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Liban - Éclairage

Démission du gouvernement, élections anticipées : que dit la Constitution ?

Un profond remaniement ministériel serait pour l’heure la solution la plus pragmatique.

Une pancarte brandie par un manifestant appelant à la chute du gouvernement Photo Mohammad Yassin

Depuis le début, le 17 octobre, de la révolte populaire qui traverse le Liban, un slogan revient sur toutes les lèvres : « Tous sans exception » (Kellon yaani kellon). Trois mots qui expriment la revendication de nombreux protestataires voulant en finir avec la classe dirigeante. Mais pour l’heure, ces protestataires peinent à exposer, de manière unifiée et structurée, le moyen de parvenir à leurs fins.

Quelles sont les options constitutionnelles susceptibles de sortir le pays de l’impasse ? Y-a-t-il des choix réalistes à faire, sachant que le facteur temps est devenu l’enjeu primordial dans le bras de fer qui se corse entre le pouvoir et la rue ?

Deux solutions, scandées à tue-tête aux quatre coins du pays, sont à retenir pour l’heure : la formation d’un nouveau « gouvernement de salut » ou de « spécialistes », et des élections anticipées.

Or, pour qu’une nouvelle équipe puisse reprendre les rênes, il faudra de toute évidence que le Premier ministre, Saad Hariri, démissionne, une hypothèse qui n’est pas envisageable pour l’heure par le pensionnaire du Sérail. Par conséquent, la mise sur pied d’un nouvel exécutif ne serait envisageable que dans le cas de figure où l’actuel gouvernement perdait un tiers de ses membres et serait alors considéré comme démissionnaire. Ce n’est pas le cas pour l’instant, seuls quatre membres du gouvernement (les ministres FL) ayant claqué la porte.


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Quand bien même le chef du gouvernement décidait de démissionner, le problème qui se pose pour mettre sur pied un nouveau cabinet est la tenue de consultations parlementaires obligatoires que doit entreprendre le chef de l’État Michel Aoun. Un processus qui risque, à la lumière de la tension qui prévaut au sein de la classe politique, actuellement en mode « sauve-qui-peut » et plus que jamais divisée, de s’éterniser.

Rappelons-le : le chef de l’État est le seul habilité à signer et à promulguer le décret de la nomination du nouveau chef du gouvernement, en consultation avec le président de l’Assemblée, sur la base des consultations contraignantes. Par conséquent, tout appel à la démission du président – réitéré avec force hier après le discours de Michel Aoun – ne ferait qu’aggraver la situation, laissant la voie ouverte à une série d’acrobaties constitutionnelles qui risqueraient de desservir la cause défendue par les protestataires.

« Ne nous leurrons pas : la présidence de la République est le pilier à partir duquel devrait être enclenchée l’alternance réclamée et la mise en place d’un nouveau gouvernement », affirme l’ancien ministre Ibrahim Chamseddine.


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Entérinée par un décret que signent le président et le Premier ministre, la formation d’un nouveau gouvernement risque par ailleurs de se compliquer encore davantage en raison du fait que dans la réalité, cette étape suppose un marchandage corsé et l’accord tacite de toutes les parties politiques concernées, selon le mode consensuel, et le dosage des équilibres en présence, désormais rejeté par la rue qui gronde.

Face à l’impatience dont font preuve les manifestants qui souhaitent voir ne serait-ce qu’un premier pas sérieux en direction du changement souhaité, l’option d’un profond remaniement ministériel resterait pour l’heure la plus pragmatique, estiment plusieurs juristes.


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L’avantage de la révocation de plusieurs membres du gouvernement est qu’elle ne nécessite pas des consultations parlementaires et permet donc de raccourcir le chemin. Selon l’ancien ministre Ziad Baroud, le remaniement peut aller jusqu’à la destitution d’une dizaine de ministres en plus des quatre ministres FL déjà démissionnaires.

Conformément à la Constitution, c’est le président de la République et le chef du gouvernement qui peuvent révoquer les ministres, une mesure qui doit nécessairement être avalisée par les deux tiers des membres de l’exécutif. « Cela signifie que l’entente politique en Conseil des ministres est également incontournable pour achever cet objectif », rappelle M. Baroud. Pour Ibrahim Chamseddine, les forces politiques en présence n’auront d’autre choix, tôt ou tard et sous la pression de la rue, que de parvenir à cette entente et « se soumettre pour prouver qu’elles sont disposées à cautionner les revendications des manifestants ».


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Dissolution du Parlement
Un consensus politique entre les différents protagonistes est également requis dans le cas de figure d’élections anticipées, une revendication également martelée par les protestataires.

Cette solution s’avère toutefois compliquée dans la mesure où elle suppose d’abord la dissolution de l’Assemblée par décret pris en Conseil des ministres sur demande du président. La décision de mettre fin à la législature est décidée à la faveur d’un vote des deux tiers des membres du gouvernement. Elle ne peut cependant être prise que dans des cas restreints et bien définis par la Loi fondamentale.

