Le Premier ministre libanais, Saad Hariri, a assuré mardi qu'il resterait en poste "malgré les campagnes" lancées contre lui, au lendemain de la parution d'un article du New York Times exhumant une affaire vieille de six ans qui le met en cause, alors que le Liban traverse une crise économique qui a provoqué des manifestations contre le régime et des appels à la démission du gouvernement.
"Quelles que soient les campagnes lancées contre moi, malgré tout ce qu'ils peuvent dire, écrire ou faire, je continuerai à travailler et je ne m'arrêterai pas", a déclaré dans la journée le chef du gouvernement, qui présidait une réunion de la commission technique pour la coordination des services essentiels dans les mohafazats. "Il est vrai que nous sommes dans une situation économique difficile. De ce fait, nous devons prendre des mesures audacieuses, et cela n'est pas négociable car ce que nous ne pouvons pas supporter concrètement, c'est l'effondrement du pays", a-t-il ajouté.
Dans l’article du NYT publié lundi, Ben Hubbard, chef du bureau du célèbre quotidien américain à Beyrouth, fait état de documents judiciaires selon lesquels Saad Hariri a donné plus de 16 millions de dollars, à titre de cadeaux, à une mannequin sud-africaine avec qui il aurait entretenu une relation il y a plusieurs années dans un complexe hôtelier de luxe aux Seychelles.
L'Orient-Le Jour n'a pu obtenir de réaction du bureau de M. Hariri. M. Hubbard précise également, dans son article, ne pas avoir pu obtenir de commentaire du Premier ministre. Mais une source libanaise citée par Russia Today a estimé que l'article était "un message sévère" adressé par les États-Unis à M. Hariri.
L'affaire Candice Van der Merwe
Selon l'auteur de l'article, Candice Van der Merwe, mannequin maillot de bain de 20 ans, dit avoir rencontré M. Hariri à une période où ce dernier n'était pas Premier ministre au resort The Plantation Club, qui la recrute en 2012. En mars 2013, la jeune femme, dont les revenus annuels ne dépassaient pas les 5 400 dollars, s'offre deux voitures de luxe d'une valeur de 250 000 dollars, ainsi que deux smartphones dernier cri, après un accident qui a endommagé sa voiture et son téléphone. En mai, elle reçoit sur son compte un virement de 15,3 millions de dollars. Avec cette somme, la mannequin s'achète plusieurs propriétés et investit dans une société immobilière dans laquelle son père, Gary van der Merwe, a des parts. Des transferts qui, selon les documents consultés, indique le New York Times, sont le fait de M. Hariri.
Au moment de ces paiements, Saad Hariri n'était pas Premier ministre. Après un premier mandat à la tête du gouvernement de 2009 à 2011, il est à nouveau nommé à ce poste en décembre 2016.
Ces dépenses et ces rentrées d'argent vont éveiller les soupçons des services fiscaux sud-africains, qui ont un temps soupçonné que ces sommes étaient destinées au père de la mannequin, qui a déjà eu des démêlés avec la justice pour fraude fiscale. La jeune femme assure que ces sommes et les voitures de luxe sont des cadeaux qui, selon elle, ne doivent pas être imposés.
Un combat judiciaire débute. Selon Ben Hubbard, Saad Hariri a alors envoyé un million de dollars à la jeune femme pour l'aider sur le plan financier et couvrir les frais de justice. Les services fiscaux finissent par prélever des impôts sur ces revenus et gèlent les avoirs de Candice Van der Merwe. Un accord entre les deux parties est finalement trouvé en 2016.
En janvier dernier, la jeune mannequin contre-attaque et poursuit l’État sud-africain en justice pour harcèlement fiscal et réclame 65 millions de dollars de dommages et intérêts. Les intentions de Candice Van der Merwe sont rendues publiques dans la presse sud-africaine à la fin de l'année 2018. C'est dans les documents judiciaires attenant à la plainte de la mannequin que le nom de Saad Hariri est cité, selon le journaliste qui signe l'article.
"Un blâme"
Dans les éditions papier de la presse libanaise, seul le journal al-Akhbar, proche du Hezbollah, a repris l'article du NYT. Le quotidien s'interroge sur le timing de ces révélations. "La question du timing de ces révélations se pose, d'autant que les détails de cette affaire ont été rendus publics en décembre 2018 (...), d'autant, aussi, que les pressions américaines sur le Liban s'accentuent (ces derniers temps, ndlr) et que certains tentent d'éloigner le Premier ministre du Hezbollah", écrit le quotidien.
Dans la journée, une source libanaise citée par Russia Today a indiqué que "personne au Liban ne veut parler du fond de l'article du NYT, mais du message qui se cache derrière cet article". "Cette histoire avérée a eu lieu en 2013, et l'exhumer à nouveau aujourd'hui est une façon pour les États-Unis d'adresser un message sévère et un blâme à M. Hariri, au moment où certains appellent à sa démission en raison de la dégradation de la situation économique et des manifestations qui l'accompagnent, alors qu'il apparaît proche du Courant patriotique libre et du Hezbollah.
Selon cette source, "le Hezbollah est aujourd'hui attaché à Hariri au poste de Premier ministre, et le président Michel Aoun est attaché au compromis présidentiel". "Saad Hariri n'a pas d'autre choix que de s'arrimer au chef de l'État et au Hezbollah pour former un puissant front face aux tentatives américaines de déstabiliser le Liban", poursuit-elle.
"Il est possible que des coups en-dessous de la ceinture soient portés dans les semaines ou les mois qui viennent dans une dernière tentative d'obtenir des gains et de faire pression sur des adversaires avant une accalmie des fronts explosifs et la consolidation du fait accompli dans la région. Peut-être que la crise que traverse le Liban sur les marchés financiers et monétaires entre dans ce cadre, surtout si on y ajoute le long article publié dans le NYT et qui vise durement Hariri", selon cette source.
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commentaires (25)
Juste pour la gorme je répète mon commentaire : Bof!
Wlek Sanferlou
13 h 05, le 03 octobre 2019