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À La Une - Portrait

Jacques Chirac, le président français qui a dit "Non" à la guerre en Irak

Particulièrement impopulaire pendant son deuxième mandat, premier ex-président français condamné par la justice (en 2011), il bénéficiait depuis sa retraite d'une image de sympathie.

Le Premier ministre français Jacques Chirac (g), en compagnie du président irakien, Saddam Hussein, le 25 janvier 1976 à Bagdad. Photo d'archives AFP

Chaleureux, parfois intraitable, toujours en mouvement, l'ancien président français Jacques Chirac, décédé jeudi à 86 ans, incarnait une droite pragmatique et populaire et avait frappé les esprits en s'opposant en 2003 à la guerre en Irak voulue par les Etats-Unis.

Il fut douze ans président de 1995 à 2007, deux fois Premier ministre, maire de Paris pendant 18 ans, chef de parti et ministre à répétition.

Affaibli par différents problèmes de santé, M. Chirac n'apparaissait plus en public depuis cinq ans. Ces ennuis de santé auront eu raison de ce battant de haute taille, débordant d'énergie, omniprésent dans le paysage politique français depuis le début des années 1960, entre succès brillants et échecs cuisants, démontrant une exceptionnelle capacité de rebond.

Particulièrement impopulaire pendant son deuxième mandat, premier ex-président français condamné par la justice (en 2011), il bénéficiait depuis sa retraite d'une image de sympathie.

Loin des idéologies, ce grand pragmatique, créateur en 1976 du Rassemblement pour la République (RPR), se présentait comme l'héritier du gaullisme. Il a, entre "travaillisme à la française" et conservatisme ponctué de coups d'audace bonapartistes, incarné une synthèse des droites françaises. Il n'a pas non plus rechigné aux manœuvres politiciennes pour atteindre ses objectifs, comme lorsqu'il lâche le chef de file de son parti, Jacques Chaban-Delmas, en 1974, pour soutenir Valéry Giscard d'Estaing.




Ses mandats de président resteront marqués par son "Non" à la guerre d'Irak en 2003, la fin de la conscription militaire, la reconnaissance de la responsabilité de l'Etat français dans les crimes nazis, le passage au quinquennat, le cri d'alarme ("notre maison brûle") face à la dégradation de l'environnement dans le monde.

Mais aussi une ardente polémique sur sa reprise des essais nucléaires, une dissolution calamiteuse de l'Assemblée nationale en 1997, un "non" retentissant au référendum constitutionnel européen de 2005, des accusations d'immobilisme, des déficits creusés, le chômage invaincu.

A l'aise dans les foules populaires, loué pour son humanité, sa sympathie, sa simplicité illustrée par son appétit gargantuesque pour des plats typiquement français, il était aussi salué pour sa culture et était l'ami des puissants, comme le milliardaire François Pinault ou la famille milliardaire libanaise Hariri qui l'avait hébergé un temps dans un appartement parisien après son départ du palais présidentiel.


(Lire aussi : Chirac, ce « Libanais »..., le commentaire d'Elie Fayad)


L'Elysée, rêve d'une vie

Premier maire de Paris à la création de ce poste en 1977, il régnera sur la capitale pendant trois mandats, alimentant des accusations de clientélisme et de corruption avec des décennies de prolongements judiciaires. Il restera ainsi comme le premier président condamné par la justice pénale.

Jacques Chirac était parvenu à conquérir l'Elysée - rêve d'une vie pour ce fils unique - après deux défaites (1981 et 1988) face au socialiste François Mitterrand. On le disait essoré. Troisième tentative en 1995. Ce sera la bonne. Au terme d'une campagne marquée par son slogan sur la "fracture sociale", il l'emporte de haute lutte, éliminant son rival RPR au premier tour, puis battant le socialiste Lionel Jospin au second. Mais deux ans plus tard, il commet une erreur politique majuscule en dissolvant l'Assemblée nationale pour tenter de se doter d'une majorité.

Au final, il achève son septennat sur cinq ans de cohabitation belliqueuse avec Lionel Jospin qu'il a été contraint de nommer Premier ministre. En 2002, nouveau coup de théâtre: celui que son adversaire et Premier ministre qualifie de "vieilli, usé, fatigué", devient, face à Jean-Marie Le Pen (Front national), le président le mieux élu. Un record de 82,21% des voix. Comme son adversaire d'extrême droite, il avait combattu pendant la guerre d'Algérie, où il avait été blessé.

