Le blocage des grands axes routiers par des manifestants, dans un contexte de crise économique et financière, a commencé à se ressentir ces dernières 24 heures dans les commerces, dans plusieurs régions du pays, sans pour autant que l’on puisse encore parler de pénurie.
Selon des témoignages recueillis par L’Orient-Le Jour au centre de Beyrouth, dans le Metn et le Kesrouan, beaucoup d’établissements rencontrent des difficultés pour s’approvisionner, certains d’entre eux se retrouvant avec des rayons clairsemés. En effet, si de nombreux points de vente ont pu être approvisionnés en produits frais – laitiers et maraîchers principalement –, certains confient avoir dû mobiliser leurs propres employés pour se rendre chez leurs fournisseurs, ces derniers refusant de prendre le risque d’envoyer des livreurs.
D’autres se sont arrangés pour être livrés la nuit, la circulation étant moins dense et les blocages moins nombreux –
l’armée et les forces de sécurité étant dépêchés par les autorités pour libérer les accès désertés par le manifestants.
La plupart des commerçants interrogés estiment suffisants, pour le moment, leurs stocks de produits non périssables – sucre, farine, etc. – et de conserves, mais craignent une pénurie à moyen terme.
Enfin la possibilité que le mouvement de protestation dure inquiète certains grossistes dont les marchandises sont bloquées au port depuis plusieurs jours, engrangeant des frais de stockage – qui gravitent autour de plus ou moins 50 dollars par jour et par conteneur, en fonction de sa taille, ou du fait qu’il soit réfrigéré ou non.
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Consommateurs inquiets
Dans ce contexte, certains supermarchés ont été pris d’assaut à Beyrouth. En effet, la perspective d’un prolongement des blocages a poussé de nombreux citadins à constituer des stocks de nourriture et de produits de première nécessité ces deux derniers jours. Dans une boulangerie du Kesrouan, les clients se succèdent depuis dimanche pour acheter des sacs de pain. Hier, ils étaient également nombreux à se rendre dans les supermarchés, minimarchés et autres épiceries de quartiers. « Il n’y a pas de mouvement de panique, mais un flux continu de clients anxieux qui préfèrent prendre leurs précautions », rapportait un employé de supérette de quartier quelques heures avant le discours du Premier ministre Saad Hariri au cours duquel ont été listées les réformes que le pouvoir compte lancer en urgence.
Des scènes similaires se sont déroulées dans d’autres régions du pays, comme à Sin el-Fil, où les habitants ont même été nombreux à se déplacer à pied pour faire leurs courses.
Pharmacies et hôpitaux
De leur côté, les gérants et employés de plusieurs pharmacies dans le Grand Beyrouth ont indiqué avoir été livrés hier par une partie de leurs fournisseurs pour la première fois depuis la semaine dernière. Certains établissements n’ont cependant pas pu être desservis, notamment dans le Metn et le Liban-Nord. Une partie des pharmaciens interrogés ont en outre affirmé craindre un épuisement rapide de leurs stocks, certains estimant de pas pouvoir tenir plus d’une semaine. Même son de cloche du côté des hôpitaux. Selon des informations rapportées dans les médias, des établissements de soins ont demandé aux manifestants de débloquer les routes afin de ne pas perturber l’approvisionnement de médicaments et autres produits essentiels au traitement des patients – sérums, plaquettes de sang, etc.
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Carburants
Au niveau du carburant, le syndicat des propriétaires de stations-service a réitéré dans un communiqué son appel à libérer des accès, pour permettre aux camions-citernes d’effectuer leurs livraisons habituelles. Certains d’entre eux ont néanmoins pu arriver à destination, comme dans une station-service de Zouk Mosbeh (Kesrouan), qui avoue toutefois avoir dû arrêter de servir ses clients pendant deux heures. Une autre station, à Jeïta, non loin du rond-point de Séhailé, affirme avoir fonctionné normalement depuis le début des événements. Dimanche, certaines stations-service avaient décidé de limiter à 20 litres la quantité d’essence par véhicule.
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