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Nos Lecteurs ont la Parole - par David SAHYOUN

La foule aveuglée et la foule clairvoyante

Nous sommes actuellement en présence de la manifestation de deux phénomènes de foule illustratifs de la déchirure qui divise notre pays.

D’une part, se présente à nos yeux une foule dont les caractéristiques ont été décrites par Gustave Le Bon repris par Sigmund Freud. Il s’agit d’une foule régressive, infantile, idéalisant son leader, le déifiant comme le ferait un enfant d’une figure paternelle ou maternelle, au stade pré-œdipien. En idéalisant un objet, on est condamné à ne plus relever que ce qui est bon en lui et à demeurer aveugle à ses manques, à ses défauts, comme il en existe chez tout un chacun. Ces hommes et ces femmes sont dans une admiration béate, baignant dans un (re)vécu émotionnel, imaginaire, irrationnel. Ils sont non seulement hypnotisés par cette figure identificatoire, mais ils ont perdu tout esprit critique, toute subjectivité. Ils n’ont pas de moi individuel. Ils sont charriés par un moi collectif qui attise leur passion pathétique envers une image toute-puissante. Toute discussion, tout dialogue est rendu impossible par l’existence d’un mécanisme de clivage qui les scinde de la réalité.

De l’autre côté de la déchirure, apparaît une foule qui brise ses liens œdipiens avec les figures idéales de l’enfance, qui se débarrasse – difficilement – de la reproduction de la structure familiale appliquée au domaine politique ou professionnel. Elle récuse la conception sans cesse dégorgée d’après laquelle tout leader ne peut être qu’un substitut paternel ou maternel et tous les membres d’un parti ou d’une nation des frères et des sœurs. À cette nasse incestuelle, cette foule oppose une organisation psychique nouvelle, autonomisée, créative, dans une intifada collective expulsant la servitude volontaire léguée en héritage.

Cette foule clairvoyante abandonne – ou tente activement de le faire – les liens libidinaux qui l’attachaient aux images infantiles pour créer avec ses pairs ses propres convictions et valeurs. Elle veut choisir son destin au lieu de le subir. Cette foule nous apprend qu’à tout âge, on peut sortir de l’infantile affectif et développer une maturité nouvelle. Déceler les manigances politiciennes et mafieuses usées jusqu’à la trame et les dénoncer intelligemment. Devenir enfin adulte.

Ce phénomène extraordinaire se déroule sous nos yeux admiratifs.

Une nation est en train de naître, se débarrassant péniblement, peut-être douloureusement, de l’agrégat oligarchique moribond.

Ce sont les fondements d’une civilisation qui s’érigent, c’est la naissance d’une authentique citoyenneté libanaise qui émerge.

Il nous faut encourager ces Libanaises particulièrement admirables et ces Libanais à tenir bon. En y mettant peut-être le prix.

Les générations futures en dépendent.


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour.

Nous sommes actuellement en présence de la manifestation de deux phénomènes de foule illustratifs de la déchirure qui divise notre pays.D’une part, se présente à nos yeux une foule dont les caractéristiques ont été décrites par Gustave Le Bon repris par Sigmund Freud. Il s’agit d’une foule régressive, infantile, idéalisant son leader, le déifiant comme le ferait un enfant...

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