Même pas peur

Même pas peur d’avoir peur,

Même pas peur de reconnaître ma peur,

Même pas peur de dire que j’ai peur,

Même pas peur parce que j’ai découvert mon courage le jour où j’ai admis ma peur.

Même pas peur des mots forts,

Même pas peur de m’exprimer, de me confronter à d’autres pensées,

D’avouer mes lâchetés et de vouloir me racheter,

Même pas peur de l’autre, de sa différence, de ne plus croire à ce qu’on en a dit mais de le découvrir moi-même,

Même pas peur de porter mon voile en dehors de mon quartier,

D’exhiber mes seins refaits en extrasize aux côtés d’hommes qui exhibent leurs chapelets,

De crier ma certitude que rien ne peut nous faire revenir en arrière, que c’est déjà gagné.

Même pas peur de la menace de la crise économique, je la vis,

Même pas peur de perdre mon confort, de manquer d’argent, de manquer de tout,

Même pas peur parce ce que ce que j’avais n’était que mirage, mensonge,

Même pas peur parce je ne suis pas seule, parce que je partage le sort de mes concitoyens,

Même pas peur surtout parce que je sais que les responsables, nous leur ferons payer leurs crimes,

Même pas peur d’une voiture qui fonce sur nous,

De coups de feu qui retentissent de je ne sais où,

Même pas peur qu’on enlève mon fils, mon frère ou qu’on m’enlève à moi, parce que je sais aujourd’hui que le peuple nous protège,

Même pas peur parce qu’on ne les laissera plus faire, on ne se laissera plus avoir,

Même pas peur parce que nous les aurons.

Même pas peur parce que je n’ai plus rien à perdre ?

Ou parce que j’ai découvert ma force cachée, ma puissance ?

Même pas peur parce que je suis femme, parce que je me sens invincible en dépit de ma fragilité,

Même pas peur parce que je ne dois pas prétendre avoir des moyens physiques pour me battre, ni des armes, sinon mon regard, ma douceur, et ma mère, ma sœur, mon amie ou mon enfant à mes côtés.

Même pas peur parce que je ne prétends plus me mettre à l’abri sous prétexte que j’ai la responsabilité de mes enfants.

C’’est cette même responsabilité qui me pousse désormais à braver ma vraie peur, celle de les voir grandir dans ce pays devenu malsain et toxique, ou de les voir partir.

Même pas peur parce que je suis révoltée, et si la peur me fait fuir, la révolte me pousse de l’avant, me donne des ailes et des pouvoirs jusqu’alors insoupçonnés.

Vive la révolte, vive la révolution, vive les Libanais !

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