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Lifestyle - Beyrouth Insight

Dans le café de Nat et Nad, il ne faut pas voir que du noir

Elles ont le don de faire rire sans forcer, provoquer l’hilarité tout en restant sobres, et leur cynisme n’a d’égal que leur talent. Coup d’œil sur deux jeunes femmes qui osent rire de tout sur les réseaux sociaux avec leur « Coffee Break ».

Nathalie Masri et Nadyn Chalhoub, le duo très inspiré derrière « Coffee Break ». Photo D.R.

En ces temps délicats, la plupart des situations difficiles, des frustrations, des revendications, voire des dénonciations directes, passent mieux quand elles sont exprimées avec humour, talent et élégance. C’est l’exploit que parviennent à réaliser Nathalie Masri et Nadyn Chalhoub, dans un genre grinçant qui a trouvé dans la révolution libanaise d’octobre 2019 une source d’inspiration inépuisable. Des sketchs tranchants et désopilants, postés sur les réseaux sociaux sous le label de Coffee Break. Une forme d’échange truffé de drôlerie et de spontanéité, un exercice réussi pour analyser de leur œil acéré l’actualité, et une véritable démonstration d’écriture, de cynisme et d’humour noir.


Comme deux papillons qui font mouche

Diplômée de la NDU en graphic design, Nathalie Masri (39 ans) travaillait en free-lance avant de monter sa propre boîte Operation Unicorn. C’est d’abord le métier qui lui fait rencontrer Nadyn Chalhoub (28 ans), diplômée de l’USEK, pour réaliser ensuite qu’elles habitent le même quartier et partagent le même engouement pour un humour à la fois simple et subtil. Nathalie est introvertie et n’aime pas la « kebbé bel saniyé » (on comprend mieux l’allusion dans le fameux sketch sur la Techno siyassié ). Nadyn, plus sarcastique, ne se savait pas drôle, et pourtant, c’est une femme foncièrement positive. Son phrasé monocorde et son humour noir rendent son analyse encore plus cinglante : « Je pensais que tout le monde parlait de cette manière-là », a-t-elle dit un jour à Nathalie avant que celle-ci ne rectifie le tir : « Non, ma chérie, tout le monde ne parle pas de la sorte. » Et Nathalie d’ajouter : « Bien que souvent son penchant pour l’humour noir peut surprendre, voire effrayer, je la trouve très drôle. » Aujourd’hui, cinq ans plus tard, et dans ce contexte particulier que traverse la pays, leur compte Instagram et Facebook Coffee Break a le vent en poupe et, peut-être en réaction à un humour devenu trop édulcoré ailleurs, les deux jeunes femmes optent pour un ton sarcastique toujours en phase avec la société, l’actualité et les tensions que les Libanais vivent et que seul l’humour peut atténuer ou même guérir. « Une femme en dépression prend sa carte de crédit et attaque les boutiques ou va se faire une nouvelle coupe de cheveux, nous disent-elles en chœur, on se met face à la caméra pour extérioriser et partager. On s’encourage mutuellement et quelque part on se complète. » Talentueuses et de surcroît modestes, Nathalie confie : « Ce n’est pas très difficile de réaliser ce que l’on fait, notre métier nous a beaucoup aidées. » Sauf que leur démarche n’est jamais dans l’humour gratuit ou faussement engagé.



Vous n’êtes pas seuls

Provoquer le rire à partir d’une situation grave ou déplaisante est un exercice très difficile car il peut déranger, heurter, voire blesser. « Il nous est arrivé, confirment-elles, de susciter la colère ou le mécontentement par notre franc-parler. » Et de poursuivre : « Il fut un temps où le Liban ne répondait plus à nos ambitions, et l’envie de partir se profilait. Nous avons même été traitées de “non-patriotes”. Aujourd’hui, nous sommes reconnaissantes à cette révolution de nous avoir réconciliées avec le pays. » Le champ de Coffee Break est vaste, mais il reste apolitique et d’ordre social. Le duo ne se prend pas au sérieux, tout en cherchant à s’exprimer dans un langage commun et accessible à tous. « Nous essayons de réconforter les gens en leur montrant que leur malaise est aussi le nôtre, que nous sommes pareils et qu’ils ne sont pas seuls. Dans ce moment difficile que traverse le Liban, les humeurs du jour sont inégales, un coup l’envie de hurler, un coup celle de danser se succèdent. On croit devenir fous. Dans notre discours, nous cherchons à exprimer ce vécu fait des mêmes contradictions. » Sans jamais s’aventurer sur des chemins irrespectueux ou grossiers, Coffee Break n’est pas dans la provocation, mais le discours de ces deux femmes est saisi au vol, au cours d’une conversation intimiste, dans une forme de divertissement où la notion de jeu est capitale. Le but n’est pas d’accumuler des likes ou d’avoir des followers, bien qu’elles en récoltent des milliers, mais d’atteindre une satisfaction et un plaisir personnels dans une thérapie indispensable à tous.


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