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Santé - Algologie

Douleur : le traitement ne doit plus être un luxe

À l’occasion de la Journée mondiale contre la douleur, des experts insistent sur la nécessité de rendre les traitements antidouleur accessibles à tous. À ce jour, seuls les patients aisés peuvent se les offrir.

La douleur est la cause principale de consultation médicale. Elle peut être aiguë, liée à une lésion ou une situation pathologique, ou chronique, lorsqu’elle persiste au-delà de trois mois. Photo Bigstock

Le traitement de la douleur n’est pas un luxe. C’est un droit dont doit bénéficier tout patient quels que soient ses ressources ou son niveau de vie. Tel est le message que véhiculent, chaque année à l’occasion de la Journée mondiale contre la douleur, fixée au 12 octobre, l’Association internationale pour l’étude de la douleur (IASP – International Association for the Study of Pain) et la Fédération européenne de lutte contre la douleur (EFIC – European Pain Federation). Et ce pour sensibiliser au besoin urgent de reconnaître et de traiter la douleur.

Ce message est relayé au Liban par la Société libanaise du traitement de la douleur (SLTD) et la Société libanaise pour l’étude de la douleur (LSSP) – chapitre libanais de l’IASP. À juste titre, puisque l’accès aux traitements de la douleur y reste encore limité. Le point avec les docteurs Nicole Naccache et Hicham Abou Zeid, médecins algologues au service d’anesthésie-réanimation-douleur à l’Hôtel-Dieu et responsables du Centre d’évaluation et de traitement de la douleur de l’hôpital.


Qu’est-ce que la douleur ?
La douleur est la cause principale de consultation médicale. Elle peut être salvatrice puisqu’elle permet de dépister une pathologie sous-jacente chez un patient. Toutefois, lorsqu’elle perdure ou qu’elle n’est pas traitée à temps, elle peut évoluer vers une maladie à part entière. Son intensité sera alors influencée par des facteurs physiologiques, sociaux et environnementaux. Ainsi, la douleur devenue chronique se présente comme une maladie très complexe ayant des répercussions physiques et mentales chez le patient.


Quels sont les types de douleur ?
On différencie deux types de douleur : aiguë et chronique. La douleur aiguë est ressentie à la suite d’une lésion ou d’une situation pathologique, telle qu’une chirurgie ou une inflammation. La douleur devient chronique lorsqu’elle persiste au-delà de trois mois. Elle a des répercussions sur le comportement, l’affect et la vie sociale du patient.


En quoi consiste la prise en charge de la douleur ?
La prise en charge de la douleur consiste à administrer des antalgiques, de façon appropriée, au patient, que la douleur soit aiguë ou chronique. Pour ce faire, une approche globale du patient sur le plan physique et psychique est nécessaire. Aujourd’hui, on parle de réhabilitation du patient douloureux, le traitement visant à lui permettre de mener une vie normale malgré la douleur.

Les antalgiques englobent une palette de médicaments allant du paracétamol à des médicaments plus forts comme la morphine et ses dérivés, selon chaque cas. Pour la douleur postopératoire, à titre d’exemple, il est possible, selon le cas, d’administrer de la morphine ou ses dérivés. De même, on a souvent recours à des médicaments pour renforcer le contrôle que l’organisme exerce de façon physiologique et naturelle contre la douleur, comme les antiépileptiques, antidépresseurs, toxine botulinique ou encore le botox.

Des traitements non médicamenteux sont également disponibles, comme les thérapies cognitivo-comportementales (relaxation, hypnose, etc.) et l’acupuncture. Des techniques plus sophistiquées comme la neurostimulation médullaire, les pompes implantables de morphine et la neurostimulation du cortex cérébral moteur sont aussi possibles.



