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Économie - Focus

Quel est l’impact des manifestations sur l’économie ?

Les circuits de distribution ont été perturbés par les blocages de routes.

Un distributeur d’argent endommagé par des casseurs, à Beyrouth, le 19 octobre 2019. Mohammad Azakir/Reuters

Une partie des Libanais bat le pavé depuis jeudi soir pour protester contre le gouvernement en plein contexte de crise économique et sociale. La contestation, qui s’est étendue à plusieurs régions du pays, devrait se poursuivre cette semaine, sauf surprise à l’issue du délai de 72 heures réclamé vendredi soir par le Premier ministre, Saad Hariri, pour trouver une issue.

Si certains partis politiques, représentés au gouvernement ou au Parlement, se sont associés aux revendications des manifestants, leur ralliement tardif est rejeté par de nombreux Libanais qui attribuent la dégradation de la conjoncture actuelle à l’ensemble des dirigeants. « L’état réel de l’économie a rattrapé les politiciens. Le redressement de la situation économique et financière du pays ne peut plus aujourd’hui être envisagé sans assainir les finances publiques ainsi que les institutions », résume le directeur du département de recherche de Byblos Bank, Nassib Ghobril.


Complexe pour les banques
Pour l’heure, l’impact des manifestations sur l’économie est limité, ces dernières ayant démarré avant le week-end. La situation pourrait néanmoins se compliquer si les tensions perdurent.

C’est sans doute au niveau du secteur bancaire que la situation est la plus complexe. Les banques, qui sont fermées depuis vendredi, le seront encore aujourd’hui, comme l’a indiqué hier l’Association des banques du Liban (ABL) dans un communiqué. Selon plusieurs sources concordantes, la fermeture des banques pourrait retarder les délais d’exécution de certains types de transactions validées avant vendredi, que ce soit les chèques ou les virements. « Quand on vous dit qu’un chèque sera crédité dans un délai de trois jours, il s’agit de jours ouvrables », rappelle l’une d’elles. Des délais qui concernent également les virements effectués en ligne, sauf les opérations de compte à compte au sein d’une même banque.


Dollars conservés
« En revanche, les paiements par carte – dans les points de vente ou en ligne – fonctionnent normalement dans les limites habituelles autorisées et les distributeurs de billets sont encore alimentés », rebondit un autre banquier. Selon ce dernier, il faut néanmoins s’attendre à ce que les possibilités de retrait – surtout en dollars – soient encore plus restreintes. « Les banques ferment tant que la situation n’est pas claire parce qu’elles craignent d’être prises d’assaut par des déposants qui viendraient retirer leur épargne », expose-t-il encore, rappelant que le marché était déjà crispé par la baisse de la quantité de dollars circulant sur le marché depuis l’été.

Ce resserrement avait été piloté par la Banque du Liban cet été officiellement pour couvrir les importations stratégiques et pour assurer les besoins de financement de l’État. « Les banques ouvriront en cas de détente, mais seront probablement tentées de limiter au maximum les transferts jusqu’à ce que les perspectives deviennent nettement plus claires », prédit le second banquier interrogé.

Si elle se prolonge, la fermeture des banques va naturellement doper la demande de devises sur le marché secondaire, anticipe de son côté un changeur. « Les banques n’ont plus pu faire circuler de dollars depuis jeudi. Les agents qui en ont encore vont donc probablement les garder pour faire gonfler les prix. L’on pourrait dès lors se retrouver avec des dollars revendus à des niveaux parfois bien supérieurs au seuil de 1 630 livres auquel ils s’échangeaient à la veille des événements », pense-t-il savoir.

Mais le taux officiel fixé par la BDL à 1 507,5 livres pour un dollar depuis 1997 ne devrait pas bouger. « Le secteur bancaire et la BDL détiennent 99 % des dollars dans le pays. La stabilité de la livre n’est pas en question malgré les événements », assure Nassib Ghobril. Il reste qu’une prolongation de la crise finira forcément par assécher la quantité de devises utilisées par plusieurs institutions financières non bancaires pour travailler, comme les sociétés de transfert d’argent. Un gérant de réseau assure de son côté pouvoir encore tenir une semaine, mais pas plus. « On sera obligé de suspendre nos activités si rien ne bouge d’ici là », regrette-t-il.