Avant la mairie de Paris et le palais présidentiel, il avait déjà occupé d'innombrables fonctions politiques sous les ors de la République, ministre de l'Agriculture, de l'Intérieur, député européen, député, etc...

Ses deux séjours comme Premier ministre avaient déjà été batailleurs: en 1976 Chirac remet à Valéry Giscard d'Estaing, qu'il avait contribué à faire élire contre le gaulliste Jacques Chaban-Delmas, une retentissante démission. Il se bat pied à pied avec François Mitterrand de 1986 à 1988.


(Lire aussi : Chirac, un "fidèle ami" pour Aoun, "l'un des plus grands" de France pour Hariri)


Crédité de nombreuses conquêtes

Il restera aussi le Premier ministre qui signa en 1976 le décret instaurant le regroupement familial permettant à un étranger non européen légalement installé de faire venir son époux ou épouse et ses enfants.

En 2007, affaibli par un accident vasculaire cérébral qui l'a frappé deux ans plus tôt, il voit triompher un homme de son parti devenu son rival, Nicolas Sarkozy, pour lequel il est loin de manifester la ferveur indéfectible de son épouse Bernadette. Diminué, il ne pourra assister à son procès - procédure inédite pour un ex-locataire de l'Elysée - dans une interminable affaire d'emplois fictifs.

"Perte de mémoire", "absences", surdité. Jacques Chirac apparaîtra de plus en plus rarement en public, la démarche saccadée, agrippé à l'épaule d'accompagnateurs. Très loin de l'image du séducteur infatigable, beau comme un acteur, crédité de nombreuses conquêtes féminines ("les filles, ça galopait", avait admis son épouse).

Loin de l'homme vorace engloutissant les têtes de veau sauce gribiche, les bières Corona, capable de marathons record au salon de l'Agriculture, dont l'émission "Les Guignols" de Canal Plus avaient fait une marionnette fétiche.


Loin de l'amoureux des bains de foule, surnommé "Chichi", qui se vantait d'avoir serré tant de mains qu'il lui fallait des seaux de glace pour soulager ses paumes enflammées.

Pour ses ennemis, Jacques Chirac était versatile, capable de tous les coups, admirable dans la conquête du pouvoir, déplorable dans son exercice. Pour ses amis, c'était un homme "attentif aux autres", plein de charme, un citoyen du monde familier des grands de la terre. Un père adorant ses deux filles dont l'aînée, Laurence, aujourd'hui décédée, a été frappée d'anorexie et dont la seconde Claude, experte en communication, l'a accompagné, conseillé et rendu grand-père d'un garçon prénommé Martin.

Une personnalité en tout cas beaucoup plus complexe que l'image rustique qu'il affichait: connaisseur de l'Asie, amoureux du Japon (expert ès sumo), russophone, artisan d'un dialogue des cultures incarné par "son" musée du quai Branly à Paris, écrin des "arts premiers" dont il était féru.


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Chaleureux, parfois intraitable, toujours en mouvement, l'ancien président français Jacques Chirac, décédé jeudi à 86 ans, incarnait une droite pragmatique et populaire et avait frappé les esprits en s'opposant en 2003 à la guerre en Irak voulue par les Etats-Unis. Il fut douze ans président de 1995 à 2007, deux fois Premier ministre, maire de Paris pendant 18 ans, chef de parti...

commentaires (1)

Le dernier président français gaullien. De GAULLE a été le 1er président de France à dénoncer l'imposture du dollar en tant que référence monétaire dans les échanges économiques, et non ! l'actuelle 1ère puissance économique du monde c'est la Chine. A coincer au fond de son cortex limité.

FRIK-A-FRAK

21 h 29, le 26 septembre 2019

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Commentaires (1)

  • Le dernier président français gaullien. De GAULLE a été le 1er président de France à dénoncer l'imposture du dollar en tant que référence monétaire dans les échanges économiques, et non ! l'actuelle 1ère puissance économique du monde c'est la Chine. A coincer au fond de son cortex limité.

    FRIK-A-FRAK

    21 h 29, le 26 septembre 2019

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