Dans ce pays (qui est le mien), en mal de belles émotions, en quête perpétuelle et vaine de bonnes nouvelles, de paysages à couper le souffle, de nature protégée, de mer vraiment bleue ; un pays qui va encore plus mal qu’un monde déjà très fatigué, trouver de bonnes raisons de l’aimer et de ne pas le quitter se fait de plus en plus rare. Une société malade, un État (de droit) absent, et un niveau général qui fleure les poubelles accompagnent le réveil et les insomnies de chaque citoyen, quels que soient son âge, son milieu et son appartenance politique. Mais dans ce marasme généralisé, il reste, si l’on a encore l’énergie de chercher, de puiser ailleurs que dans ce sombre tableau, des lieux remarquables, des personnes extraordinaires, des projets courageux, des initiatives personnelles et des talents à découvrir. Et peut-être, une raison de rester.
Leyla Nahas et Rami H. Obeid, plus connu sous le nom de Rami O, font partie de ces pépites rares qui croient que « l’herbe n’est pas plus verte ailleurs, mais là où on l’arrose… » Née à Paris, Leyla a quitté la France à l’âge de 8 ans pour s’installer en famille à Montréal, une ville qu’elle affectionne particulièrement. Elle entreprend des études de sciences politiques à l’Université de Concordia puis décroche un DEA en relations internationales à Genève.
Rami, en dépit des apparences, de sa double nationalité et de son physique très suédois (sa mère est suédoise), a grandi à Amioun. À 18 ans, il embarque pour les États-Unis, où il suit des études de beaux-arts à l’Université de Kentucky. « J’ai beaucoup appris », confie-t-il, avant de revenir au Liban avec une courte parenthèse de 6 mois, à peine supportable, à Dubaï qui ne lui ressemble en rien. « Durant la guerre de 2006, j’ai joué au Suédois évacué vers la Suède. J’y ai passé trois ans où j’ai étudié, vécu, grandi, travaillé. C’était ma première expérience en Suède en tant qu’adulte. Ce n’est pas mieux là-bas, souligne-t-il, c’est juste différent ! » Alors, en 2009, il revient vers Beyrouth, cette ville à laquelle, dit-il, « je suis toujours revenu, malgré de nombreuses tentatives de faire ma vie ailleurs… J’ai repris là où j’étais parti et je suis resté. »
Tout pour la musique
C’est la musique qui, d’abord, confirme le coup de cœur du couple. Elle a grandi dans un univers familial à l’oreille très musicale, tellement qu’entre autres activités et métiers, elle a choisi de prêter sa voix à des publicités et autres messages et de « faire de la radio » depuis des années. Radio Nostalgie où elle a coanimé Happy Days, RFI, avec Escales et, depuis 2011, Mon manège à moi, du lundi au vendredi, à 18 heures. Lui, brand designer de métier, DJ de passion, a fondé avec Ernesto Chahoud the BGC (Beirut Groove Collective). « Le but était, et reste, même si je n’y suis plus, de ramener une nouvelle musique sur la scène locale. On a réussi, et moi, j’ai bougé vers autre chose en 2012. » « Pour ma part, c’est en passant des vacances de Noël au Liban, en 2005, que j’ai réalisé que ce n’était pas normal d’être libanais et de n’y avoir jamais vécu », souligne Leyla. C’est ainsi qu’elle quitte Paris la belle et rentre au Liban pour, également, vivre d’autres choses.
Un bébé et plus
Autre(s) chose(s), c’est un mariage, sur des mélodies du bonheur, un enfant, et Beirut Bright Side. « La relation que nous avons avec le Liban est comme celle d’un couple. Elle se nourrit, elle se cultive et se travaille », affirment-ils en chœur. Pour nourrir leur blog, ils font, depuis janvier 2015, comme une prière (à tous les dieux) tous les matins, l’exercice de trouver une bonne nouvelle, une belle personne, une histoire à raconter, un acte noble, avant de le partager sur les réseaux sociaux. En février 2017, ils ont lancé les podcast BBS, 6 aujourd’hui, qui sont venus se rajouter à l’écrit, pour, disent-ils, inspirer le plus de gens au Liban et à l’étranger. « Les gens ont tendance à aller vers le négatif, ne retenir et partager que ça. Ce projet nous aide, nous aussi, à traverser les moments difficiles, avouent-ils. C’est important pour nous d’avoir cette attitude. » Le choix de rester ici les obligeant à tirer le meilleur de cette expérience – « sinon on sombre dans la dépression collective » –, ils tentent de transcender les mauvaises nouvelles qui inondent les réseaux sociaux et les médias, au Liban et dans le monde d’ailleurs. « On a tous besoin d’air frais, de gens passionnés et passionnants. » Le mode d’emploi de ces deux optimistes : après leur café et autres salutations au Soleil, le duo épluche les nouvelles, saisit un imprévu dans la rue, visite une exposition, part à la découverte d’un coin perdu, méconnu (et souvent magnifique) du Liban. Observe, rapporte. Tous les domaines les intéressent, l’art, la culture, la musique, la nature, le social, la cuisine, le pouls de la ville. « Il nous faut sortir de cet individualisme et créer une espèce de chaîne humaine, oublier cette désespérance. Le bon engendre le bon. Si chacun faisait cet effort, les choses pourraient commencer à changer… » précisent-ils avant de repartir à la chasse aux sourires.
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20 h 16, le 08 août 2019