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À La Une - Conflit

Au Yémen, le réveil contrarié des séparatistes du Sud

Les combats dans le Sud sont "le premier véritable test de la capacité de médiation de l'Arabie saoudite", selon une experte.

Des combattants des forces séparatistes dans le sud du Yémen font le V de la victoire le 29 août 2019 à bord d'un pick-up à Aden, la grande ville du Sud. AFP / Nabil HASAN

En se lançant à la conquête du sud du Yémen, les séparatistes ont remis au goût du jour la revendication indépendantiste mais cette ambition se trouve contrariée par l'instabilité sur le terrain et le rejet de l'Arabie saoudite d'une partition du pays.

Cet épisode d'un conflit déjà compliqué a fait dire à l'ONU que le Yémen pourrait se désagréger si un accord de paix global n'est pas trouvé rapidement.

Selon des analystes, la bataille pour le Sud est un test pour l'Arabie saoudite qui doit ressouder son propre camp et diriger tous les efforts contre les rebelles houthis, perçus comme des alliés de l'Iran, grand rival régional du royaume saoudien. Voisine du Yémen, l'Arabie saoudite intervient depuis 2015 dans ce pays à la tête d'une coalition militaire pour aider le pouvoir yéménite face à une offensive en 2014 des rebelles houthis qui contrôlent toujours de vastes régions du Nord dont la capitale Sanaa.

Les combats séparatistes-loyalistes constituent un nouveau front au Yémen, pays pauvre de la péninsule arabique où la guerre a déjà tué des dizaines de milliers de personnes selon des ONG et poussé la population au bord de la famine.

La ville d'Aden contrôlée depuis le 10 août par les séparatistes du Conseil de transition du sud (STC) a été reprise mercredi par le gouvernement puis reconquise jeudi par les mêmes séparatistes.

La revendication d'autonomie dans le Sud qui fut un Etat indépendant avant 1990 est alimentée par le sentiment de discrimination éprouvé après l'union avec le Nord en 1990. "La population du Sud a été placée sous occupation du Nord", a déclaré le chef du département politique du STC, Khaled Bamadhaf au quotidien saoudien Asharq al-Awsat. "Le gouvernement s'est emparé des terres et des richesses du Sud. Il a dissous les structures de l'Etat du Sud, déplacé ses dirigeants et démantelé ses institutions civiles".



(Lire aussi : Le « génie séparatiste » sera très difficile à replacer dans sa boîte)



"Un Etat indépendant"
Ce mécontentement couvait depuis longtemps et la guerre contre les houthis, à laquelle avaient participé les séparatistes du STC au côté du pouvoir, ne l'a pas effacé totalement.

Après Aden, le STC a tenté de pousser son avantage dans le Sud mais a été contraint de céder au gouvernement la province voisine d'Abyane et celle de Chabwa, plus au nord.

Mardi, le chef du STC Aidarous al-Zoubaïdi a insisté sur "la restauration de l'indépendance du Sud. C'est un objectif dont on ne va dévier d'un pouce". "L'indépendance est une revendication populaire et certainement possible" à réaliser, a déclaré à l'AFP le porte-parole du STC, Nizar Haitham.

Mais pour Raiman Al-Hamdani, un chercheur yéménite basé à Londres, un Etat indépendant serait confronté à d'énormes difficultés. "Cela délégitimerait complètement l'intervention étrangère au Yémen et ses objectifs". Les objectifs de cette intervention menée par Riyad est de rétablir le gouvernement reconnu par la communauté internationale et de maintenir l'unité du Yémen. En plus, "le STC n'est pas reconnu par tous les mouvements séparatistes bien qu'il soit le plus fort", selon M. Hamdani.

"Le STC tente de consolider son contrôle du Sud au delà d'Aden", estime Elana DeLozier, chercheuse au Washington Institute for Near East Policy. "Il n'y aura pas de Sud indépendant la semaine prochaine, surtout après ce qui semble être une défaite du STC à Chabwa mais l'idée ne va pas disparaître de sitôt".



(Lire aussi : La relation entre Riyad et Abou Dhabi est-elle mise à mal ?)



"Guerre dans la guerre"
Dans une démonstration d'unité, l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, les deux piliers de la coalition anti-houthis, ont appelé séparatistes et gouvernement au dialogue. Les combats dans le Sud sont "le premier véritable test de la capacité de médiation de l'Arabie saoudite", selon Mme DeLozier.

Ils reflètent, disent des analystes, un clivage entre Riyad et Abou Dhabi, le premier soutenant le pouvoir et le second les séparatistes. "Les dirigeants des deux pays vont rafistoler les choses mais en fin de compte, ces développements ont fait éclater leurs divergences et révélé que leurs objectifs au Yémen ne sont pas les mêmes", juge Elisabeth Kendall, du Pembroke College de l'Université d'Oxford. Si Riyad veut neutraliser la menace posée par les houthis pour la sécurité de son territoire, Abou Dhabi semble soucieux de sécuriser ses intérêts maritimes autour de la Corne de l'Afrique.

"Si l'on veut éviter un effondrement du Yémen, des pourparlers de paix élargis, plus inclusifs, publics et transparents, doivent avoir lieu immédiatement", dit Mme Kendall. "Si les pourparlers échouent, si le STC continue à vouloir étendre son contrôle et si le gouvernement y répond militairement, alors nous verrons éclater une guerre dans la guerre".



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