Le secrétaire général adjoint du Hezbollah, Naïm Kassem, a accusé vendredi, dans un entretien accordé à l'agence Reuters, les États-Unis de s’ingérer dans la formation du nouveau gouvernement libanais. Ces propos interviennent plus de trois semaines après la démission du cabinet de Saad Hariri sous la pression de la rue qui conteste depuis le 17 octobre une classe dirigeante jugée corrompue.
"Le premier obstacle à la formation du gouvernement est l’Amérique, car elle veut un gouvernement qui lui ressemble et nous voulons un gouvernement qui ressemble au peuple libanais, a déclaré le cheikh Kassem. La crise continuera jusqu'à ce que les parties étrangères renoncent à leurs objectifs". "Des responsables américains sont en contact direct avec des hommes politiques et des responsables libanais, a-t-il ajouté. Qu'ils nous laissent tranquilles afin que nous puissions trouver un accord entre nous. Plus ils interviennent, plus ils retardent la solution". "Il y a des contacts permanents entre le Hezbollah et le Premier ministre (sortant) Saad Hariri pour choisir un Premier ministre", a dans ce cadre assuré le numéro deux du parti chiite.
Naïm Kassem a en outre assuré que son parti ne voyait "pas de signes d'une guerre civile au Liban". "Le Hezbollah est déterminé à ne pas se laisser entraîner dans le conflit comme le veut l'Amérique, a-t-il ajouté. Mais nous avons des informations sur des tentatives américaines de créer des problèmes sécuritaires".
Selon lui, le premier pas vers la gestion de la crise serait "la formation d'un gouvernement qui devrait commencer par mettre en œuvre un plan économique d'urgence". "Les causes de la crise sont dues aux mauvaises politiques et à la corruption", a-t-il souligné
"Nous soutenons le peuple à 100% dans leurs demandes de lutter contre la corruption : les corrompus doivent être jugés (...) peu importe qui ils sont (...), a encore dit le cheikh Kassem. Nous soutenons toutes les mesures qui limitent la corruption et permettent de récupérer les richesses pillées". Il a dans ce cadre indiqué que la crise économique touchait aussi les partisans du groupe chiite.
Depuis le 17 octobre, des centaines de milliers de libanais de tous bords sont dans les rues pour dénoncer la dégradation de la situation économique et réclamer le départ d'une classe politique jugée incompétente et corrompue. Un mouvement inédit qui a poussé le gouvernement de Saad Hariri à la démission le 29 octobre. Selon la Constitution, c'est le chef de l’Etat qui doit déclencher les consultations parlementaires contraignantes en vue de désigner un nouveau Premier ministre. Mais cette démarche n'a toujours pas été lancée. Le président a jusque-là repoussé cette échéance en affirmant vouloir aboutir à un accord politique préalable, afin d'éviter des obstacles au prochain chef du cabinet qui devra former son équipe.
Les propos de Naïm Kassem interviennent alors que le dossier du Hezbollah reste au centre des préoccupations américaines. Jeffrey Feltman, ancien ambassadeur des Etats-Unis au Liban, a tenu d’importants propos à ce sujet, mardi dernier. S’exprimant en sa qualité personnelle devant la sous-commission parlementaire américaine des Affaires étrangères pour le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord et le terrorisme international, il a affirmé que la Russie pourrait "faciliter la restauration de l’hégémonie du régime syrien sur le Liban". "La Russie, qui n’avait jamais été satisfaite de la focalisation de (l’ancien) président George W. Bush sur la liberté du Liban, pourrait être ravie de faciliter la restauration de l’hégémonie syrienne sur son petit voisin, surtout en tant que couverture pour ses propres objectifs au Liban", a encore affirmé l’ancien diplomate.
Le Hezbollah estime que des "ambassades" ont tenté de récupérer le mouvement de contestation et de renverser le pouvoir. Au début de la révolte, le chef du parti Hassan Nasrallah avait accusé les contestataires d’être menés par certaines parties politiques et financés par les ambassades de pays étrangers.
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commentaires (23)
Quant on est Hezbollah, accuser un pays étranger d’ingérence dans les affaires libanaises! Il faut tout de même un certain culot!
Yves Prevost
07 h 48, le 24 novembre 2019