du procureur général.

En tant que Premier ministre intérimaire, il resterait en poste jusqu’à ce qu’un nouveau gouvernement soit formé. Ce processus pourrait prendre des mois après les élections de mars, dans le cas où un nouveau (et énième) cycle tortueux de constitution d’une coalition s’ouvrirait une nouvelle fois. Si son éventuelle reconduction à la tête d’Israël était confirmée à la suite du troisième scrutin, il pourrait, durant son mandat, demander au Parlement de lui accorder l’immunité face aux poursuites.

De leur côté, 52 % des Israéliens pensent que Benjamin Netanyahu devrait démissionner de son poste de Premier ministre après son inculpation, selon un sondage publié par Channel 12 News vendredi dernier et rapporté par le quotidien israélien Haaretz. 57 % des électeurs de droite ont en revanche répondu que « Bibi » devrait continuer à diriger le gouvernement israélien malgré ces accusations. Cela atteste du poids toujours important de ce dernier sur la scène politique israélienne. Il s’est construit une image de protecteur et de « Monsieur Sécurité » d’Israël qu’aucun de ses adversaires ne semble pouvoir dénigrer. Cette nouvelle campagne et ce troisième scrutin auront par conséquent davantage l’allure d’un référendum « pour ou contre le pouvoir de Benjamin Netanyahu », ce dernier jouant sa survie politique mais aussi personnelle.La question palestinienne semble en revanche totalement absente des débats, alors que l’Autorité palestinienne – dirigée par Mahmoud Abbas– devrait organiser des élections dans les territoires qu’elle contrôle, une première depuis 2006. Une troisième élection pourrait toutefois ne pas changer la donne actuelle. Des sondages d’opinion placent déjà MM. Netanyahu et Gantz au coude-à-coude sans être en mesure de rallier avec leurs alliés respectifs une majorité de sièges. Le risque d’une quatrième élection anticipée semble même déjà évoqué sans même que la troisième ait commencé.

Les fractures actuelles au sein du paysage politique israélien, couplées avec la volonté de chacun des leaders de parti de ne pas vouloir (ou presque) faire de concessions, bloquent toute avancée possible pour obtenir une majorité à la Knesset. Toujours est-il que des surprises, qui sont une tradition en Israël, peuvent toujours arriver. L’issue du scrutin sera sans doute plus claire dès le 26 décembre avec les élections au sein du Likoud.


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