Samir el-Khatib connaîtra-t-il le même sort que Mohammad Safadi et Bahige Tabbarah ? Malgré l’annonce par Baabda de la tenue, lundi, des consultations parlementaires contraignantes, les informations restaient floues hier. La plupart des parties concernées reconnaissent, certes, que c’est la première fois depuis la démission de Saad Hariri, le 29 octobre, que les négociations en vue d’un accord sur le prochain gouvernement sont aussi sérieuses et avancées. Mais aucune d’elles ne va jusqu’à être positive, laissant entendre qu’au Liban, rien ne peut être garanti à l’avance et qu’un petit détail peut tout remettre en question à la dernière minute.
Pourtant, depuis deux jours, les indices semblaient pointer vers un déblocage. Contrairement à ce qui avait été dit pendant le week-end, les chances de Samir el-Khatib augmentaient, et dans une grande discrétion, l’ingénieur originaire d’Iqlim el-Kharroub avait poursuivi ses contacts avec toutes les parties concernées pour les sonder au sujet du gouvernement. Il a donc commencé par rencontrer le Premier ministre démissionnaire Saad Hariri qui lui avait déclaré son appui. Mais pour les parties concernées, et en particulier pour Baabda et Aïn el-Tiné, ce n’était pas suffisant, puisque M. Hariri avait aussi appuyé la candidature d’abord de l’ancien ministre Mohammad Safadi, puis celle de l’ancien ministre Bahige Tabbarah, avant de se rétracter ou, en tout cas, de ne pas donner d’instructions à ses partisans de se retirer des rues, dans la Békaa et au Liban-Nord en particulier.
De plus, dans l’épisode Bahige Tabbarah, les sources proches de Hariri avaient déclaré qu’il appuyait sa désignation pour former le gouvernement, alors qu’en même temps, les trois anciens Premiers ministres Fouad Siniora, Tammam Salam et Nagib Mikati, ainsi que le bloc parlementaire du courant du Futur annonçaient qu’ils restaient attachés à la désignation de Saad Hariri pour former le prochain gouvernement.
Échaudées par cette expérience, Baabda, Aïn el-Tiné et Haret Hreik, où se déroulaient l’essentiel des négociations, avaient demandé au Premier ministre démissionnaire de publier un communiqué officiel pour exprimer sa position. Aussitôt, les sources proches de M. Hariri avaient publié un communiqué pour préciser que le Premier ministre démissionnaire appuie la candidature de Samir el-Khatib pour former le prochain gouvernement et compte participer à ce gouvernement à travers une personnalité non partisane. De plus, dans un communiqué, les trois anciens Premiers ministres s’en étaient violemment pris au chef de l’État, l’accusant de violer la Constitution, mais sans réitérer leur appui à la désignation de Saad Hariri à la tête du prochain gouvernement.
Un vent d’optimisme a donc commencé à souffler sur Baabda, Aïn el-Tiné et Haret Hreik. Les discussions ont même commencé à entrer dans les détails. En principe, la formule qui avait le plus de chance d’être adoptée consistait en une équipe de 24 ministres, dont quatre politiques représentant les principaux partis, qui n’obtiendraient pas des portefeuilles mais seraient des ministres d’État, et 20 ministres dotés de portefeuilles. Dans ce contexte, les négociations avaient abouti sur un accord de principe portant sur huit ministres représentant le mouvement de protestation, alors que les 12 restants seraient désignés par les différentes parties politiques mais il s’agirait de personnalités non partisanes. Toujours dans le cadre de ces négociations, les quatre portefeuilles régaliens reviendraient au choix des principaux partis, dans une configuration qui ressemble à celle du gouvernement démissionnaire : Saad Hariri choisirait ainsi une personnalité non partisane pour l’Intérieur, le Courant patriotique libre (de Gebran Bassil) en ferait de même avec les Affaires étrangères. Amal et le Hezbollah choisiraient une personnalité non partisane pour les Finances, et la Défense reviendrait au chef de l’État. De la sorte, les parties politiques impliquées dans les négociations auraient pratiquement le tiers du gouvernement, un tiers irait au mouvement de protestation et un autre tiers serait formé d’experts indépendants ayant un profil acceptable et rassurant à la fois pour la rue et pour les milieux économiques et financiers, locaux et internationaux. En même temps, il a été convenu que le chef du CPL Gebran Bassil ne serait pas membre de ce gouvernement.
Les négociations ayant donc sérieusement progressé et étant entrées dans les détails, il n’y avait donc plus de raison pour ne pas fixer la date des consultations parlementaires contraignantes.
C’est ce qui a été fait par la présidence hier dans un communiqué qui a fixé les rendez-vous des blocs parlementaires et des députés indépendants tout au long de la journée de lundi.
La réaction de la rue ne s’est pas fait attendre et les artères principales de la capitale ont été immédiatement envahies par les manifestants.
La question qui s’est alors posée est la suivante : pourquoi le chef de l’État a-t-il fixé les consultations parlementaires lundi, c’est-à-dire dans 5 jours, au lieu de battre le fer tant qu’il est chaud comme on dit ? Des sources proches des différents protagonistes précisent que l’accord sur le gouvernement n’est pas encore total, preuve en est la rencontre hier soir entre Samir el-Khatib et Saad Hariri. Selon des sources proches des deux formations chiites, Hariri voudrait obtenir des précisions de la part de son candidat probable pour former le prochain gouvernement sur la façon dont il compte traiter certains dossiers.
En fixant à lundi les consultations parlementaires, Aoun aurait donc voulu donner plus de temps aux concertations, sachant qu’il y a aussi une crise de confiance avec notamment le Premier ministre démissionnaire. Dans le même sens, des sources proches de Aïn el-Tiné évoquent les hésitations et les volte-face de Saad Hariri depuis l’annonce de sa démission. Ces mêmes sources se demandent si ceux qui lui ont conseillé de démissionner sans consulter au préalable ses partenaires au sein du « compromis présidentiel » veulent désormais une solution et peuvent accepter une formule de compromis comme c’est le cas avec le gouvernement en gestation. Depuis deux jours, les milieux proches de M. Hariri soufflent le chaud et le froid. À un moment, ils annoncent que le Premier ministre démissionnaire appuie la désignation de Samir el-Khatib et qu’il compte participer au prochain gouvernement par le biais d’une personnalité non partisane, et à un autre, ils précisent qu’il ne participera pas au prochain gouvernement...
En dépit de l’annonce de la date des consultations parlementaires, la situation reste donc floue, et comme le dit le président de la Chambre qui aime citer des proverbes : au Liban, l’expérience nous apprend qu’« il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué ».
commentaires (15)
On prend le monde pour des C--s. Ministères régaliens? Sûrement les mêmes vont se régaler et nous resteroms affamés! De plus c'est quoi un ministère non régalien? S'il est inutile pourquoi en avoir 20???
Wlek Sanferlou
15 h 44, le 05 décembre 2019