La dissolution est notamment possible si l’Assemblée se sera refusée à se réunir durant une session ordinaire ou deux sessions extraordinaires successives durant un mois au moins. Elle est également justifiée si le Parlement renvoie le budget au gouvernement aux fins de paralyser l’action du pouvoir. Des cas de figure qui ne sont pas envisageables dans le contexte actuel.

« Recourir à des élections anticipées est une pratique usitée partout dans le monde, dès lors qu’il y a un changement de l’humeur de l’opinion publique. Même si elle est absolument légitime et justifiée à la lumière des mouvements de rue au Liban, elle reste difficile à mettre en œuvre constitutionnellement du fait des cas limitatifs prévus par la Constitution libanaise », commente Ziad Baroud.

Plusieurs analystes en conviennent : même si elles sont complexes, les issues constitutionnelles pour sortir de l’impasse et résoudre la crise de confiance, qui a approfondi le fossé entre gouvernants et gouvernés, ne suffisent plus à ce stade et ne pourraient que difficilement calmer la colère des citoyens. Pour les protestataires, qui ont placé le plafond des revendications très haut en réclamant notamment que les fonds publics pillés soient restitués et les responsables corrompus traduits en justice, c’est plus qu’un remaniement ministériel qui leur fera abandonner la rue.


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Depuis le début, le 17 octobre, de la révolte populaire qui traverse le Liban, un slogan revient sur toutes les lèvres : « Tous sans exception » (Kellon yaani kellon). Trois mots qui expriment la revendication de nombreux protestataires voulant en finir avec la classe dirigeante. Mais pour l’heure, ces protestataires peinent à exposer, de manière unifiée et structurée,...

commentaires (8)

Que dit la constitution!?... Héhéhé... Comme si nos politiciens sen souciaent ou s'en soucie aujourd'hui!

Wlek Sanferlou

13 h 31, le 25 octobre 2019

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Commentaires (8)

  • Que dit la constitution!?... Héhéhé... Comme si nos politiciens sen souciaent ou s'en soucie aujourd'hui!

    Wlek Sanferlou

    13 h 31, le 25 octobre 2019

  • EN 1 MOT COMME EN MILLE : C TOUJOURS EUX QUI TIRERAIENT AINSI LES FICELLES..... EN LES LAISSANT POURRIR . C TOUJOURS LE MEME PROBLEME : EXECUTION DES LOIS , MEME CELLES PARFAITEMENT INITIEES.

    Gaby SIOUFI

    11 h 26, le 25 octobre 2019

  • Il n y a jamais de bon moment pour arrêter de fumer! Dehors tous ou même en taule et constituante sous la tutelle de l'armée qui récolte toutes les armes dans ce pays. La livre sera à 5'000 pour un $ mais il faut bien remettre tout à plat pour redémarrer!

    TrucMuche

    11 h 09, le 25 octobre 2019

  • Il est symptômatique que très peu de personnes comme moi réalisent et pensent aux effets désastreux du timing et de la géopolitique régionale ! L'affaire n'est pas strictement interne , il y a des agendas EXTERNES diaboliques ....Comment les gens ne comprennent pas cela ?

    Chucri Abboud

    10 h 23, le 25 octobre 2019

  • La Constitution libanaise qui est la plus ancienne du Monde Arabe sans doute, a besoin d'être modernisée et mieux adaptée au monde actuel dans lequel nous vivons.

    Tony BASSILA

    10 h 20, le 25 octobre 2019

  • De toute évidence, après ce que nous avons vu hier, le Chef de l'Etat ne semble plus en mesure de mener des consultations et de prendre les décisions qui s'imposent, à part confier la direction du pays à une institution forte et respectée de tous.

    NAUFAL SORAYA

    08 h 37, le 25 octobre 2019

  • Bien sûr, il est préférable d'agir de façon constitutionnelle, mais si cela s'avérait impossible, il faut considérer l'urgence. Depuis des décennies, la Constitution est constamment bafouée (prolongation du mandat du président ou des députés, élection à la première magistrature d'un général encore en fonction, exigence d'un quorum des 2/3 pour cette élection etc.), alors pourquoi, serait-on, tout à coup, pris de scrupules?

    Yves Prevost

    07 h 35, le 25 octobre 2019

  • DANS LES REVOLTES ON PASSE LES CONSTITUTIONS. ON FORME DES GOUVERNEMENTS D,URGENCE QUI S,OCCUPENT DE REDIGER DE NOUVELLES CONSTITUTIONS ET DE DIRIGER LES PAYS SUR LE CHEMIN DE NOUVELLES LEGISLATIVES DEMOCRATIQUES ET DE NOUVEAUX PARLEMENTS ET GOUVERNEMENTS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    00 h 50, le 25 octobre 2019

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