C’est principalement sur ses alliés chrétiens traditionnels que le Hezbollah semble compter pour faire face à la prochaine phase qui, en principe, devrait témoigner de nouvelles sanctions contre le parti chiite, plus que jamais dans le besoin d’une couverture officielle libanaise.
Cette nouvelle dynamique politique, le Hezbollah semble l’avoir initiée lors de la longue rencontre entre le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, et le leader du Courant patriotique libre, Gebran Bassil. Hier, le numéro un du parti chiite s’est entretenu avec le chef des Marada, Sleiman Frangié, autre grand allié du parti connu pour ses très bons rapports avec le régime syrien de Bachar el-Assad.
Aussi bien par leur timing que par les messages politiques qu’ils portent, ces deux entretiens vont au-delà de simples rencontres entre alliés. D’autant que les deux dirigeants maronites concernés sont perçus, l’un comme aspirant à intégrer le club des présidentiables, et l’autre comme faisant déjà partie de celui-ci.
Pour ce qui est de leur timing, les deux entretiens interviennent à l’heure où l’administration Trump continue de serrer l’étau sur l’Iran et ses satellites régionaux, notamment le Hezbollah. Un tableau sur lequel certains observateurs greffent le retrait américain de Syrie, peu avant le début de l’offensive turque. Un élément dont les alliés de l’axe de la Moumanaa devraient profiter pour enregistrer des gains politiques sur la scène locale.
C’est sous cet angle qu’un observateur politique contacté par L’Orient-Le Jour explique l’escalade verbale pour laquelle a opté Gebran Bassil, lors de la commémoration du 13 octobre 1990, allant jusqu’à faire part de sa détermination à se rendre en Syrie sous prétexte de mettre sur le tapis la question du retour des réfugiés et suscitant par la même occasion une crise politique qui n’a pas tardé à secouer le cabinet Hariri.
Selon le même observateur, Hassan Nasrallah voudrait profiter du large groupe parlementaire du CPL et des onze ministres qui gravitent dans l’orbite du président de la République Michel Aoun et du parti qu’il a fondé, mais aussi et surtout de la volonté du Premier ministre Saad Hariri et du chef de la diplomatie de préserver leur partenariat. À la faveur de cette logique, le parti chiite semble vouloir mettre à profit « le feu orange » de M. Hariri à Gebran Bassil, pour poursuivre son forcing dans le sens d’une normalisation des rapports libano-syriens. Il faisait ainsi allusion au communiqué soigneusement dosé publié lundi par le bureau de presse du Premier ministre, et dans lequel il avait fait savoir que « si le chef du CPL veut se rendre en Syrie pour discuter du retour des réfugiés syriens, c’est son affaire (…) ».
Quant à Gebran Bassil, il serait, selon le même observateur, en train de faire des calculs présidentiels (quoique prématurés) et chercherait ainsi à consolider son alliance avec le Hezbollah pour s’assurer de son soutien lors de la présidentielle de 2022.
À une question portant sur la rencontre entre Hassan Nasrallah et Sleiman Frangié, l’observateur répond en estimant qu’il s’agit d’une façon pour les deux hommes d’affirmer la solidité de leur traditionnelle alliance, envers et contre tout.
(Lire aussi : Naïm Kassem : Le Hezbollah n'a pas encore décidé de descendre dans la rue)
Priorité à l’économie…
Quoi qu’il en soit, les milieux Hezbollah s’efforcent de cerner les rencontres avec MM. Bassil et Frangié à la dimension strictement économique. Ces milieux indiquent à L’OLJ que les deux entretiens en question s’inscrivent dans le prolongement des contacts que le Hezbollah mène actuellement avec tous les protagonistes (y compris le courant du Futur et le Parti socialiste progressiste) pour faire face à la grave crise économique dont souffre le pays, dans la mesure où cela figure à la tête des priorités du parti.
D’ailleurs un communiqué publié par le département médias du Hezbollah indique que la rencontre entre Hassan Nasrallah et le chef des Marada (tenue en présence du ministre des Travaux publics, Youssef Fenianos, et de Hussein Khalil, bras droit du secrétaire général du parti chiite) s’est articulée autour de la grave conjoncture économique et la lutte contre le gaspillage et la corruption.
Il n’en reste pas moins que les deux grands alliés locaux de la Syrie ont exercé un forcing dans le sens de la normalisation entre Beyrouth et Damas. « Les participants (à la réunion) ont réitéré leur position connue, quant à la nécessité de ramener à la normale les relations entre le Liban et la Syrie. Et de réaffirmer la nécessité d’engager un dialogue direct avec le gouvernement syrien, notamment en ce qui concerne l’exportation de la production libanaise en Irak (par l’intermédiaire du point de passage de Boukamal) et du retour des réfugiés (…) », peut-on lire dans le texte.
Même son de cloche chez le secrétaire général adjoint du Hezbollah, le cheikh Naïm Kassem. « Il est très important que le gouvernement libanais prenne la courageuse décision de rétablir les relations politiques avec Damas, et ce dans l’intérêt du pays », a-t-il affirmé dans une déclaration hier.
Le cheikh Kassem a saisi l’occasion pour assurer que sa formation « n’a jusqu’à présent pas décidé de manifester » et qu’elle assure un suivi des dossiers économiques à partir de ses convictions qu’elle exprime en Conseil des ministres. « Personne ne peut dire à notre place si nous descendrons ou non dans la rue », a-t-il lancé, avant d’ajouter : « Nous ne portons atteinte à personne. Nous œuvrons dans l’intérêt du pays et de ses citoyens. » Une façon de démentir des informations rapportées par certains médias, pourtant considérés comme gravitant dans l’orbite du parti chiite, et selon lesquelles le Hezbollah s’apprêterait à manifester en signe d’opposition à la politique des banques au Liban.
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commentaires (9)
Examens de passage bassil et frangié. On passe à l'oral. L'écrit importe peu et savoir ou non écrire nest pas obligatoire puisque "el bassem" est de rigueur.
Wlek Sanferlou
02 h 11, le 17 octobre 2019