(Lire aussi : La communication hypnotique à l’HDF, pour mieux soigner)



Les opioïdes engendrent-ils une addiction ?
Les opioïdes ont longtemps constitué la base du traitement des douleurs aiguës et chroniques, principalement chez les personnes souffrant de cancer ou en postopératoire. Un traitement aux opioïdes bien conduit évite la survenue d’une addiction. Les études ont montré que les opioïdes administrés à des patients réellement en souffrance n’entraîne pas une addiction et l’arrêt des morphiniques est toujours possible avec la disparition de la douleur. Il n’en reste pas moins que la bonne surveillance du traitement et la bonne sélection des patients qui y sont candidats est important pour éviter la toxicomanie, d’où l’importance de promouvoir la médecine de la douleur.


Qui peut bénéficier des traitements antidouleur et quelles sont les limites de cette prise en charge ?
Tout patient douloureux peut bénéficier des traitements antalgiques, dans le respect de l’éthique médicale et l’absence de nuisance aux patients. Le diabète, l’hypertension artérielle ou toute autre condition médicale n’impliquent pas de contre-indications aux traitements antalgiques, mais des précautions à prendre.


Quelles sont les avancées dans la prise en charge de la douleur ?
La recherche menée dans ce domaine connaît un grand essor. Les avancées technologiques sont mises à profit pour élaborer des techniques électromagnétiques permettant de brouiller le signal de la douleur (neuromodulation). La recherche médicamenteuse est également prometteuse, de nouvelles molécules agissant sur la physiologie nerveuse sont en cours de développement.



(Pour mémoire : L’hypnothérapie de plus en plus présente dans le monde médical)



Comment se présente la situation au Liban et quels sont encore les défis à relever ?
Certes, le tabou de la morphine reste un point limitatif et doit être encore combattu au sein de la population en expliquant qu’un traitement antalgique transitoire bien mené ne conduit en aucun cas à la dépendance. De même, la prise en charge de la douleur au Liban, comme dans tout autre pays, est un combat permanent qui nécessite une sensibilisation du grand public sur le caractère nocif et délétère que toute douleur mal contrôlée peut générer quelle que soit son origine.

Il est important de savoir que nous disposons au Liban, au même titre que les pays développés, de traitements de pointe qu’ils soient curatifs ou préventifs qu’il serait important d’administrer chez les patients afin d’éradiquer la douleur. Par contre l’accès à ces médicaments et/ou aux techniques analgésiques reste limité puisqu’ils ne sont pas couverts par la Caisse nationale de Sécurité sociale ni par les assurances privées ou autres tiers-payants publics, bien que la médecine de la douleur ait été officiellement reconnue au Liban, en 2004, comme spécialité médicale. À ce jour, ni la CNSS ni le ministère de la Santé n’ont établi des codes tarifaires pour cette spécialité. De ce fait, la prise en charge de la douleur devient un luxe que le patient doit s’offrir à ses propres frais.


Quel est le rôle de la Société libanaise pour l’étude de la douleur (LSSP) et celui de la Société libanaise du traitement de la douleur (SLTD) ?
La LSSP – chapitre libanais de l’IASP – est une société multidisciplinaire incluant tout les acteurs de la santé (médecins, infirmières, physiothérapeutes, chirurgiens dentistes…) intéressés par la douleur. Son rôle est de promouvoir la recherche sur la douleur et d’augmenter la sensibilisation quant à l’importance de sa prise en charge.

La SLTD est une société scientifique au sein de l’ordre des médecins qui a pour rôle de sensibiliser les médecins, toutes spécialités confondues, à l’importance du contrôle de la douleur. De même, elle a pour mission de collaborer avec le ministère de la Santé pour l’élaboration de recommandations nationales relatives à la prise en charge de la douleur, mais aussi avec la CNSS pour rendre les traitements accessibles à tous les patients quelle que soit la couverture sociale dont ils bénéficient.


* À l’occasion de la Journée mondiale contre la douleur, l’HDF organise le 21 octobre, de 8 heures à 16 heures, une journée portes ouvertes pour sensibiliser à l’importance de la prise en charge de la douleur.



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