(Lire aussi : Pour le secteur privé, le gouvernement doit d’abord réduire les dépenses publiques)



Commerces et routes bloquées
La suspension des services bancaires et financiers va logiquement se répercuter sur l’activité de la majorité des entreprises de biens et de services, dont beaucoup travaillent ou distribuent des marchandises importées. Mais pour l’heure, ce sont surtout les blocages des routes par les manifestants qui semblent poser problème, notamment pour les distributeurs de carburant. « Les ravitaillements des stations-service sont perturbés, parce qu’on ne peut pas risquer qu’un camion-citerne se retrouve coincé à proximité d’une barricade de pneus enflammés, comme on en a beaucoup vu depuis jeudi soir », expose Sami Brax. Hier soir, les propriétaires de stations-service ont d’ailleurs demandé aux manifestants de laisser passer les camions-citernes.

Le président du syndicat des propriétaires de stations-service, qui avait appelé à plusieurs reprises à la grève ces dernières semaines pour dénoncer les difficultés rencontrées par sa filière en raison du resserrement du dollar, a ajouté, en parallèle, que la situation à ce niveau était devenue acceptable depuis les dernières négociations, conclues il y a une grosse semaine. « Que ce soit dans notre filière ou les autres, la situation n’a pas atteint un point critique pour le moment. Mais il ne faut pas que ça dure », prévient encore M. Brax, craignant « une aggravation liée aux perturbations touchant le port de Beyrouth ».

Au niveau du transport aérien, les vols étaient toujours assurés normalement hier malgré les problèmes d’accès à l’Aéroport international de Beyrouth (AIB). Contacté, le service de l’AIB a indiqué hier que les voies principales d’accès avait été rouvertes.

Eurobonds

Enfin, un prolongement de la crise actuelle aura fatalement des conséquences sur les cours des titres de dette libanaise, notamment les eurobonds en devises. « Les marchés sur lesquels ces titres sont échangés sont ouverts de lundi à vendredi. Les eurobonds libanais sont gérés sur le marché via Midclear SAL, un intermédiaire supervisé par la BDL. L’incertitude provoquée par la situation actuelle va donc impacter les cours des eurobonds, que les banques libanaises et la BDL soient ouvertes ou pas », résume un financier.

Électricité

Une fois n’est pas coutume, c’est le secteur de l’électricité qui semble le mieux préparé pour tenir. Selon une source à la direction d’Électricité du Liban (EDL), le fournisseur public a suffisamment de carburant en stock pour ne pas devoir « modifier le rationnement à moyen terme, tant qu’il n’y a pas de dégâts sur le réseau ». En juillet, les députés ont voté avec le budget 2019 une avance du Trésor de 1,13 milliard de dollars pour payer le carburant d’EDL, une enveloppe qui s’est ajoutée aux 527 millions de dollars déjà accordés par le Parlement en mars et avril derniers. Même topo a priori pour les communications – téléphonie et internet, fixe et mobile –, selon une seconde source, cette fois au ministère des Télécoms, qui assure que tout fonctionne normalement, sans plus de détails.



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commentaires (4)

" Beaucoup de leaders ont rejoint la foule des manifestants". Ils sont bien gentils mais eux aussi ils ont participé et ont cautionné ces dérives. Où étaient ils? Pourquoi n'ont il pas dénoncé cet état stationnaire, paralysé et incompétent? Quant à laisser une chance à Hariri je suis d'accord mais le peuple à il confiance en lui et en ces hommes qui les ont abandonné durant plus de 30 ans?

Citoyen

12 h 33, le 21 octobre 2019

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Commentaires (4)

  • " Beaucoup de leaders ont rejoint la foule des manifestants". Ils sont bien gentils mais eux aussi ils ont participé et ont cautionné ces dérives. Où étaient ils? Pourquoi n'ont il pas dénoncé cet état stationnaire, paralysé et incompétent? Quant à laisser une chance à Hariri je suis d'accord mais le peuple à il confiance en lui et en ces hommes qui les ont abandonné durant plus de 30 ans?

    Citoyen

    12 h 33, le 21 octobre 2019

  • Une véritable prise en otage.

    FRIK-A-FRAK

    10 h 10, le 21 octobre 2019

  • CERTES LES MANIFESTANTS AURAIENT DU DONNER UNE DERNIERE CHANCE A HARIRI DE RECONSTITUER SON GOUVERNEMENT ET D,APPLIQUER DE VRAIES REFORMES. MAIS LA OU EN SONT LES CHOSES IL NE RESTE QUE LE DEPART DU GENDRE ET LE DEMANTELEMENT DES MILICES ARMEES QUI POURRAIENT PEUT-ETRE SATISFAIRE LES MANIFESTANTS. LE RETOUR A L,ETAT ET SEULEMENT A L,ETAT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 58, le 21 octobre 2019

  • C¡'est catastrophique à court terme

    Chucri Abboud

    08 h 09, le 21 octobre 2019

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